Des livres et des questions : Abigail Seran et la collection « D’écrire ma ville »

Des villes, des habitants et leurs mots

« D’écrire ma ville » est un projet d’écriture participative qui permet aux habitants d’un lieu d’en raconter leur perception. A travers leurs yeux, leurs stylos, leurs claviers et des écrits très personnels, la mémoire d’une ville est mise en page grâce à des anecdotes, des souvenirs, des poèmes …

Afin que chacun puisse s’exprimer sans que la rédaction ne constitue un obstacle, l’aide de professionnel⸱le⸱s de l’écrit est offerte. Ces accompagnant⸱e⸱s jouent, en fonction des besoins, une fonction éditoriale, un soutien afin de faciliter la rédaction, un rôle d’écrivains fantômes en recueillant des anecdotes et en les retranscrivant. Le format des textes de ces livres est court afin que ces brèves chroniques constituent des flashes. Aux récits de tout un chacun, se mêlent les mots de personnalités politiques, d’écrivains, d’artistes, de notables… Et chaque sentiment, chaque témoignage, quel qu’il soit, s’avère d’une grande valeur. Peut-être encore plus, s’il est issu d’une personne qui ne s’exprime généralement pas publiquement.

La semaine passée le cinquième ouvrage de la collection, après Monthey, Bernex, Lausanne et Sion, a été verni à Neuchâtel. D’autres villes, dont les noms sont pour l’instant tenus secrets, viendront l’agrandir.

Abigail Seran : la foi en l’écriture participative

L’idée de donner la parole aux habitants d’une ville, est né dans l’esprit de l’écrivaine valaisanne Abigail Seran, dont le dernier livre « Le Big Challenge » – éd. BSN Press -, paru au mois d’août, enthousiasme la critique littéraire de toute la Romandie. Juriste de métier cette Montheysanne, grandie aux pieds des Alpes, ne cache ni son amour pour la culture hexagonale ni sa passion pour l’Irlande. Hyperactive, elle se lève tôt pour écrire mais ne se nourrit pas uniquement de lettres. Hormis le temps qu’elle consacre à sa littérature et à sa famille, elle anime des ateliers d’écriture et affectionne les rencontres. Surtout les rencontres où l’on partage des histoires à transformer en récits et où la place est laissée à l’écriture participative. Un talent, des connaissances et des qualités humaines qui ont fait d’elle la directrice de la première maison des écrivaines, des écrivains et des littératures (MEEL), à Monthey. Inaugurée en septembre, la MEEL est un lieu d’accueil, d’échanges et de formation pour les écrivain⸱e⸱s, quels que soient leurs parcours et leurs niveaux, débutant⸱e⸱s, émergent⸱e⸱s ou confirmé⸱e⸱s.

D’écrire ma ville : interview d’Abigail Seran

La romancière Abigail Seran.

Comment est né « D’écrire ma ville » ?

« D’écrire ma ville » est né de ma constatation que sur les réseaux sociaux, il y a quelques années, apparaissaient des groupe « Tu es de… si… » et je voyais toutes ces anecdotes incroyables en lien avec ma ville natale qui figuraient sur un réseau social par essence éphémère. J’ai eu envie de les fixer et l’aventure d’écrire ma ville a commencé !

Comment ce projet parti de Monthey s’est-il par la suite étendu à d’autres lieux ?

Par bouche à oreille ! L’aventure montheysanne est arrivée jusque sur le bureau d’Emmanuelle Vidal, déléguée culturelle de Bernex qui nous a demandé de monter ce projet dans sa ville pour accompagner la mue de la ville et le retour du tram. Ensuite le projet a été proposé à Lausanne par Katia Delay qui refondait sa Maison du récit et l’écrivain sédunois Pierre-André Milhit a proposé de l’implanter à Sion, puis Gaëlle Métrailler déléguée culturelle à Neuchâtel nous a approché pour le mettre en place à… Neuchâtel.

Les projets s’implantent là où il y a une volonté. Nous étudions chaque demande et mesurons la faisabilité et l’engagement des gens sur le terrain ainsi que des villes. Ce projet pousse un peu tout seul à ma grande fascination.

Comment est géré ce projet d’un point de vue créatif et logistique ?

Nous avons déposé le nom et le concept auprès de l’institut de la propriété intellectuelle afin qu’il y ait une ligne claire et professionnelle pour chaque ville. Nous avons un projet en trois temps : d’abord la mise en place des équipes, le volet financier et la logistique, ensuite la récolte de textes, puis le montage du livre. Après cinq réalisations nous sommes assez bien rodés et pouvons être efficaces pour notamment le dépôt des textes en ligne ou la mise en place du livre, mais chaque aventure est spécifique et chaque livre a sa propre tonalité notamment grâce à l’illustrateur ou illustratrice qui donne ses propres couleurs au livre.

