Stranger Things : vous reprendrez bien une dose de nostalgie ?

Ode au cinéma fantastique et à la culture populaire des années 80, Stranger Things dévoile une saison 2 à la saveur d’une sucrerie gélifiée : artificielle et régressive. Gare à l’indigestion.

Si vous avez aimé : Taken, Outcast, Dark

L’histoire : Un soir de novembre 1983, à Hawkins, Will Byers, douze ans, disparaît sans laisser de traces. Au même moment surgit une jeune fille au crâne rasé, tatouée du chiffre 11. Elle est peut-être la clef de tous les mystères de la ville.

Bande-annonce : saison 1, saison 2

À voir sur : Netflix

« I always thought stuff like this happened in movies and comic books. »

Phénomène de l’été 2016, Stranger Things a fait un retour tonitruant sur Netflix le 27 octobre. Une saison 2 conçue pour être visionnée en mode binge watching, cerveau éteint, curseur pointé sur les années 80.

Le premier épisode s’ouvre sur une scène d’action spectaculaire qui donne le ton : grâce au succès inouï de la première saison, la série a vu son budget multiplié par quatre. Les spectateurs vont en prendre plein les yeux.

Et c’est bien tout ce qui diffère de la saison précédente. Car, pour le reste, les frères Duffer reprennent à la lettre la formule qui a fait le triomphe de la série : nostalgie et autodérision.

Une œuvre d’histoire visuelle

Véritable concentré de nostalgie, Stranger Things est une ode à l’œuvre des maîtres du cinéma d’aventure fantastique des années 80. Chaque plan convoque un classique et décline les options visuelles du registre. Jusqu’à l’excès, pleinement assumé.

Car Stranger Things est avant tout à lire au second degré. Si le gloubi-boulga de références peut faire fuir les puristes, il prête surtout à sourire. Les auteurs jouent la carte de l’amalgame avec une totale décomplexion, un signe des temps. Mais comment leur en vouloir, dès lors que le produit est ouvragé avec suffisamment de talent ?

Il faut ainsi une certaine maîtrise pour réussir à dérouler la trame sur de multiples niveaux référentiels : l’intrigue mettant en scène les enfants convoque le plus souvent Steven Spielberg, les ados John Carpenter et les créatures Ridley Scott – pour schématiser à très grosses mailles. Stephen King montrant la voie en guide suprême.

Sûrs de leur fait, les auteurs déploient à l’infini la grammaire des œuvres dont ils s’inspirent, jusqu’à la mise en abyme : la ville d’Hawkins reconstitue le décor des petites villes de province où se situe l’action des films fantastiques des années 80, et les personnages visionnent fréquemment des classiques de l’époque.

Hommage à la culture populaire des 80’s

Au-delà des clins d’œil au genre fantastique, Stranger Things soigne les détails pour coller à l’époque : voitures, coupes de cheveux, vêtements, mobilier, jeux, affiches de film, sans oublier la bande-originale, tout est fait pour reproduire les années 80 à l’identique. Jusqu’à la typographie du titre, référence aux couvertures des romans de Stephen King.

L’humour en étendard
Mais les frères Duffer ne s’éclatent pas que sur la forme. Ils truffent le scénario de traits d’humour, parfois typiquement contemporain : ici une réplique délicieuse sur les pesticides, là un splendide point Godwin.

« – We didn’t find any signs of contamination. Nothing hazardous other than some pesticides.
– Well, it’s a farm. »

Madeleine de Proust des consommateurs de séries

Avec de tels ingrédients, Stranger Things ne pouvait rencontrer qu’un immense succès auprès des principaux consommateurs de séries : les trentenaires et quadragénaires, biberonnés aux classiques des années 80. La série tombe d’autant plus à pic que l’époque est à la nostalgie d’une période que les digital natives regardent avec fascination.

Madeleine de Proust d’une génération qui a grandi avec le VHS et la télévision analogique, Stranger Things exerce un attrait phénoménal auprès des spectateurs qui n’ont pas connu les années 80. Nostalgie d’un rapport au monde idéalisé, que les auteurs s’appliquent à conforter.

Contrepoids rassurant à Black Mirror

Les enfants de Stranger Things vivent ainsi une jeunesse aventureuse, détachés du joug des technologies. Un contrepoids rassurant au monde angoissant dépeint par les œuvres de science-fiction contemporaines comme Black Mirror, où la technologie, loin de libérer l’humain, l’asservit et le fait courir à sa perte.

Nostalgia-bait, l’indigestion
Forts de leur succès, les frères Duffer ont rajouté un nombre conséquent d’ingrédients vintage à la saison 2 de Stranger Things. Winona Ryder est ainsi rejointe par deux autres acteurs emblématiques des années 80 : Sean Astin (The Goonies) et Paul Reiser (Aliens).

Devant la multiplication des références et clins d’œil, le  ̶c̶o̶n̶s̶o̶m̶m̶a̶t̶e̶u̶r̶ spectateur en vient à frôler l’indigestion et s’interroge :  où s’arrête l’hommage ? Où commence le marketing et le nostalgia-bait (dérivé de clickbait) ? Car, si elle se savoure en mode régressif, le sourire aux lèvres, Stranger Things pose aussi une question fondamentale : la nostalgie nous fait-elle perdre tous sens de l’Histoire ?

Nostalgiques jusqu’au révisionnisme

« None of this is real. This is a kids’ game. »

Interrogé par Libération, le philosophe et romancier Tristan Garcia replace les éléments dans leur contexte. Dénuée de toute distance critique, Stranger Things s’éloigne selon lui des œuvres auxquelles elle rend hommage. Des romans et films qui portaient un regard fondamentalement critique sur leur époque.

« Le succès de la série indique qu’elle risque de remplacer les miettes de nos souvenirs. Et il y a un effet révisionniste indéniable : les gens reçoivent une image lavée de la haine que les œuvres dont elle s’inspire portaient contre ces années. »

Il y en a un peu plus, je vous le mets quand même ?

Les spectateurs d’aujourd’hui sont-ils prêts à sortir de la torpeur rassurante que l’idéalisation d’une époque révolue leur fournit en dose régulière ? Rien n’est moins sûr. La source n’est en tout cas pas près de se tarir. Plusieurs séries revisitant la décennie sont ainsi annoncées pour 2018, dont Future Man, inspirée du film Starfighter, et The Dark Crystal : Age of Resistance, préquelle du film Dark Crystal. Vous reprendrez bien une part de nostalgie ?

Emilie Jendly

Emilie Jendly est spécialiste en communication et journaliste RP, de nationalité suisse et française. Passionnée de séries télévisées, elle présente ici les nouveautés à ne pas manquer. Spoil prohibé.

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