La solidarité ici comme ailleurs

Tout le monde le sait désormais : Paris a été violemment attaqué vendredi 13 novembre 2015. Il n’a fallu que quelques minutes après l’annonce pour que les gens manifestent leur solidarité sur les réseaux sociaux comme ailleurs. Hashtags, dessins, paroles, bougies ou même drapeaux français, très nombreux sont celles et ceux qui ont montré leur soutien aux victimes. Quelques heures plus tard, des rassemblements de sympathie s’organisaient dans le monde entier. Nous vivons un élan solidaire inouï.

Pourtant, très vite, des critiques de ce mouvement généreux et planétaire sont apparues un peu partout, sur les réseaux sociaux et dans les discussions.

Solidarité « hypocrite »?

Certains dénoncent le caractère supposément « hypocrite » de cet élan de solidarité et reprochent le silence après l’attentat qui a frappé Beyrouth un jour plus tôt : pas de hashtags,de photos, de dessins ou de drapeaux libanais sur Facebook. La dénonciation pose problème, surtout lorsqu’elle conduit à critiquer la mobilisation pour Paris en la considérant même comme « hypocrite ». Est-ce bien judicieux ?

Les gens ont été solidaires pour Paris et non pour Beyrouth, et c’est bien entendu injuste. Seuls les idiots pourraient dire le contraire. Mais cette critique ne fait en rien avancer les choses. Ne vaut-il pas mieux reconnaître la prise de conscience si positive que ces horreurs ont entrainée, cette sensibilité des anonymes pour des événements tragiques que d’autres vivent au quotidien, plutôt que de perdre son temps à donner des leçons de géopolitique de la compassion ?

Un mouvement nécessaire face à la cruauté

Nous avons été profondément choqués par la cruauté et la violence de ces attaques, et les suivre en temps réel a amplifié ce sentiment assez naturel de proximité. Nous avons vécu impuissants l’horreur en direct. Après un tel choc, exprimer son soutien et sa compassion est primordial pour surmonter la peur et le désarroi engendrés par la terreur. Être solidaire, c’est reconnaître les victimes et leurs proches, mais aussi la souffrance d’un peuple qui déborde de loin les frontières nationales. Nul ne veut se sentir seul face à la douleur. Le besoin d’agir en ce genre de situation est tout à l‘honneur des hommes et des femmes rassemblés autour de modestes mots ou dessins.

Manifester son soutien, un « phénomène de mode » ?

 La critique surfe aussi sur l’idée selon laquelle cette solidarité serait un « phénomène de mode », comme si la mode était le seul moteur des foules. Comment accuser celles et ceux qui s’émeuvent aujourd’hui d’être inauthentique ? Comment critiquer un mouvement de soutien à des victimes innocentes ? A mes yeux, le faire, c’est déshumaniser l’événement, se taire face à des vies humaines prises à l’aveugle au nom d’une cause abjecte.

Critiquer le mouvement de soutien pour Paris alimente sans doute les contre-courants du genre « Je ne suis pas Charlie », mais cela n’aidera en aucun cas les victimes de Beyrouth. En revanche, tous les élans de solidarités, répartis autour du globe, aideront le monde à surmonter ces épreuves difficiles. Tout mouvement contre l’inadmissible violence est nécessaire, et reprocher le silence (relatif) à propos du Liban par exemple ne conduit qu’à le diviser et en aucun cas à le faire progresser.

S’il est vrai que la proximité émotionnelle de certains drames influence l’ampleur du soutien qui leur est lié, la devise de la solidarité devrait rester en tout temps : « ici comme ailleurs ».


 

Photographie : Place de l’Europe, Lausanne 14.11.15

Elio Panese

Elio Panese, étudiant en Master d'études du développement à l'Institut de hautes études internationales et du développement (Graduate Institute). Il est passionné d’écriture et souhaite partager et analyser différents sujets avec son expérience et sa vision de «Millennial».