La folie des «fidget spinners» va contaminer l’Europe. Vous voilà avertis

Depuis quelques semaines, j’ai l’impression de les voir partout. Quoi donc? Ces curieux jouets, que j’avais d’abord pris pour une sorte d’appareil de musculation des doigts. Ce sont les «fidget spinners» ou «hand spinners» (photos: Instagram, Jual Fidget Spinner Pku). Un objet en plastique, avec des roulements à billes en acier. Le principe? Les faire tourner entre les doigts, un peu comme une toupie. Les enfants en raffolent. Les professeurs un peu moins: certaines écoles ont décidé de les interdire. Très à la mode aux Etats-Unis, le phénomène a déjà atteint l’Europe et pourrait bien y connaître un succès similaire. Attention, vous êtes avertis: la vague des «fidget spinners», qui se multiplient comme des petits pains, promet d’ensorceler vos enfants! Si ce n’est pas déjà fait…

A la base, ce «jouet», qui a l’avantage de ne pas faire trop de bruit, est prévu pour les personnes souffrant d’hyperactivité, de troubles de l’attention ou de la concentration. Pour les calmer. Ou pour stimuler des enfants atteints d’autisme. Sauf qu’ils sont rapidement devenus un phénomène de mode. On les collectionne – il y en a de toutes les couleurs, en version tenue de camouflage, feuilles de cannabis ou encore fluos la nuit -, on les bichonne, on se les échange, on joue à celui qui saura les faire tourner le plus longtemps (entre 30 secondes et quatre minutes). Les «fidget spinners» deviennent eux-mêmes un facteur d’excitation. Agacés, des professeurs préfèrent les bannir des salles de classe et recourir aux bonnes vieilles balles anti-stress pour les enfants qui auraient réellement besoin de canaliser leur énergie en s’en prenant à un objet.

Dr Nozman, un youtubeur suivi par 1,3 million d’abonnés, y a consacré une de ses dernières vidéos. Les commandes sur internet affluent, grâce notamment à des revendeurs qui ont senti le bon filon et se sont empressés d’acheter des noms de domaines avec le mot «spinners». Et sur www.spinners.ch, par exemple, ils sont déjà en rupture de stock.

L’histoire de ce curieux objet remonte en fait à l’été 1993 déjà. Une mère de famille basée en Floride, Catherine Hettinger, invente ce nouveau type de toupie pour divertir sa fille qui souffre de faiblesse musculaire. Cinq ans plus tard, elle décide de le commercialiser et en vendra quelques milliers, jusqu’à ce qu’elle renonce à sa licence: elle n’avait pas les 400 dollars nécessaires pour la renouveler.

Mais c’est bien depuis quelques semaines, sans que l’on sache vraiment pourquoi, qu’il connaît un nouvel engouement. En décembre dernier, Forbes avait déclaré les «fidget spinners» comme le «must have office toy for 2017», en pensant aux entrepreneurs stressés qui se rongent les ongles et ne savent plus que faire de leurs doigts. Et ça marche. Avec des prix allant de un à plus de 100 dollars pour les plus perfectionnés. Dès mars, des vidéos commencent à fleurir sur Youtube. C’est le buzz. Des stars se mettent également à l’adopter, à l’image de Gwyneth Paltrow qui en a offert à son fils. De quoi créer une spirale infernale.

Sandra Rossier, qui habite Brooklyn, en est fan. Elle a quatre enfants (photo) et huit «fidget spinners». «Ce n’est pas facile pour les enfants de rester six heures assis à l’école, puis ensuite de nouveau pour faire les devoirs.Le fidget les aide à soulager une partie de leur énergie nerveuse qui découle de plusieurs heures de sédentarité», explique-t-elle. «Cela les aide à se concentrer». Elle assure que leur école à Park Slope adore ces objets.

A force de les voir partout, le pourcentage de ceux qui les détestent prend aussi l’ascenseur. Enseignante à New York, Cristina Bolusi Zawacki n’a pas ménagé ses mots, dans une opinion publiée dans Working Mother: «J’ai une réaction viscérale quand j’en vois émerger d’une trousse ou d’une poche, comme une version sadique de l’expérience pavlovienne». C’est dit. Cette réaction viscérale-là pourrait elle aussi venir contaminer l’Europe si les petits OVBI – objets virevoltants bien identifiés – deviennent victimes de leur succès. En attendant, je connais bien deux, trois collègues à qui cette petite chose pourrait faire du bien. Car qu’on se le dise: ce drôle de gadget n’est de loin pas destiné qu’aux enfants.

Valérie de Graffenried

Valérie de Graffenried est la correspondante du Temps aux Etats-Unis.

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