L’ignorance comme stratégie d’entreprise est une pratique très répandue parce que le but principal de la réussite dans les affaires est de reproduire ce qui fonctionne. - Elena Debbaut dans l'essai d'économie et gestion sur l'ignorance comme stratégie d'entreprise.

L’ignorance comme stratégie d’entreprise

J’ai récemment donné une brève présentation sur les stratégies d’entreprise. Une question surgit dès les premières minutes parmi le public, en majorité des entrepreneurs expérimentés et bien reconnus dans la région. Quelle serait la meilleure stratégie d’entreprise en ce moment ?

La discussion a été vite animée et polarisée, à l’image de la société actuelle. Les idées plus nuancées n’ont pas eu beaucoup de succès, et pour cause, puisque ces approches sont malheureusement vouées à l’échec dans l’économie actuelle.

Les débats se sont résumés à deux grandes lignes d’approches stratégiques. Comme entrepreneur, faudra-t-il continuer à appliquer des principes éthiques, assurer un rôle social, et rester une petite entreprise locale ? Dans cette situation, et pour diverses raisons, il y a un risque réel que la survie ne soit pas assurée sur le moyen ou le long terme. Ou au contraire, prendre plus de risques, devenir une grande entreprise dans un court délai, casser les liens ainsi que le contrat social, et obtenir par tous les moyens un profit qui permettait, littéralement, d’aller faire des culbutes de quelques minutes comme touriste dans l’espace ?

Un entrepreneur est habitué à trouver des solutions en concordance avec ses valeurs. Mais le sentiment d’impuissance et l’état de presque désespoir de certains entrepreneurs était palpable. Un choix éthique: faire vivre son entreprise à tout prix, ou réaliser que les options stratégiques se sont fortement réduits dans le paysage entrepreneurial actuel. L’entrepreneur en Suisse se trouve devant un choix difficile.

 

Conseil entreprise - Elena Debbaut - redressement de projet et entreprises en difficulté

 

Dans le monde des affaires, il existe un grand nombre de modèles stratégiques possibles. Il n’y a pas de recette toute prête, mais force est de constater que de nos jours, certains modèles stratégiques fonctionnement d’une manière diablement efficace, peu importe la taille de l’entreprise, son secteur d’activités, ou sa zone géographique.

 

L'implémentation opérationnelle de la stratégie d'une entreprise avec Elena Debbaut, Operating Partner Solutions et Consultante en Entreprise dans la gestion de crise

Lire l’article publié sur LeTemps: Elena Debbaut sur la stratégie d’entreprise: un échec annoncé sans la partie opérationnelle.

 

La plupart des stratégies actuelles, et présentées sous diverses étiquettes comme ‘agilité‘ ou le ‘blitzscaling sont devenues la seule recette qui peut garantir la réussite de toute entreprise, et cela dans un délai relativement court.

Vous l’avez peut-être constaté par vous-même en lisant dans la presse les scandales à répétition, et qui impliquent presque toujours les grandes entreprises. Et si vous regardez encore plus en détail, ces stratégies sont utilisées par la majorité des entreprises, voire des associations prétendument non-profit, et même par certaines typologies d’individus à tendances asociales comme les sociopathes et les psychopathes.

Toutes ces entreprises, organisations et personnes arrivent à réussir leurs coups avec une précision qui n’est plus le seul résultat de la chance.

La recette de nombreuses réussites actuelles n’a rien de magique et ne sont même pas liées à une bonne implémentation opérationnelle.

Ces stratégies consistent, entre autres, dans une communication marketing mensongère, des informations manipulatrices, des impostures économiques qui passent par des produits ou services minimum viables, des inversions des rôles, des prétendues erreurs ou oublis de communication en toute mauvaise foi, une dialectique éristique, et sans oublier les tactiques d’intimidation dignes d’un scénario de film avec organisations mafieuses.

Mais il y a pire: ces manières de faire des affaires sont données comme ‘exemples à suivre‘ pendant les formations des hautes écoles de commerce, ou par des coach-formateurs spécialisés dans la croissance d’entreprise.

Ces types de stratégies vont même jusqu’à encourager ses concurrents, ses partenaires, ses collaborateurs, et même ses clients, à faire des erreurs. Le tout, en prétendant d’aider. Cela revient à une sorte de hyper-normalisation d’un système dans lequel tout le monde connaît la vérité, la vérité est dite à plusieurs reprises, mais plus personne n’ose encore agir pour faire reconnaître la vérité puisque les représailles sont immédiates et fortes, et puisque après tout … les mensonges c’est presque devenu la nouvelle normalité.

