La manipulation de l’hôte par les parasites

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Mambo!

Bonjour de ce pays où (en semaine) l’on se couche lorsque le soleil se cache…

Très prochainement, je vous raconterai les expériences que nous allons effectuer ici, en Tanzanie. Je vous parlerai alors de  moustiques manipulés par la malaria.

Je pense que ça mérite quelques éclaircissements…

 

La manipulation de l’hôte par le parasite

Il existe de nombreux exemples de parasites qui influencent le comportement de leur hôte (l’animal ou l’humain qui est infecté). Par exemple, certains grillons se jettent dans l’eau (et se noient) car le ver qui les colonise a besoin de se retrouver dans l’eau. Autre exemple connu, la toxoplasmose se fixe dans une zone du cerveau des rats, ce qui les rend bien moins craintifs envers les chats. Or, la toxoplasmose a besoin de passer dans les intestins de félins pour se reproduire.

Les « manipulations » des parasites ont (en général) pour effet d’augmenter la transmission du parasite et donc de la maladie.

Mais en fait c’est quoi la manipulation ?

Les scientifiques se posent encore cette troublante question : est-ce le parasite lui-même qui « manipule », ou est-ce simplement la maladie qui induit un comportement modifié ?

On ne peut pas dire que le parasite décide volontairement quelque chose. Par contre, sa présence induit un comportement modifié chez son hôte et en général, c’est à l’avantage du parasite. En gros, il est plus juste de dire qu’ « il se passe quelque chose de différent, lorsqu’il y a un parasite ».

Rien ne naît par nécessité, les choses arrivent par hasard

 Si on parle en terme d’évolution, rien de nouveau ne nait par nécessité, les choses arrivent par hasard. Une mutation génétique par exemple est un accident. Cet accident donne parfois des choses intéressantes (tiens, un bec ! que vais-je bien pouvoir en faire ?). Et si c’est vraiment un avantage, alors l’animal a plus de chance de survivre et peut-être de se reproduire…

Donc, si un parasite fait quelque chose d’étrange mais plutôt à son avantage, il a des chances de mieux se répandre.

Je vous donne un exemple:

Lorsqu’il pique, le moustique injecte dans l’Homme un produit (apyrase) qui fluidifie le sang. Ca permet de mieux « pomper » le sang.

La malaria (au stade transmissible) se trouve dans les glandes salivaires du moustique.

Ainsi, lorsque le moustique infecté pique, il injecte la malaria dans le corps de Roger qui va tomber malade.

Mais en plus, la malaria diminue la quantité d’apyrase dans la salive du moustique.

Donc non seulement le moustique infecte Roger, mais comme il a de la peine à pomper du sang, il n’est pas rassasié. Il va alors aussi piquer Tom, Joseph et Simona, ce qui, vous l’aurez compris, augmente la transmission de la maladie.

 

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Le moustique infecté pique plus d’individus

Le moustique prend un risque lorsqu’il pique : celui de se faire écraser. C’est donc un désavantage pour lui d’augmenter le nombre de personnes qu’il va sauvagement agresser. Par contre le parasite a plus de chances que sa descendance, c’est à dire ses « œufs », soient transmis. Cette « manipulation » est donc clairement à l’avantage du parasite.

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La manipulation est à l’avantage du parasite

Un accident sélectionné au cours de l’évolution ?

On ne peut pas dire qu’un jour un parasite s’est imaginé que ce serait malin de faire ça. Ce système là est probablement arrivé par hasard (par exemple une mutation génétique chez un parasite qui l’a rendu un peu différent). Comme il devient plus performant que les autres pour transmettre sa descendance, ce parasite est avantagé. Il parviendra plus facilement à se répandre. Ce nouvel individu est donc sélectionné au cours de l’évolution par sélection naturelle.

C’est évidemment un peu plus complexe que ça. Par exemple, il faut aussi que ce nouveau parasite ne soit pas trop agressif pour le moustique, sinon ce dernier meurt avant d’avoir transmis la malaria.

Le débat n’est pas clos

Lors d’une autre expérience des scientifiques ont infecté un moustique avec une bactérie (à la place de la malaria). Ils ont constaté que l’insecte subit aussi une diminution de l’apyrase. Le comportement du moustique est également modifié et Tom, Joseph et Simona ne sont pas épargnés.

Alors quoi ? Manipulation du parasite ? Effet secondaire de l’infection ? Ou manipulation du parasite en induisant une effet secondaire de l’infection ?

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Bref, maintenant que vous savez que quand je dis « manipulation », je dis plutôt « modification d’un comportement liée à la présence d’un parasite », alors on peut commencer.

 

Pour les plus motivés je mets en lien un article scientifique (en anglais):

http://www.utm.utoronto.ca/~w3gwynne/BIO418/Thomas2005.pdf

Bien à vous, votre parasitaire dévorée par les moustiques

 

 

Elise Rapp

Elise Rapp est infirmière spécialisée en médecine Tropicale (IMT Anvers). Elle a repris le chemin des études pour faire de la recherche sur les maladies tropicales. Elle est actuellement basée en Tanzanie où, dans le cadre d’un master de biologie elle mène un projet de terrain sur la malaria.