Après une première saison acclamée par le public et la critique, la série documentaire de Netflix présente six nouveaux portraits intimistes de chefs étoilés. Trois raisons de dévorer cette ode à la bonne chère, qui élève la gastronomie au rang d’art.
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Chef’s Table : bande-annonce saison 1, bande-annonce saison 2
L’histoire : la série documentaire retrace le parcours des plus grands chefs étoilés du monde et explore leur processus créatif.
« It is not necessary to use expensive ingredients. The luxury is in your hands, in your ability, the human capacity to transform something into emotions. »
1. ‟Chef’s Tableˮ est une ode au plaisir
Épicuriens, gourmets, foodies, cette série est pour vous. Loin des diktats d’une société aseptisée, ‟Chef’s Tableˮ célèbre l’art de faire bonne chère dans toute sa noblesse. Vue, odorat, ouïe, toucher, goût, tous les sens sont en extase, lorsqu’on se livre à une expérience gastronomique. Comment les chefs réussissent-ils à accomplir ce miracle ? C’est tout le propos de ‟Chef’s Tableˮ : décripter cette alchimie pour mieux la porter aux nues.
Grâce à une réalisation soignée et un rythme lent – celui de la contemplation, la série de David Gelb réussit la prouesse d’immerger le spectateur dans l’expérience sensorielle et émotionnelle que vit le client d’une table étoilée. Et pour prendre la pleine mesure du caractère exceptionnel de ce moment, des critiques gastronomiques viennent témoigner, des étoiles plein les yeux, des émotions qu’ils ont ressenties la première fois qu’ils se sont assis à cette table.
Car c’est bien d’émotions, autant que de plaisir des sens, qu’il s’agit dans cette série documentaire. Au-delà de leur maîtrise technique époustouflante et de leur créativité hors du commun, ce qui fait le génie des plus grands chefs du monde, c’est l’émotion qu’ils insufflent à leurs plats. De l’atmosphère de la salle à l’assiette, tout est soigneusement étudié pour qu’à chaque bouchée, la mémoire gustative libère pleinement sa substance émotionnelle.
« We treat the emotional component of cooking food as a seasoning. You add salt, sugar, vinegar, and you add nostalgia. If you’re able to move people, we’re moving on to something else. It’s not just about food, a restaurant or eating diner. It’s about something more. »
Mais la gastronomie n’est pas que « l’art de faire bonne chère », c’est un art de vivre. Dans ‟Chef’s Tableˮ, la gastronomie est envisagée dans sa dimension philosophique. La nourriture fait bien plus que nous sustenter, elle peut transcender l’esprit.
2. ‟Chef’s Tableˮ élève la gastronomie au rang d’art
Tel un alchimiste (au sens jungien), les chefs possèdent cette faculté de se transcender à travers la matière qu’ils subliment pour créer des œuvres totalement abouties, un monde. Les chefs étoilés ont à la fois la sagesse de Socrate, la poésie de Rimbaud, la musicalité de Chopin. Plus que des artisans, ce sont des artistes. Toute la magie de ‟Chef’s Tableˮ est là : offrir au spectateur la possibilité d’assister aux premières loges à la création de chefs-d’œuvre réalisés par les plus grands artistes de leur temps. Comme si vous pouviez pénétrer dans l’atelier de Léonard de Vinci ou Auguste Rodin et vous approcher si près de la main du maître que vous perceviez l’intensité de la touche de pinceau sur la toile ou les vibrations à la surface du marbre.
L’autre force de ‟Chef’s Tableˮ réside dans la capacité de la série à donner du sens au travail des chefs étoilés. Alors que la caméra capte le ballet qui se joue en cuisine dans toute sa sublime sensualité, les chefs évoquent leurs motivations profondes, les fondements de leur processus créatif. L’objectif est que le spectateur comprenne que les plats signature qui apparaissent en plan macro sur son écran sont bien plus que de la nourriture. Ils racontent une histoire.
« Je ne sers pas un menu, je sers une histoire. Je sers mon âme. Je sers une conversation et je veux que vous me répondiez, que vous dialoguiez avec moi. Je veux provoquer quelque chose en vous, je veux réveiller votre mémoire. Si j’ai réussi à faire ça, alors je sais que je suis dans le vrai. »
Retraçant avec pudeur leur parcours souvent semé d’embûches, les chefs trahissent une hypersensibilité commune, celle des grands artistes. Aussi vulnérables et torturés que fabuleusement créatifs et talentueux, ces hommes et ces femmes ont réussi à mettre leur sensibilité au bénéfice de leur art.
Mais ce don n’est pas exempt de souffrance, car comme tous les artistes, les chefs mettent leur âme dans leur cuisine. Une passion à laquelle ils consacrent leur vie. La série ne dissimule rien du sacerdoce et de la pression inimaginable qui pèse sur les épaules de ces génies, qui n’en restent pas moins humains et doivent supporter le fait de remettre leur crédibilité en jeu à chaque service.
« Unlike other creative professions, when you cook in a restaurant you don’t get a second chance. You cannot go to customer and say ‟the crab was not very good today, so you should come and try it another dayˮ. »
N’éludant aucun sujet sensible, ‟Chef’s Tableˮ évoque également sans tabou la discrimination insupportable que subissent encore les femmes dans ce milieu très masculin.
3. ‟Chef’s Tableˮ célèbre la diversité culturelle
À l’heure de la globalisation, ‟Chef’s Tableˮ célèbre avec fraîcheur les vertus de la diversité culturelle. Les chefs étoilés dont la série dresse le portrait viennent du Brésil, de Slovénie ou de Thaïlande. Ils ont fait leurs gammes dans les meilleures écoles et tables de France ou d’Italie (à l’exception d’Ana Roš, qui est autodidacte), mais finissent tôt ou tard par rentrer chez eux, mus par le besoin de libérer leur créativité et de développer un art qui leur ressemble, qui respecte leur identité. Une identité étroitement liée à l’A.D.N. de leur région, dont ils deviennent les meilleurs ambassadeurs.
S’ils semblent avoir été coulés dans le même moule artistique, ces chefs qui possèdent tant de points communs déploient des univers culinaires d’une éblouissante variété, et c’est ce qui rend la série si fascinante. Du mole au manioc, les chefs étoilés réussissent à concentrer l’âme de leur région dans leurs plats. Pour y parvenir, ils utilisent les meilleurs produits de leur terre et valorisent les techniques de transformation locales.
Profondément respectueux de la nature, les chefs ont une conscience holistique de la place de l’homme dans l’écosystème et participent souvent activement à préserver l’environnement. Mais ils n’en ressentent pas moins le besoin de repousser les frontières des saveurs et de la technique. Souvent subversifs, ils réinventent constamment les classiques, contribuant à faire évoluer leur art et à le maintenir vivant.
« The only way for traditions in food to be kept alive is to let them adapt. Because if you keep them in a museum, they will eventually die out. »
Troisième saison 100% française
La prochaine saison en quatre épisodes de ‟Chef’s Tableˮ sera entièrement consacrée à la cuisine française et suivra les chefs Alain Passard (L’Arpège), Michel Troisgros (La Maison Troisgros), Adeline Grattard (Yam’Tcha) et Alexandre Couillon (La Marine). Diffusion fin 2016. Une quatrième saison est en production.
