Contourner New York en voilier, avec une famille d’aventuriers suisses

Traverser l’Hudson dans un zodiaque ultra-rapide et bondissant depuis Battery Park à Manhattan, arriver à la marina de New Jersey, dormir dans un bateau, partir le lendemain à l’aube avec le même voilier saluer la Statue de la Liberté, puis remonter l’East River, longer le bâtiment de l’ONU en scrutant les plus beaux gratte-ciel de New York, passer à côté de Rikers Island où était emprisonné DSK, voir l’île qui a hébergé une fosse commune, et enfin, quelques heures plus tard, arriver dans le paisible petit port de Rye: j’ai fait tout ça un samedi, par beau temps. Grâce à des Suisses. Un couple – Sabine et Dario -, leurs cinq enfants et le sixième qui est en route.

C’est la famille Schwörer. Nous vous racontions leur histoire avant Noël, à relire ici. Pour faire court, les Schwörer voyagent depuis dix-sept ans sur «Pachamama», le nom de leur fidèle voilier bardé de panneaux solaires. Ils ont un but: témoigner des changements liés au réchauffement climatique. Leur aventure s’appelle «The TopToTop Global Climate Expedition». Ils naviguent – plus de 100 000 miles nautiques avalés -, pédalent, mais grimpent aussi: les Schwörer se sont fixés pour but de gravir le sommet le plus haut des sept continents. Et ils n’en ont plus qu’un sur la liste: le Mont Vinson, dans l’Antarctique. Situé à 1200 kilomètres du pôle Sud, il culmine à 4892 mètres. C’est le sommet qu’ils visaient en 2004, avant de méchamment heurter un container. Un des pires moments de leur aventure.

Arrivés en décembre dans le port de Greenwich, à plus d’une heure de train de  New York, les Schwörer étaient censés reprendre le large direction Haïti quelques jours plus tard. Mais la vie en a décidé autrement: Sabine est tombée enceinte. Le couple, par crainte du virus Zika, a décidé de changer de trajectoire et de renoncer à Haïti.

Ils sont finalement restés plusieurs semaines dans la région de New York, à donner des conférences sur leur aventure, dans des écoles notamment, comme ils le font à chaque étape. Ils sont ensuite rentrés un mois en Suisse, en février, dans l’espoir de décrocher un deuxième sponsor, leur difficulté majeure. C’est aussi en Suisse qu’ils ont pu tester du nouveau matériel pour faire l’ascension du Mont Vinson en famille. A l’heure où vous lisez ces lignes, ils ont bien quitté New York et sont sur le point d’arriver aux Bermudes. La suite de leur voyage? Remonter vers le Groenland. Car, c’est décidé, le sixième enfant naîtra cet été à Nuuk.

Le weekend où nous avons pu partager un petit bout de leur aventure avec eux, le temps était idéal pour quitter New York en voilier. Quelle magie que de contourner la ville de cette manière!

Sur le bateau, où chaque centimètre a son utilité, l’aînée de douze ans s’occupe de Mia la petite dernière, ceux du milieu prennent le gouvernail ou font les zouaves en s’accrochant à des cordes, agiles comme des petits singes, et les parents ne restent pas une minute sans rien faire. «Attention, c’est à gauche de l’île Roosevelt qu’on doit passer!», crie soudain Dario à son plus grand fiston, les yeux fixant des bouées rouges. Hop, demi-retour. Pour prendre l’île du bon côté.

Un peu plus loin, près de Hell’s Gate, un petit bateau fonce vers nous, des voix crachant dans des hauts-parleurs: les gardes-côtes. Deux hommes, les bras entièrement tatoués, le physique de ceux qui passent la plus grande partie de la journée à soulever des haltères, se hissent sur le voilier. «Vos papiers!». Un ange passe quand l’un deux demande à Dario quand la famille a quitté la Suisse. Le Grison, très méticuleux, cherchait le jour exact. «C’était il y a dix-sept ans», lâche-t-il finalement. Si les gardes-côtes ont eu un petit moment d’hésitation, cela n’a pas empêché l’un des comparses à demander malgré tout à Dario s’il avait… son permis voile. Mais à la fin, les deux malabars se sont déridés. Ils ont même accepté de poser avec les enfants.

Ils sont comme ça, les Schwörer: leur aventure atypique en famille finit par faire fondre tout le monde. Même les plus coriaces.

Sur le site toptotop.org, il est possible de suivre, jour après jour ou presque, l’avancée de l’expédition des Schwörer. La famille y tient également un blog qu’elle alimente régulièrement en photos et vidéos.

 

Valérie de Graffenried

Valérie de Graffenried est la correspondante du Temps aux Etats-Unis.

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