Et si la surinformation fabriquait des paresseux?

Notre siècle a été marqué par un développement des moyens de communication sans précédent. L’accès à l’information n’aura jamais été aussi facile. Les médias traditionnels ou nouveaux – émulés par nos smartphones, ordinateurs ou tablettes – déversent en flux continu des informations qui nous arrivent du monde entier, de sources de plus en plus diverses, de Monsieur/Madame Toulemonde au journal de référence. Bienvenu.e.s dans l’ère de la surinformation ! Reste que trier et évaluer ces informations est un travail fastidieux qui demande du temps et de la réflexion. Le bien nommé Homo numericus, semble pourtant éprouver de la répugnance vis-à-vis de ce travail nécessaire, ce qui le conduit souvent à se désintéresser de ce qu’il se passe dans le monde, ou à sélectionner aléatoirement des news sans se préoccuper de leur rigueur et encore moins de leur traçabilité. Et si la paresse était l’une des maladies de l’Homo numericus ?

Trier l’info comme on trie ses déchets

Il n’est pas évident, mais pas impossible, de faire le tri entre informations fondées et non fondées. Comme le tri des déchets, le faire est question de temps, de valeur et de volonté. A l’heure des likes et des shares, ne pas le faire peut entraîner l’effet « boule de neige » d’informations non vérifiées que le réseau viral des connectés prendra pour vraies. Vaincre cette paresse, c’est utiliser sa capacité de réflexion et son esprit critique. Et n’en déplaise aux pessimistes, je crois que chacun en est doté, que chacun peut les cultiver, à condition toutefois d’y trouver de l’intérêt. Et là est peut-être le problème. Désintérêt et paresse vont ensemble et s’épaulent tristement. Evidemment, chacun de nous a déjà éprouvé ce sentiment d’exaspération mêlé de fatigue face à la surinformation, ce besoin de ne plus s’occuper de ce qu’il se passe en dehors de sa zone de confort. Mais à trop s’y abandonner, ce besoin devient une habitude qui nous coupe du présent partagé d’un monde uni dans lequel sont prises des décisions qui nous concernent et nous gouvernent, du local à l’international.

Des solutions ?

Nul sans doute ne peut prétendre apporter LA solution au problème, mais j’ose avancer quelques pistes. Tout d’abord, il est utile de rappeler comment savoir si l’on peut se fier ou non à une information. Certains médias, comme Le Monde lors des attentats de novembre, l’ont fait en tentant de lutter contre ces informations erronées, ces hoaxs. Plus ambitieux, on peut songer à cultiver très tôt le sens critique des petits homos numericus, dès les premières classes. Le programme Semaine des médias à l’école lancé par e-media.ch est un pas prometteur dans cette direction. Si l’initiative s’étend, on aura peut-être trouvé une parade pédagogique pour vaincre la paresse informationnelle et permettre de mieux vivre dans une société où la surinformation sera sans doute pour longtemps inévitable. La solution sera donc vraisemblablement à l’échelle individuelle, c’est-à-dire à l’échelle de l’effort que chacun fournira pour empêcher la surinformation de nous rendre paresseux.


 

Photographie: Leo Hidalgo – Too much information – Flickr

 

Elio Panese

Elio Panese, étudiant en Master d'études du développement à l'Institut de hautes études internationales et du développement (Graduate Institute). Il est passionné d’écriture et souhaite partager et analyser différents sujets avec son expérience et sa vision de «Millennial».

3 réponses à “Et si la surinformation fabriquait des paresseux?

  1. Merci pour ce bel article.
    Prendre le recul, utiliser sa capacité de réflexion et son esprit critique sont nécessaires à l’heure de la surinformation. Cela évite des erreurs qui coûtent du temps et de l’argent.

    Il faut savoir parfois perdre un peu de son temps pour en gagner plus sur le long terme.

  2. Une information ressemble à une respiration, sur un thème.
    Quelques supports comme Le Temps, Courrier International, Le Monde, Le Monde Diplomatique … Engage vers une respiration plus profonde, moins haletante.
    Se nourrit moins souvent, et mieux ?
    Merci pour votre synthèse.

    1. Encourager l’intérêt pour l’analyse de l’information et pas seulement pour les faits bruts est effectivement très important.
      D’après moi, on peut se nourrir souvent et bien !
      Merci pour votre commentaire.

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