Designated Survivor : Jack Bauer for president

Les Américains en rêvaient, ABC l’a fait : propulsé président des Etats-Unis, Kiefer Sutherland rend sa grandeur à l’Amérique et sauve le monde. Désopilant. 

Si vous avez aimé : 24, Homeland

Designated Survivor : bande-annonce

Diffusion : Netflix

L’histoire : Au cours du discours annuel sur l’état de l’Union, un attentat frappe le Capitole, décimant le gouvernement. Survivant désigné, le Secrétaire au Logement et au Développement urbain, Tom Kirkman, est investi président des États-Unis.

Designated Survivor © ABC

« For now, I’m all you got. »

L’homme providentiel
ABC est une chaîne merveilleuse. Il y a deux ans, nous avions laissé Jack Bauer entre les griffes de méchants russes, à qui le héros de 24 s’était livré dans un geste de sacrifice ultime, afin de sauver Chloe O’Brian. Depuis, la planète est en deuil. Qui pourra défendre le monde de l’axe du mal ? Qui peut rendre sa grandeur à l’Amérique ? Donald Trump ? Hillary Clinton ? Cookie Monster ? Pourquoi attendre les élections, ABC a déjà la réponse : Jack Bauer bien sûr.

Designated Survivor © ABC

Et pour démontrer au peuple que Jack Bauer est le héros dont les Etats-Unis ont besoin, maintenant, la chaîne a imaginé le pire scénario : un attentat qui décime le gouvernement, laissant le pays en proie au chaos. C’est là que Jack intervient. Ou plus exactement Tom Kirkman (Kiefer Sutherland). Secrétaire au Logement et au Développement urbain, Tom vient de passer une très mauvaise journée. Le Chef de cabinet de la Maison-Blanche lui a appris qu’il allait être viré. Idéaliste un brin mou du genou, Kirkman n’a pas suffisamment joué le jeu politique. Et on n’aime pas ça, à Washington.

Designated Survivor © ABC

Mais avant d’être mis au placard au Canada (forcément), Kirkman-Bauer-Sutherland doit assumer pour un soir la fonction de survivant désigné. Et c’est là que l’inconcevable se produit. Alors qu’il suit le discours annuel du président sur l’état de l’Union depuis un bureau sécurisé, BOUM, une bombe s’abat sur le Capitole. Le président, les membres de son cabinet et les présidents des deux chambres du Congrès périssent. En un éclair, notre secrétaire au Logement se retrouve dans le bureau ovale à prêter serment, la main sur la Bible, « so help me God ».

Designated Survivor © ABC

Président des Etats-Unis, forcément, ça impressionne au début. Surtout qu’on lui met tout de suite entre les mains la valise nucléaire, avec ses clignotants rouges super flippants. Alors, Tom ne se sent pas très bien. C’est vrai qu’il n’a pas l’air taillé pour l’exploit comme ça, avec ses grosses lunettes et son sweat à capuche. Lui-même se demande ce qu’il est venu faire dans cette galère.

« What the hell am I doing here? I’m not the guy for this. » © ABC

Personne ne semble convaincu de la capacité de cet ancien éducateur (sic) à revêtir la casquette de dirigeant de la plus grande nation du monde libre. « Kirkman’s a follower. We need a leader. » Le Chef d’Etat-Major des armées, qui n’attend qu’un mot pour tout faire péter, aimerait bien zigouiller ce président fantoche. S’il avait regardé 24, il saurait pourtant qu’on ne se débarrasse pas de Jack Bauer.

Designated Survivor © ABC

Pendant ce temps, ces fourbes d’Iraniens profitent de la situation pour menacer l’Occident en prenant le contrôle du principal point de passage du pétrole au Moyen-Orient. La situation est critique, car on ne négocie pas avec les Iraniens, Monsieur. « What you need to understand is the Iranians respect only one course of action, and that is action. »

Même la femme de Tom, la belle, forte et très lacrymale Alex (Natascha McElhone) fait la moue lorsqu’il s’agit de regonfler la confiance de son fonctionnaire de mari.

