Des émojis pour mieux communiquer avec ses médecins

Le domaine de la santé aurait besoin davantage d’émojis afin d’améliorer la communication entre soignants et patients.

C’est du moins la conviction du Dr Shuhan He, médecin traitant au service des urgences de l’Hôpital général du Massachusetts, qui en fait une plaidoirie dans le journal JAMA, l’a revue médicale mensuelle publiée par l’American Medical Association.

«Lorsque la rapidité de décision est vitale, les émojis peuvent faciliter les échanges grâce à une forme de communication de type “pointer-et-cliquer”. Ils peuvent également être un outil précieux pour surmonter les difficultés linguistiques ou verbales lorsque des personnes souffrant de handicap ont de la peine à s’exprimer, de même que des patients parlant une autre langue, ou encore, dans le cas d’enfants qui ne parlent pas encore».

Le Dr He et ses collègues ont déjà réussi à faire accepter l’émoji du cœur et celui des poumons auprès du Consortium Unicode, une société d’utilité publique à but non lucratif qui gère le développement de ces pictogrammes. Ils apparaîtront sur nos appareils numériques en 2022.

Les nouvelles propositions

Les médecins proposent d’ajouter à cette liste,15 émoticônes supplémentaires illustrant l’intestin, l’estomac, le foie et le rein, ainsi qu’une jambe plâtrée, une colonne vertébrale, une plaquette de médicaments, une poche de sang, une poche de perfusion, un scanner, une balance, un semainier, un électrocardiogramme (ECG), une paire de béquilles et un leucocyte (ou globule blanc).

Les premiers émojis médicaux, une seringue et une pilule ont été introduits en 2015. Puis en 2017, à la demande de diverses associations, Apple a allongé la liste pour mieux représenter les personnes handicapées: une canne blanche, un bras et une jambe mécaniques, un appareil auditif. Il y a encore le stéthoscope, la goutte de sang et le fameux virus vert, que nous avons tous utilisé dans nos échanges à propos du Covid-19.

Les émojis ont démarré au Japon 

Conçus en 1999 par Shigetaka Kurita pour la messagerie du télécom NTTDoCoMo, les 176 caractères imagés ont connu un succès immédiat et ont été copiés par des entreprises rivales au Japon. Puis douze ans plus tard, avec une gamme élargie lors du lancement de l’iPhone, les émojis ont conquis toute la planète.

Les premières planches illustrées de Kurita ont été consacrées au Museum of Modern Art (MoMa) de New York en 2016. Elles sont les premières traces d’un nouveau langage normalisé et mondialisé, utilisé sur toutes les formes de messagerie.

Initialement au nombre de 176 en 2010, 3000 émojis sont disponibles aujourd’hui. On estime que 5 milliards d’entre eux sont utilisés chaque jour sur Facebook et dans Messenger seulement. Un phénomène tel que l’Oxford Dictionary a désigné «émoji» comme le mot de l’année en 2016.

Comment proposer un émoji

Chacun est libre de demander un nouvel émoji et d’argumenter en faveur de son existence. Par exemple l’année passée, à notre grande fierté nationale, celui de la «fondue» a été approuvé. Il avait été proposé par trois journalistes alémaniques du quotidien gratuit 20 minutes.

Un documentaire leur a même été consacré intitulé “Picture Character“, produit par Martha Shane et Ian Cheney en 2019. Le film revient sur l’historique et l’impact culturel de cette nouvelle forme de communication et présente le parcours de trois personnes ayant soumis une demande au Consortium, notamment une adolescente saoudienne qui a proposé un émoji représentant une femme portant un hijab, afin de se sentir représentée.

Sources : The Verge / JAMA / Les Echos / Hollywood Reporter

 

Emily Turrettini

De nationalité américaine et suisse, Emily Turrettini publie une revue de presse sur l'actualité Internet depuis 1996 et se passionne pour les nouvelles tendances.

5 réponses à “Des émojis pour mieux communiquer avec ses médecins

  1. Sourde, ce n’est pas seulement des emojis qui changeraient ma relation au monde médical, mais une meilleure sensibilité, et formation des médecins au handicap lié à la communication.
    J’ai un mal fou à obtenir de mon généraliste qu’il écrive quelques mots sur une feuille de papier (en style télégraphique, pas besoin de faire du Proust), et je ne parle pas du fait qu’il brouille les téléphones portables dans son cabinet, ce qui m’empêche d’utiliser l’appli de sous-titrage pour sourds qui est installée sur mon téléphone.
    Chaque visite chez un professionnel de santé est devenue un calvaire, une source sans fin de malentendus, une accumulation de défiance et d’agacements réciproques, c’est une catastrophe largement sous-évaluée.
    Devenue sourde, je suis très à l’aide avec l’écrit, je parle tout à fait normalement à l’oral, ce qui rend incompréhensible le fait que je n’entende pas (tout juste si on ne me soupçonne pas de faire semblant !).
    L’enjeu se situe au niveau de la formation et de l’information des médecins sur le handicap, ils ne sont pas plus formés que l’homme de la rue, pire encore, pétris parfois d’un complexe de supériorité et de certitudes, ils ne savent pas se remettre en cause et écouter, faire une place à la différence : à croire que ça les déstabilise.

  2. Avec un peu d’imagination, un bout de papier et un crayon, un médecin ou la personne désirant être comprise peuvent déjà communiquer sans émojis ! Désigner du doigt son estomac sur son corps, en exprimant sa douleur avec une grimace, et quantité d’autres signes de communication directe sont bien préférables à une tabelle d’icônes. Le pédiatre préfère certainement s’adresser à l’enfant avec sa voix, ses gestes, son visage, et ce dernier lui répond de la même manière. Il y a aussi l’ours en peluche juste à côté, qui offre du recul pour parler de soi plus facilement.

    Le risque de ce recours aux icônes, même en complément pour le médecin qui voudrait gagner du temps, est une efficacité que j’estime pas du tout souhaitable. Le « temps perdu » à causer au cabinet médical est le temps libre où se révèle parfois (ou plus souvent pour le médecin attentif ?) la vraie origine du malaise, sans rapport avec le trouble annoncé pour prendre rendez-vous. J’accueille bien les icônes pour prendre un ticket de train à l’automate, en étant guidé étape par étape, il s’agit d’une destination connue pour obtenir ce que je veux. Le médecin c’est autre chose, il me conseillera où aller, me soignera sans cette interface de communication réductrice.

    Je voulais clore mon commentaire avec un émoji mécontent qui tire la langue, il est introuvable dans la galerie d’Apple qui fait le vide sur ce que j’éprouve !

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