Le retour de l’Éventreuse

Il est un genre littéraire capable de dire le corps face à la violence, la colère et la souffrance des victimes, l’horreur et l’effroi, de la manière la plus incarnée qui soit: le gore.

C’est ce genre que la romancière Stéphanie Glassey a choisi pour écrire un livre flamboyant, L’Éventreuse, sur un thème qui fait un peu parler ces temps: il y est question du corps des femmes que des hommes s’approprient par la violence, d’enfants non désirés et d’avortements clandestins.

Couverture du roman de Stéphanie Glassey, L’éventreuse, éditions Gore des Alpes, 2020.

De sa plume incisive, poétique jusque dans le sordide, la jeune écrivaine valaisanne fouille la plaie et assume un propos engagé, contre l’injustice et la domination des trop forts sur les trop faibles, pour le droit à disposer de son corps. Dans une langue qui va au plus profond des entrailles déchirées, elle met des mots crus sur la souffrance des victimes, des mots qui ressemblent à leur douleur.

Viscéralement solidaire de ces femmes et de ces filles violentées et meurtries, je veux dire, à mon tour, mon effroi face au fait que qu’on puisse justifier le recul des droits des femmes au nom du droit. Au Monopoly des intégrismes, c’est la case juste à côté du droit divin.

Ce qui est gore, malgré le nom de l’éditeur, ce n’est pas tant le récit de l’Éventreuse, ni la colère qui en émane, mais bien les pensées faisandées et rances qui renvoient la condition des femmes aux âges les plus obscurs.

Emmanuelle Robert

Après des études de lettres et un parcours de journaliste, Emmanuelle Robert a travaillé dans la coopération au développement. Active dans la communication (le jour), elle écrit (la nuit) et est l'auteure de Malatraix (Slatkine, Genève, 2021). Elle est aussi coach professionnelle et amatrice de course à pied.