Enseigner ou diriger une entreprise, même après sa mort

DIGITALE ATTITUDE : Un professeur décédé donne des cours virtuels dans une université et l’avatar numérique d’un PDG devrait lui permettre de prendre part aux décisions de l’entreprise après sa mort. 

Trois semaines après avoir entamé un cours d’histoire de l’art en ligne, Aaron Ansuini, étudiant à l’université de Concordia au Québec, a eu une question à propos d’une visioconférence. Ne trouvant pas les coordonnées de son professeur sur le site de la faculté, il a poursuivi sa recherche sur Google. Mais à sa grande surprise, raconte le journal The Verge, il tombe sur un avis mortuaire. François-Marc Gagnon est décédé le 28 mars 2019, il y a près de deux ans. Il n’était précisé nulle part dans le programme que Gagnon enseignait à titre posthume.

Les cours préenregistrés ont une utilité évidente pour préserver le travail de conférenciers renommés et pour enseigner à distance. Mais ne pas avoir été informé du statut de son professeur a été très mal vécu par Ansuini. «Nous ne vivons pas dans un monde où la mort laisse indifférent. Je pense que l’université a manqué de respect pour ce professeur».

Très récemment, un brevet a été accordé à Microsoft pour un programme capable de ressusciter numériquement des personnes décédées en les faisant revenir sous forme de chatbots, ou agents conversationnels.

Alors imaginez qu’un tel logiciel, alimenté par les publications d’un éminent professeur comme Gagnon tout au long de sa carrière académique, soit utilisé par l’université. Sa visioconférence pourrait alors être suivie par une séance de questions-réponses avec les étudiants, reproduisant au mieux le raisonnement du défunt.

En vérité, selon Tim O’Brien, responsable des pratiques éthiques de l’intelligence artificielle chez Microsoft, ce brevet ne sera pas exploité.

Mais dans le même esprit, un chatbot «d’éternité augmentée», est en cours de développement par Hossein Rahnama, chercheur à l’Université Ryerson au Canada.

Destiné à un PDG d’entreprise, ce robot capable de converser en langage naturel pourrait servir de «consultant virtuel» lorsque ce dirigeant ne sera plus de ce monde. Ainsi dans le futur, un cadre qui sera confronté au choix d’accepter ou non une offre d’acquisition – pourra sortir son téléphone portable, ouvrir une fenêtre de discussion et poser la question à l’ancien patron.

Ce projet interpelle, tout comme la démarche d’un PDG qui compte jouer un rôle décisionnel depuis l’au-delà.

 

Lire aussi :  Des «chatbots» pour parler avec les morts

Emily Turrettini

De nationalité américaine et suisse, Emily Turrettini publie une revue de presse sur l'actualité Internet depuis 1996 et se passionne pour les nouvelles tendances.

8 réponses à “Enseigner ou diriger une entreprise, même après sa mort

    1. There are also many unforeseeable consequences when we are dealing with a natural intelligence other than our own.

  1. En fait, ce n’est qu’un état intermédigitaire.
    Il a du se faire congeler, comme dans “Hibernatus”, pensant qu’il allait revenir 🙂

  2. Très intéressant.
    C’est toute la question de l’impacte des I.A. dans nos vies.
    Moi je ne suis pas choqué de voir un conseillé I.A.. Nos assistant numérique vont avoir de plus en plus de capacité.
    Par contre je trouve que les GAFAM qui semble être le plus en avance sur ces dossiers, eux nous voient comme client à espionner et à influencer.

  3. Il y a tellement de personnes qui ne veulent pas admettre que le monde évolue, que le futur appartient aux plus jeunes, et qui s’obstinent dans leur désir d’imposer leurs visions afin d’avoir l’illusion qu’ils resteront. Dans le cadre du cours universitaire (ou pourquoi pas aussi les cours de ménage), la possibilité de poser des questions au prof qui a oublié de mourir me semble intéressant , mais il ne faudrait pas que des profs malhonnêtes fassent dire à celui-ci qu’il s’est trompé sur tout ! Je souhaiterais encore autre chose de cette intelligence artificielle : qu’elle fasse continuer à vivre un moment des parents que leur enfant a perdu. Plus longtemps que la courte vidéo d’adieu des personnes qui se savent condamnées. La personne morte, alors qu’elle ne s’y attendait pas du tout, pourrait aussi s’adresser à son enfant : « Depuis là où je suis, je continuerai à penser à toi… » L’enfant pose une question, et la mère lui répond qu’elle l’aime. Celui-ci peut ensuite revenir pour sonner à la porte en faux bois, mais pas trop souvent, même au ciel on n’est pas toujours disponible. La machine sait reconnaître au son de sa voix si l’enfant est triste ou content… Bien sûr il faudrait que ce programme soit constitué déjà bien avant le décès imprévu, financé par une assurance, laquelle rentre dans ses fonds et fait un bénéfice avec toutes les personnes qui ne meurent pas pendant que l’enfant continue à bien grandir. Bon… Peut-être que finalement, une grand-mère peut mieux jouer ce rôle, mais il n’y en a pas toujours, et avec le virus il n’y en aura peut-être même plus.

    1. Cela existe Dominic. Dans ce documentaire sud-coréen Meeting You, la mère Jang Ji-sung a pu voir sa fille Nayeon, décédée à l’âge de sept ans en 2017, grâce à la réalité virtuelle. Et une
      une ingénieure en intelligence artificielle a crée un chatbot commémoratif (grief bot) pour continuer a dialogue avec son ami mort subitement.

      https://www.scmp.com/lifestyle/family-relationships/article/3049985/mother-cries-when-reuniting-dead-daughter-vr-learns

      https://www.letemps.ch/opinions/chatbots-parler-morts

      1. Merci pour votre réponse et les liens, j’irai les regarder, mais après être allé faire un tour dehors pour respirer l’air et marcher dans la neige. Tout cela est terrible… Mais avec mon intelligence humaine, je suis prêt à accueillir une deuxième intelligence qui voudra bien m’aider, parce qu’à soixante-neuf ans je commence à avoir plus de peine à penser seul. Finalement nous avons aussi des vêtements pour ne pas avoir froid, des casques pour ne pas se briser trop facilement le crâne, des smartphones pour lier amitié à l’autre bout du monde… Pourvu que ces progrès continuent leur course, et qu’un jour nous soyons capables de reconnaître que cette évolution est bien naturelle, saine, et que ce n’est pas une erreur de vouloir échapper aux lois de la nature là où elle ne nous aide pas du tout.
        Une intelligence naturelle vous souhaite bonne soirée.

Les commentaires sont clos.