 

Conseil entreprise - Elena Debbaut - redressement de projet et entreprises en difficulté

 

En fait, il ne s’agit de rien de sorcier.

L’idée maîtresse est qu’une entreprise est seulement un système de maximisation du profit pour les actionnaires, et sans aucune responsabilité quant aux méthodes ou les tactiques stratégiques qui sont implémentées.

Ces actions permettent d’avoir un meilleur effet de levier, des économies d’échelle, et surtout, atteindre une taille plus grande en très peu de temps. En majorité, un tel système économique est composé et géré par des personnes capables de ‘jouer‘ avec les concepts éthiques, même pour tester les limites légales quand elles existent encore. Cela conduit de manière innée à des résultats sociopathiques, indépendamment de l’intention initiale purement économique.

Les résultats malheureux comme les scandales à répétition et les crises ne devraient pas être une surprise, étant donné les conditions fondamentales du système. Les stratégies d’entreprise actuelles ne font que s’adapter à un tel système.

Dans le cadre de ces stratégies, une entreprise ou un individu essaye d’augmenter l’ignorance de son concurrent, tout en diminuant la sienne.

Il s’agit de la fameuse théorie des jeux.

Cette théorie appartenant à un domaine des mathématiques s’applique à tous les domaines et consistent à identifier les réactions stratégiques des intervenants. Sauf que les règles du jeu actuel n’est plus à tour de rôle, ni basé sur le respect des règles communes.

Pour diverses raisons, et notamment législatives, le jeu actuel ne peut même plus arriver à un équilibre de Nash. La situation économique actuelle ressemble furieusement à un combat de rue entre plusieurs gangs. La situation économique actuelle n’est même plus un match de boxe avec règles claires et un arbitre.

C’est chacun pour soi, et personne pour personne.

 

La face cachée de l'économie numérique, un essai d'économie et gestion, par Elena Debbaut

 

Voici pourquoi dans le monde actuel des affaires et aussi quelques typologies de relations personnelles, l’accent est régulièrement mis sur l’ignorance.

Certaines entités sont même devenues des maîtres à créer le doute ou l’incertitude. Il existe une multitude de formations et livres qui partagent ces méthodes comme quelque chose qui peut être appris, fabriqué, maintenu, et manipulé par des moyens scientifiques. Ou plus communément exprimé, c’est de la science et les arts du bullshitage et ses conneries fumeuses exposées au grand jour. Et sans même s’inquiéter de conséquences.

Ne rien dire au client, cacher les petites lettres, faire des promesses intenables, s’excuser mais continuer comme avant, utiliser des mots dénués de sens réel, et quand les choses se compliquent, il suffit de changer le nom.

Les exemples ne manquent pas.

C’est révoltant: ces méthodes sont devenues des pratiques usuelles.

Ce type de stratégie est une idée qui se prête très facilement à la paranoïa et un manque de confiance chronique. Et pour cause: ce n’est pas évident de réaliser que certaines entreprises ou personnes cachent des informations juste dans le but de s’enrichir au détriment de plus faibles, ou ne veulent pas que vous sachiez certaines choses, ou travaillent activement pour organiser le doute, l’incertitude, et la désinformation pour maintenir l’ignorance.

Encore: prétendre le contraire de ce qui a été convenu et noté. Le gaslighting ou le détournement cognitif en fait aussi partie.

 

Conseil entreprise - Elena Debbaut - redressement de projet et entreprises en difficulté

 

Le rôle d’un chef d’entreprise est de justement, réduire l’ignorance et prendre les bonnes décisions. Mais aujourd’hui, cette tâche est devenue très difficile.

Par exemple, les données chiffrées comme la taille du marché ou les chiffres de ventes ou les parts de marché ne suffisent plus à elles seules. Les acteurs de mauvaise foi sont devenus plus nombreux, à tel point qu’un chef d’entreprise ne sait même plus à qui faire confiance. Tout est devenu plus complexe. L’entreprise est devenue un écosystème en soi, et qui évolue dans un écosystème économique tout aussi fragmenté.

Cette complexité n’est pas mauvaise en soi, parce que c’est une suite logique de l’évolution de la société, et notamment les évolutions technologiques.

Le cadre législatif et qui offre les mêmes règles de jeu doit également être aussi adapté, et vite. Mais c’est exactement ce point qui pose les problèmes les plus insurmontables. Le système actuel est hors tout contrôle, et n’a plus de règles claires pour tous.

