Elena Debbaut: Toute stratégie d'entreprise possède un élément très important d'intuition. Et surtout, une bonne dose de chance.

Stratégie d’entreprise: un échec annoncé sans la partie opérationnelle

L’établissement et l’implémentation d’une stratégie d’entreprise est une activité très agréable quand l’implémentation est un succès, ce qui dans la pratique est rarement le cas.

La raison est évidente: en majorité, les tacticiens et les créateurs d’une stratégie n’ont pas toujours conscience quant aux difficultés de l’implémentation. En effet, il ne suffit pas de transformer en stratégie toute nouvelle idée, mais de bien analyser les alternatives, choisir seulement ce qui a le plus de chances de succès, et implémenter correctement sur le terrain, en fonction de processus déjà existants.

Alors, comment choisir et implémenter la bonne stratégie d’entreprise ?

La stratégie et le facteur temps

En théorie, la stratégie d’une entreprise est conçue pour le moyen et le long terme.

Effectivement, une bonne stratégie nécessite du temps pour être correctement implémentée à tous les niveaux.

Mais il y a quelques chiffres qui contredisent cette idée. D’abord, en 2016 déjà, la durée de vie moyenne d’une entreprise se situe à moins de 18 ans, soit entre 7 et 12 ans, selon une étude du cabinet de conseil McKinsey.

Concrètement, cela veut dire qu’une entreprise peut appliquer 1 à 3 stratégies majeures pendant l’entier de sa durée de vie.

Tout concept “stratégique” dont la durée se limite à quelques semaines ou quelques mois s’apparente plutôt à l’implémentation de quelques tactiques et méthodes déjà connues et appliquées ailleurs. Une entreprise ne peut pas collecter les idées, concevoir, analyser ses effets possibles, et implémenter une stratégie en si peu de temps.

Selon le cas, le but d’une stratégie est d’améliorer la viabilité d’une entreprise dans un délai de 3 à 7 ans. En même temps, comme vous avez pu voir plus haut, dans l’actuelle économie numérique, le futur n’existe plus pour une très grande majorité d’entreprises. Les concepts de “futur” et “entreprise pérenne” sont limités par la durée de vie moyenne d’une entreprise.

La conception stratégique

J’ai presque un demi-siècle d’existence, et une expérience de plus de trois décennies dans le monde des entreprises. Je m’en souviens encore de ma surprise suite à l’agitation qui avait gagné l’entreprise après la réception du mémo de convocation pour les “réunions et conception des plans stratégiques“.

Les directeurs étaient assez joyeusement excités.

Les collaborateurs des équipes opérationnelles étaient jaloux sur ce qui était perçu comme quelques “journées de farniente, tous frais payés” et dans un endroit digne d’une belle vacance.

La jalousie était justifiée.

Les équipes opérationnelles restaient confinées et limitées à une boîte à idées, laquelle boîte se trouvait sur un couloir avec très peu de lumière. La boîte à idées était en carton, et la qualité du contenant un peu pareil. Pendant le même temps, les directeurs étaient à l’extérieur, tous frais payés, et avec un bon repas matin, midi, et soir.

Le but de ces séminaires à l’extérieur était d’extraire et affiner quelques bonnes idées. Il fallait impérativement venir avec des idées à accrocher sur un mur. Ces idées étaient ensuite analysées de fond en comble, enregistrées, et catégorisées. Sauf quelques exceptions, il ne restait plus assez de temps pour faire des réflexions opérationnelles sur les plans stratégiques.

Tout à la fin de ces journées, la direction se disait: “Oh, regardez-moi tous ces post-it de couleur. Comme on a bien travaillé. C’est beau.” Pendant ce temps, les équipes opérationnelles avaient une toute autre réflexion. “En voilà encore des conneries.

Conseil entreprise - Elena Debbaut - redressement de projet et entreprises en difficulté

De nos jours, cette manière de faire n’a pas profondément changé.

Les lieux extérieurs ont été remplacés avec la salle de réunion dans laquelle quelques plantes agonisent de plus belle, ou ceux d’un espace de co-working en open-space et dans lesquels les nouveaux coachs d’entreprise vivent leur vie. Les idées sont aussi accrochées au mur, mais aujourd’hui il y a des feuillets en couleur et déjà découpés en diverses formes comme les nuages, petits cœurs, et signes d’exclamation.

Il y a même de la pâte à modeler et briques en plastique. Voyez-vous, c’est du “design thinking” moderne avec quelques gribouillis provenant d’une quantité impressionnante de crayons en couleur. Un vrai arc-en-ciel. Le tout, entre quelques petits croissants et cafés, des tables debout, ou quelques coussins par terre. Oui, c’est plus facile à ranger, moins de coûts pour une entreprise, et il semble que cela ajoute de la convivialité. Tiens, dans mes vagues souvenirs, cela ressemble à mes classes de maternelle dans les années ’70; mais sans le café.

