A quand le dossier électronique du patient?

L’adoption du dossier électronique du patient, DEP, a pris un sérieux coup de fouet, en ce début d’automne et les initiatives s’emballent sur le plan politique. Encore faut-il que l’ensemble de la population et du corps médical l’adopte. Pour cela, deux conditions doivent être remplies: le système doit être simple et les données doivent être absolument confidentielles et sécurisées.

 

Autorités et partenaires s’engagent pour le DEP

Tous les patients et patientes neuchâtelois peuvent désormais ouvrir leur DEP. Dans le canton d’Argovie et en Suisse orientale, les personnes intéressées peuvent se rendre dans certaines filiales de la Poste pour ouvrir un DEP. L’ex régie fédérale a d’ailleurs pris une participation majoritaire dans le réseau Axsana, qui regroupe 14 cantons alémaniques. Le Conseiller fédéral Alain Berset veut réviser la loi pour faire du DEP un instrument de l’assurance obligatoire de soins et le Conseil des États vient d’adopter une série de motions du National, qui va faciliter l’entrée en force du recueil numérique. Après des années de tergiversations, la Suisse entend donc bien rattraper son retard.

 

Les résistances subsistent

Force est cependant de constater que toutes les personnes concernées, à commencer par le personnel médical, ne sont pas encore convaincues de l’utilité du DEP. «Faut-il (déjà) tout arrêter?», se demandait, il y a quelques mois, dans un blog paru dans «Le Temps», un médecin, mettant en évidence, notamment, le caractère obligatoire du DEP pour le personnel de santé, ce qui représentait «une surcharge de travail considérable». «Tous les médecins n’ont pas un dossier médical informatisé et pour ceux qui ont en un, la grande majorité n’est pas capable de transférer automatiquement les données au DEP». Rappelons que les professionnels de la santé exerçant dans le domaine ambulatoire sont tenus de se raccorder au DEP. Pour les médecins nouvellement autorisés, cette obligation existe depuis le 1er janvier 2022.

 

Le DEP devra permettre à tout un chacun d’inscrire en ligne ses informations médicales. Cela peut être sa liste de médicaments, un rapport d’opération, de sortie d’hôpital, des informations sur des allergies ou des rapports de soins à domicile. Pour simplifier, disons que le DEP permettra aux patients d’avoir accès en tout temps et en tout lieu aux données relatives à leur santé, créant ainsi un climat de confiance plus grand lors des prises en charge et une meilleure coordination des professionnels de santé.

 

Mais quelles sont les conditions pour que la population et le personnel médical l’adoptent rapidement?

 

Le DEP doit être simple d’utilisation

Plusieurs acteurs sont actifs aujourd’hui dans le dossier. L’OFAC, la coopérative professionnelle des pharmaciens suisses, communique abondamment sur le sujet et invite les citoyens à ouvrir des DEP, aujourd’hui déjà directement dans les pharmacies.  L’association Cara, qui regroupe les cantons de Genève, Valais, Vaud, Fribourg et Jura, est également très présente. Le canton de Neuchâtel, a réalisé un projet-pilote auprès de personnes diabétiques «Mon Dossier Santé» et vient d’ouvrir le DEP à l’ensemble de la population. La Poste, qui fait une entrée en force dans le numérique, met à disposition l’infrastructure technique du DEP dans 12 cantons des quatre régions de Suisse.

 

L’enjeu pour tous ces acteurs est de se positionner pour le futur, en séduisant le plus de grand nombre de patients possibles. Les différentes communautés font leur implémentation en suivant les principes mis en place par le Conseil fédéral. Mais, à terme, il est fort à parier qu’une infrastructure technique uniforme s’imposera. Ce DEP devra être convivial et facile d’accès pour tous les utilisateurs, comme le demande une motion de commission du National.

 

Le DEP doit être confidentiel et sécurisé

Le DEP est personnel et sauf en cas d’urgence médicale, c’est le patient, et uniquement le patient, qui décide quels professionnels de la santé auront accès au dossier. «Les employeurs, les assureurs et les autorités n’y auront pas accès», explique dans «Le Temps» Caroline Gallois-Viñas, à la tête de la structure du DEP du canton de Neuchâtel. Mais il faudra également que les médecins et les professionnels de la santé l’utilisent pour y insérer leurs données. C’est l’un des grands défis du projet. Et pour cela, il faut que le climat de confiance autour de la sécurité des données soit très fort. En début d’année, les cabinets neuchâtelois ont été hackés, on s’en souvient. Pour entrer dans la communauté neuchâteloise DEP, les médecins ont dû mettre à jour leur système, avoir un antivirus et un pare-feu.

 

Accompagner la mise en œuvre et intégration du DEP

ELCA, par le biais de sa filiale ELCA Security travaille avec différents partenaires et met à disposition la solution TrustID, une des solutions d’identité électronique (eID) nationale (l’unique solution destinée aux professionnels de santé et population sur l’ensemble du territoire) certifiées pour le DEP, et propose des services de sécurité complets et adaptés à ses clients dans le domaine de la santé (anticipation, protection, détection et défense contre les menaces cyber).