Comment choisissez-vous les personnes qui illustrent ces publications?

Nous essayons de travailler avec un ou une artiste du lieu, avec le comité local qui accompagne le projet, nous discutons des possibilité et contactons quelques illustratrices⸱teurs et voyons si le projet peut leur parler, s’ils ou elles ont envie de se lancer dans l’aventure.

Que doit faire une ville qui souhaiterait se joindre à cette entreprise ?

Simplement nous contacter à [email protected] . Nous discuterons de ce qui est faisable ou non !

Doit-il y avoir une volonté politique ou le projet est-il laissé aux mains des associations qui s’y intéressent ?

Cela dépend, mais il est vrai qu’avoir l’appui des autorités politiques de la ville au niveau logistique (par une diffusion dans le journal communal par exemple) et financier est extrêmement important et aide énormément le projet, notamment pour trouver l’argent complémentaire à la bonne réalisation de l’aventure.

Cinq villes ont déjà leur livre, combien de villes espérez-vous ajouter à la collection ?

Nous ne pensions pas dépasser les frontières montheysannes ! Alors honnêtement, je ne sais pas jusqu’où ira ce projet ! Une ville française semble intéressée… qui sait. Ce projet va là où va le vent. Peut-être ira-t-il très loin, peut-être s’arrêtera-t-il tout seul.

Comment s’est effectué le choix de l’éditeur, en l’occurrence les éditions Soleil Blanc ?

C’est une belle rencontre avec un éditeur valaisan, Julien Dresselaers, qui a tout de suite aimé le projet et que je savais faire des beaux livres sur mesure. Et aujourd’hui c’est une belle collection avec toutefois une spécificité pour chaque livre dans les teintes notamment.

Tous les livres de « d’écrire ma ville » paraissent-ils dans toutes les librairies de Suisse romande ou ne paraissent-ils que dans les librairies des villes concernées ?

Nous n’avons pas de diffuseur car la diffusion est locale et donc nous proposons aux librairies des villes et des alentours d’avoir le livre en dépôt mais le livre est commandable auprès de d’écrire ma ville par toutes les librairies de Suisse et au-delà.

Quel est le profil des personnes qui écrivent dans ces ouvrages ?

Extrêmement varié et c’est ce qui en fait la richesse. La plus jeune autrice a 14 ans et le plus âgé (à ma connaissance) 96. Tout milieu social, tout parcourt, migrants, étrangers, locaux, femmes, hommes, lettrés ou non. Ma grande fierté est que des gens de presque tous les continents ont envoyé un texte. Australie, Afrique, Amérique du Nord et du Sud. J’espère que si prochain projet il y a, nous réceptionnions un texte d’Asie et nous aurons couvert la planète ! J’aime cette magnifique diversité qui dit son attachement à un lieu. On a la sensation que le lieu les a fait, construit, les participant⸱e⸱s lui rendent hommage où qu’ils ou elles se trouvent dans le monde.

Quelles sont les avantages et les inconvénients de l’écriture participative ?

Il y a une magie de la multiplicité des voix et des points de vue. C’est une très grande richesse que ce kaléidoscope. Et les inconvénients, si j’ose parler ainsi, c’est que lorsque l’on a plus de 150 autrices et auteurs c’est une logistique assez importante. Et qu’il faut donc beaucoup de rigueur dans le traitement des textes. Mais c’est avant tout une merveilleuse aventure humaine.

A quels lecteurs s’adresse « D’écrire ma ville » ?

« D’écrire ma ville » s’adresse à tous les publics. Aux curieuses et curieux. Il y a à la fois une spécificité géographique locale dans ces textes et à la fois une universalité dans les récits. On picore des villes, on s’y retrouve et on s’y perd à la fois.

Quel sont les points communs et différences entre tous ces livres ?

Ces livres disent que les territoires dans lesquels nous évoluons façonnent nos vies, soit par les émotions que ces villes suscitent, soit par les souvenirs qu’on y crée ou les émotions qu’elles nous font ressentir. Il y a beaucoup d’intime dans ces récits, ce qui me touche particulièrement en tant qu’écrivaine. Et aussi cette défense d’un lieu aimé avec force et vigueur. C’est très émouvant.

Quelle serait votre plus grande joie concernant cette collection ?