Le résultat final de ces séminaires reste globalement le même que celui des pratiques passé: après quelques mois, plus personne ne s’en souvient encore de ces réunions stratégiques ou leur contenu, parti dans les bacs de récupération papier (écologie oblige).

Ces “stratégies” sont vouées à l’échec parce que la partie opérationnelle n’est pas couverte pendant la phase d’idéation. C’est un paradoxe. Les équipes opérationnelles ont besoin de connaître les activités journalières permettant l’implémentation d’une stratégie, mais la stratégie ne couvre pas cet aspect.

Soyons très clairs: une stratégie n’a pas comme but de détailler la partie opérationnelle.

En même temps, une entreprise a besoin pas seulement d’une vision stratégique, mais aussi d’une implémentation sur le terrain. C’est cela, la bonne stratégie d’entreprise: établir un lien entre la vision sur le moyen et le long terme, ainsi que les activités concrètes au niveau opérationnel.

L’implémentation d’une stratégie

En 2017, un article de Harvard Business Review avait fait beaucoup de bruit.

Et pour cause: cet article mentionnait que seulement 8% des membres de la direction sont suffisamment compétents autant sur le volet stratégie que celui implémentation opérationnelle.

 

Elena Debbaut sur le choix de la bonne stratégie et l'implémentation opérationnelle et processus.
– La stratégie et l’innovation en quelques chiffres, selon un article publié dans Harvard Business Review – retrouvez et téléchargez le format .pdf de cette infographie sur www.Debbaut.Solutions

Concrètement, cela veut dire que sur une centaine de dirigeants, seulement 8 d’entre eux sont bons autant sur le volet stratégie que celui de l’implémentation.

L’explication est que la plupart des dirigeants d’entreprise sont qualifiés et arrivent depuis une seule zone fonctionnelle comme les finances ou le marketing. Très souvent, cet aspect “familier” dicte la stratégie d’une entreprise.

Il y a pire: d’autres dirigeants ne possèdent absolument aucune compétence opérationnelle. L’aspect multi-fonctionnel d’une entreprise est négligé. Les entreprises commencent à s’en rendre compte, mais le recrutement de ces personnes est difficile par l’apparition de besoins technologiques très pointus. Les chiffres de 2017 sont donc aujourd’hui encore plus bas.

Conseil entreprise - Elena Debbaut - redressement de projet et entreprises en difficulté

Afin d’augmenter la capacité d’implémentation, je recommande une approche qui combine les aspects “top-down” et “bottom-up“.

Assez souvent, les entreprises appliquent une ou l’autre approche, mais une combinaison adaptée au contexte de votre entreprise permet un meilleur retour. Les retours “bottom-up” de l’opérationnel permet de comprendre et adapter sa stratégie selon les réalités du terrain.

Cette approche permet un meilleur choix des options stratégiques ainsi qu’une adaptation constante et presque en temps réel.

Il y a plusieurs moyens permettant d’obtenir cet équilibre sans tomber dans l’erreur du micro-management, avec une gestion trop détaillée. Si la stratégie tient la route, avec l’indication claire de quelques activités concrètes, dans un langage clair et sans mots ou concepts à la mode, alors les équipes opérationnelles peuvent parfaitement prendre le relais et faciliter l’implementation.

>> Lire plus: Vous pouvez avoir plus de détails sur cette approche et l’infographique correspondante en suivant le lien suivant vers le document d’économie et gestion de 14 pages et presque 4’000 mots et intitulé Comment choisir et implémenter la bonne stratégie d’entreprise. Le lien direct vers mon travail: https://www.debbaut.solutions/fr/choisir-et-implementer-strategie-dentreprise/

Conclusions

Une stratégie d’entreprise ne doit pas seulement exprimer quelques idées, mais aussi le “comment y arriver” soit la partie opérationnelle. Il faudra également garder à l’esprit que toute stratégie d’entreprise possède un élément très important d’intuition. Et surtout, une bonne dose de chance.

Encore, une entreprise devra percevoir la stratégie à la fois comme un un processus créatif et en constante évolution, mais aussi comme une activité de gestion régulière. Les notions de “change the business” et “run the business” retrouvent ici tout leur sens.

Cette manière de faire est donc très orientée sur la pratique, et c’est la seule qui permet de “faire fonctionner” la stratégie.

Finalement, la stratégie c’est toute une affaire.

 

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Elena Debbaut

Elena Debbaut possède plus de 25 ans de pratique dans le monde des affaires, un fort esprit entrepreneurial, ainsi qu’une expertise technologique polyvalente. Aujourd'hui, elle intervient comme spécialiste en restructuration opérationnelle sur des missions comme le redressement des entreprises et projets en difficulté. Ses clients sont aussi bien les grandes multinationales que les PME.