Il suffit d’ajouter encore des tactiques psychologiques. Ainsi, tout chef d’entreprise risque de perdre sa raison et sa santé mentale, et bien avant celle physique causée par ses nombreuses heures de travail. Comme entrepreneur, à qui faire confiance ?

Quand un compétiteur s’adonne à des pratiques douteuses et intimidantes pour signer un contrat, ou proposer des conditions-arnaque, et récupère ainsi des clients, quel est le choix restant pour l’entreprise lésée ? Quand des entreprises respectent les lois existantes alors que d’autres arrivent à y échapper ou jouer avec ses limites, comment réagir ?

Expliquer au client, entre autres exemples, que les tarifs plus élevés sont le résultat d’un environnement plus respectueux et transparent envers les clients et les collaborateurs ? Ou que le compétiteur ne peut pas, ni techniquement, ni légalement, ni commercialement offrir tel ou tel service ou produit à un tarif défiant toute concurrence ? Ou encore, qu’il existe des lois, mais que trop souvent, les lois sont devenues inapplicables pour diverses raisons, notamment financières ?

Le client, lui, a la fâcheuse habitude de faire le choix le plus simple pour soi, et qui consistent à penser avec la tête dans le porte-monnaie, et aller voter avec les pieds.

A nouveau, c’est une attitude très sage de la part du client, mais … la situation est plus complexe, et la situation macro-économique suite à ses choix individuels est le moindre de ses soucis.

 

Conseil entreprise - Elena Debbaut - redressement de projet et entreprises en difficulté

 

Est-il possible d’éliminer l’ignorance ?

La réponse est non, parce que le système économique actuel ne le permet pas.

Ce n’est pas très positif comme message, mais c’est la volonté et la conception même du système économique actuel. Il suffit de constater par soi-même. Par exemple, pour certains produits et services, même les prix de vente ou les niveaux des salaires à l’annonce d’un poste libre ne sont plus indiqués, sans mentionner les entreprises multimilliardaires qui optimisent leurs profits et ne payent quasiment pas d’impôts. Ceux et celles qui dénoncent de telles dérives sont intimidés, harcelés, humiliés, ridiculisés, chassés pour leur idéalisme ou leur naïveté, ou les deux.

 

La propagande entrepreneuriale, un essai d'économie et gestion écrit par Elena Debbaut, consultante en entreprise et gestionnaire de crise

 

L’ignorance comme stratégie d’entreprise est une pratique très répandue de nos jours parce que le but principal de la réussite dans les affaires est de reproduire ce qui fonctionne.

Tant qu’un cadre légal rapide et efficace n’existe pas, le jeu du marché n’existe pas non plus.

Le chef d’entreprise se trouve actuellement à procéder soit d’une manière similaire à ses compétiteurs et avancer vite peu importe les coûts humains ou au niveau de la société, ou au contraire, faire un choix éthique et prendre un retard économique qui peut lui être fatal. Or, l’éthique est seulement une valeur, et celle-ci n’est pas légalisée.

Dit-on que tout est juste en amour et en guerre.

Oui, c’est correct dans l’absolu, mais en même temps, je reste fidèle au conseil qui consiste à dire que les accords équitables peuvent toujours être conclus malgré le contexte difficile de l’économie actuelle.

Je le soutiens toujours: la longévité d’une entreprise vient de la valeur de la marque. Les ajouts répétés de valeur sont transparents pas seulement pour le client et l’entreprise, mais aussi pour la société dans son ensemble.

La perception d’impuissance des entrepreneurs est une caractéristique du système économique actuel. Si vous êtes sur ce blog et jusqu’à la fin de cette publication, alors vous connaissez, vous aussi, ce sentiment d’impuissance.

Malheureusement, en absence de règles et lois communes, et à quelques exceptions près, une entreprise n’a plus beaucoup de choix stratégiques.

L’ignorance, comme stratégie d’entreprise, reste toute une affaire.

 

Conseil entreprise - Elena Debbaut - redressement de projet et entreprises en difficulté

 

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Elena Debbaut

Elena Debbaut possède plus de 25 ans de pratique dans le monde des affaires, un fort esprit entrepreneurial, ainsi qu’une expertise technologique polyvalente. Aujourd'hui, elle intervient comme spécialiste en restructuration opérationnelle sur des missions comme le redressement des entreprises et projets en difficulté. Ses clients sont aussi bien les grandes multinationales que les PME.