Rencontre avec le «Subway Therapist»

Nous avions rendez-vous dans un couloir reliant deux stations de métro, en plein coeur de Manhattan. J’ai erré, je l’ai cherché, j’ai fait les cent pas dans ce couloir glauque où dormaient deux SDF, et j’étais prête à partir. Quand j’ai réalisé que, oui, il y avait bien un deuxième couloir pas loin. J’ai donc fini par le trouver, Matthew Chavez. Pardon: Levee. C’est comme ça qu’il veut qu’on l’appelle quand il fait ses performances. De Matthew Chavez, on ne saura en fait pas grand-chose. Si ce n’est qu’il gagne sa vie en prêtant sa voix pour des livres audio et en travaillant dans un bar de Brooklyn, lui le touche à tout.

Levee est donc là, un peu agité, face à un mur sur lequel des milliers de post-its de toutes les couleurs sont collés. Il en ramasse par terre, se fait suivre par une équipe de télévision, revient, discute avec un musicien. Nous oublie. Levee, c’est le «Subway Therapist» de New York. Le gars, toujours tiré à quatre épingles, boucles rebelles mais esprit «peace and love», qui s’installe, quand ça lui chante, dans un couloir, avec une table, deux chaises, une petite pancarte «Subway Therapist». Et qui attend que la magie opère. Que des gens s’arrêtent, racontent, se racontent. Et expient leurs angoisses. Il fait ça depuis six mois, sans rien avoir d’un thérapeute, juste parce qu’il veut «donner du bonheur aux gens». Les métros le fascinent. «C’est un lieu de vie incroyable, avec une mixité de gens d’horizons très divers. Un laboratoire fantastique!».

img_8667Depuis le 8 novembre, il a décidé de faire autrement. De mettre des post-its et des stylos à disposition et laisser les gens écrire ce qui leur passe par la tête, et coller leur message sur un mur. Des messages de paix, d’amour, de haine aussi. Certains sont en faveur de Trump. «J’ai senti que les gens devaient s’exprimer après cette campagne particulière, et qu’il fallait un endroit où placer ces émotions. Mais Levee est neutre, ce n’est pas une démarche politique», insiste-t-il.

Ce jour-là, nous étions nombreux devant son mur, à décrypter les près de 4000 messages. A deux stations de métro de là, à Union Square (photo), des post-its recouvrent aussi des murs, de manière plus chaotique, moins organisée. Mais Levee n’y est pour rien. Ce n’est pas son projet. Ces post-its là ont essaimé tout seul.

Valérie de Graffenried

Valérie de Graffenried est la correspondante du Temps aux Etats-Unis.

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