 

D’autre part, ELCA a mis en œuvre l’intégration du DEP aux systèmes primaires pour un grande partie des hôpitaux vaudois et interagit avec la plupart des acteurs du domaine de la santé.

 

Après des années de lancement ajourné, il semble bien que cette fois-ci, l’outil numérique, sensé apporté efficacité et transparence dans le domaine de la santé, soit en passe d’être adopté par la Suisse, imitant en cela les pays voisins. Les prochains mois seront décisifs.

Sébastien Fabbri - ELCA

Sébastien Fabbri est Client Partner chez ELCA depuis Novembre 2021, en charge du conseil et du soutien des comptes gérés actifs dans le domaine du Digital Health and Life Science. Il compte plus de 20 ans d’expérience dans ce secteur en Suisse. M. Fabbri est ingénieur en mathématique appliquée et informatique de formation.

4 réponses à “A quand le dossier électronique du patient?

  1. Jamais, j’espère. C’est un risque bien trop grand pour la sécurité des données des patients. Pour rappel, les données médicales sont non seulement des données personnelles, mais surtout des données personnelles *sensibles*.

    Et, comme le timing est parfait, on vient d’apprendre que les données médicales de personnalités/célébrités ont été piratées en Australie.
    Alors oui, c’est un assureur. Oui, c’est en Australie. Mais oser prétendre que la Suisse fera mieux en matière de sécurité tient du rêve, de l’utopie la plus complète. Combien de fois par année voit-on des institutions publiques (et des privés) se faire voler des données dans notre pays ? Ou à tout le moins chiffrer (et souvent exfiltrées avant, pour faire pression via la menace de divulgation) ?

    Non, franchement… Non. le DEP ne doit pas voir le jour. C’est exactement comme le vote par Internet – une hérésie dangereuse pour le pays, la stabilité et la protection des droits et données.

    1. Bonjour Cédric Jeanneret, merci de votre réponse. Idem pour moi = JAMAIS.
      Je possède mes données médicales privées depuis le début des années 1970 (récupération très méthodique, Loi en ma faveur avec application méthodique).
      Ces données sont très “sensibles”, elles ne peuvent en aucun cas tomber en mains de médecins + autres corps de métier qui les utiliseraient dans mon dos (sans juste compensation) pour diverses publications dans les domaines particuliers qui me concernent.
      Je gère tout moi-même, y compris mes courbes de suivi sous Excel. Plus de cinquante ans de résultats disons “spéciaux” mais étonnamment viables sur le très long terme, c’est bien trop intéressant/tentant pour certains chercheurs …. donc NON.
      Les Labos que je fréquente trimestriellement (diverses localisations, dont principalement en Italie, Autriche et Allemagne) n’envoient jamais rien à un médecin car d’emblée ils ne savent pas qui sont mes référents (et ne demandent rien). Mes valeurs = ma propriété exclusive.
      Tout donner et ne rien récolter en échange ou peut-être les yeux pour pleurer ?! NON.

      La médecine actuelle est d’une inénarrable cruauté d’un côté, mais nous fait croire tout le contraire d’un autre côté. Tant qu’une nouvelle génération de chercheurs/médecins ne voit pas le jour, pas d’échange. Nous sommes un très grand nombre de patient(e)s pluridisciplinaires à penser exactement ainsi.
      Bien à vous, eab

  2. Article très intéressant. Cependant, il me semble que les assurances et autres caisses de compensation demandent un accès intégral au dossier du patient, sans quoi l’assurance ne rentre pas en matière en cas de remboursement ou de prise en charge. Avec une centralisation des données liées au patient, on augmente le risque que ces données se retrouvent dans de mauvaises mains.
    Cette pratique aboli le secret médical puisque l’assurance obtient l’accès à l’ensemble du dossier du patient et peut donc utiliser des moyens avancés afin de déterminer le coût futur du patient.
    On ne parle plus de gestion du risque par les réassureurs puisqu’il ont toutes les données.
    Au risque de se voir refuser toute nouvelle assurance sur la base d’une santé qui parfois ne nous accompagne pas.
    Le monde doit avancer, mais dans la bonne direction, en prenant en compte toutes les possibilités.

    1. Bonjour, merci de votre commentaire, tellement vrai.

      Voilà pourquoi il faut également penser à financer soi-même nos frais de santé.
      Pour moi-même c’est devenu une routine depuis tellement longtemps que je ne compte plus les années.
      Par exemple, par le passé lors d’une consultation privée à l’Universitätsspital de Bâle, j’ai dû carrément me battre afin qu’aucune de mes données (fort intéressantes) soient utilisées gratuitement par la « science » et diffusées …… j’ai réussi à bloquer toutes les velléités de transmission en ressortant quelques textes législatifs (toujours en réserve au cas où).

      Si nous ne prêtons pas attention au secret médical et à la protection massive de nos données, comme patient(e)s nous sommes berné(e)s à vitesse supersonique.

      Les assurances-maladies en Helvétie ne servent plus à rien hormis engranger de mégas réserves financières. Penser autrement est une grave erreur – il est dans leur intérêt de nous contrôler de la naissance au trépas.

      La direction que prendrait le DEP (ou DIP) est la direction du contrôle absolu sur nos vies et libertés de choix.
      Portez-vous bien. eab

Les commentaires sont clos.