Designated Survivor © ABC

Le héros de l’Amérique
Mais c’est mal connaître Kirkman – Bauer – Sutherland. Car sous le costume trois pièces en flanelle se cache le héros de l’Amérique. Mais ça, personne ne le sait encore. L’Epiphanie viendra du speechwriter Seth Wright (Kal Penn) – ça ne s’invente pas – qui, dans un élan désespéré, prend son nouveau boss par les épaules :

« Mr. President, you need to be stronger than you’ve ever been before. We all need that right now. »

Designated Survivor © ABC

Il n’en fallait pas plus à Jack Bauer pour se redresser, enlever ses lunettes et regarder le spectateur droit dans les yeux. Vous pensiez sincèrement qu’être président des Etats-Unis allait l’impressionner ? Lui qui a sauvé le monde neuf fois, a été torturé par les Chinois et a tué environ 200 terroristes. L’heure est venue de montrer qui est le patron.

Un programme familial
Designated Survivor n’est pas qu’une série merveilleuse pour les fans de films d’actions à la morale binaire – et leurs parodies. C’est avant tout un programme familial, qui saura plaire au plus grand nombre en montrant une image de l’Amérique outrageusement surannée.

Designated Survivor © ABC
« Dad’s not scared of anything. » © ABC

Dans le pilote, on voit ainsi papa tenter de préparer des pancakes à ses enfants, parce que papa est cool. Mais il crame tout, car papa ne prépare jamais le petit-déjeuner et que, de toute façon, personne ne cuisine comme maman. Avocate brillante, maman s’occupe de tout à la maison, dort 4 heures par nuit pour pouvoir tenir son ménage et élever les enfants, mais sourit amoureusement lorsque son époux lui signifie qu’il accomplit le travail de deux personnes – lui – et qu’il a bien droit à son câlin du matin, du coup.

Designated Survivor © ABC

La politique, où ça ?
Tout est fait pour que le spectateur soit parfaitement à l’aise.  La série n’attribue ainsi aucune étiquette politique à ses personnages. On devine Kirkman – Bauer – Sutherland Démocrate, mais certaines de ses répliques ont l’odeur de soufre du lexique de Donald Trump. À deux mois des élections présidentielles, l’essentiel est que tout le monde y trouve son compte. Et comprenne que le seul mec qui peut sauver les Etats-Unis n’est ni Démocrate ni Républicain. C’est Jack Bauer, ok ?

Designated Survivor © ABC
Un homme providentiel non élu. Faut-il y voir un message subliminal ? © ABC

Même les minorités ethno-raciales sont adorablement représentées. Le noir et l’asiatique de service occupent des rôles secondaires, cela va de soi, et on devine qu’ils vont fricoter avant la fin de la saison. Cela donnerait de beaux enfants métisses (ils sont tellement mignons, quand ils sont petits). Quant au latino qui travaille pour Kirkman, il a l’air sournois. La suite dira si l’intuition se vérifie.

Et puisqu’il s’agit d’un programme familial, profitons-en pour expliquer aux enfants que la drogue, c’est mal. L’ado de la famille, que ses parents imaginaient en train de passer la soirée chez un copain, vendait en fait de la drogue aux jeunes, dans une boîte techno. Effroi. Mais gageons que Jack Bauer saura remettre son rejeton sur le droit chemin.

En vrai, le fils deale de la drogue aux jeunes. © ABC

Au bonheur des complotistes
La cerise sur le gâteau de Designated Survivor reste la splendide et inévitable théorie du complot, qui fera le bonheur des paranoïaques. Le pilote laisse entrevoir la possibilité que les Islamistes ne soient pas à l’origine de l’attentat qui a frappé le Capitole. Mais qui alors ? Maggie Q a l’air d’avoir sa petite idée derrière la tête. Ce pourrait-il que l’attentat ait été orchestré par des membres de l’armée ? Jack Bauer vous l’avait pourtant bien dit depuis le début : on ne peut faire confiance à personne.

Designated Survivor © ABC

Vivement la suite
Acclamée par la critique, Designated Survivor a sans surprise démarré sur les chapeaux de roues : 10 millions de futur électeurs étaient rassemblés mercredi dernier devant leur écran pour suivre le premier épisode. On sort de ce West Wing apocalyptique un brin étourdi (par la musique entêtante notamment), certain que cette saison regorgera de rebondissements aussi palpitants qu’hilarants. Vivement la suite.

Emilie Jendly

Emilie Jendly est spécialiste en communication et journaliste RP, de nationalité suisse et française. Passionnée de séries télévisées, elle présente ici les nouveautés à ne pas manquer. Spoil prohibé.