D’imaginer que dans cinquante ou cent ans on retrouve un livre au fond d’un grenier et que l’on ait laissé, grâce à ces ouvrages une trace historique émouvante d’une image à un temps T.

Avez-vous d’autres projets d’écriture participative ?

La société des écrivaines et des écrivains valaisans m’a confié le projet de créer la Maison des écrivaines, des écrivains et des littératures (www.meel.ch) qui vient de voir le jour à Monthey. J’en suis désormais la directrice et j’espère que toutes celles et ceux qui écrivent sauront venir trouver dans cette maison un toit bienveillant pour les accompagner dans leur parcours. La force du collectif est un cadeau immense et je suis très heureuse quand je peux me mettre à son service.

Merci beaucoup pour cette interview.

Merci à vous Abigail Seran

Editions BSN press : 10 ans de publications indépendantes (2)

Jean Chauma : du flingue à la plume

C’est le doigt de Jean Chauma, un ancien braqueur, qui s’est appuyé sur la gâchette du pistolet de départ de BSN press. Giuseppe Merrone, le directeur de cette maison d’éditions, dit de lui : « C’est un auteur exceptionnel qui vient du monde du crime. C’est une écriture qui vient de l’intérieur. Il sait écrire. Il a un style à lui, sans la légèreté des fariboles qu’on nous vend sous le label polar. Cela reste sans équivalent ». Premier livre de BSN press, Le Banc de Jean Chauma, a donné les premiers tons de cette maison d’édition. « Il n’avait pas fini sa phrase que je dégainais mon calibre, il a pris la bastos au-dessus de l’œil gauche, un autre coup de feu a tonné, une balle est entrée dans ma poitrine, j’ai tiré une seconde fois, le jeune Corse s’est plié en deux. Les Champs-Élysées étaient encore remplis de monde, le Luger à la main, je me suis mis à courir. » Noire serait l’écriture. Noires seraient les ambiances de BSN press ainsi que Giuseppe le souhaitait.

BSN press : du noir au catalogue diversifié

L’on a parfois soupçonné Giuseppe Merrone de s’être dirigé vers le crime et le roman noir influencé par ses origines napolitaines. Il préfère en rire plutôt que de s’en offusquer. Infatigable travailleur qui a toujours l’impression de commettre une faute morale lorsqu’il se repose, c’est en manager qu’il choisit ses lignes éditoriales. Après avoir créé BSN press en Asie du Sud-Est, souhaitant entre autres publier des auteurs thaïs, birmans, cambodgiens ou laotiens – les meilleurs auteurs japonais et chinois ayant tous été aspirés par les grandes maisons d’éditions parisiennes –, Giuseppe Merrone se rend à l’évidence. Malgré de nombreux voyages, il continue à vivre en Suisse. Cela complique la coordination. Trouver de bons traducteurs s’avère difficile. Il rapatrie donc son entreprise et mène une étude de marché. Il s’aperçoit qu’à l’époque, vers 2009 – 2010, le roman noir, qu’il préfère au polar pur et dur, est peu exploité en Suisse romande. Il se lance dans ce créneau. Condition : qu’il y ait une critique sociale. Que l’écrit mette en lumière les dysfonctionnements de notre société. Mais, rapidement, il s’aperçoit qu’il n’y a pas assez d’auteurs de noir en Suisse romande. Il s’intéresse donc à des écrivains comme Edmond Vullioud, un maître des longues phrases, ou à Claire Genoux dont le style est très littéraire. C’est pourquoi dans sa collection Fictio, le noir côtoie la poésie, le théâtre, des nouvelles et des auteur-e-s comme Abigail Seran. Son récit D’ici et d’ailleurs, paru durant la fermeture des librairies imposée par le confinement, bien que d’une grande mélancolie, apporte une touche de blanc.

 

Abigail Seran : D’ici et d’ailleurs

D’une écriture élégante et posée, les livres d’Abigail Seran se penchent souvent sur les histoires familiales et sur leur impact sur le présent. Sans précipitation, D’ici et d’ailleurs nous invite à reconstituer, en compagnie de Léanne devenue Léa, la vie d’un oncle mourant. Ce voyage, qui commence par un séjour chez la mère de la protagoniste, dans l’appartement ou elle a grandi, l’amènera d’une maison de retraite jusqu’en Irlande. Ce faisant, cette femme d’affaire à qui tout réussi, devra affronter un passé qui l’obligera parfois à se retrouver aussi désemparée qu’une adolescente. Extrait : « D’autorité, ma mère vint s’asseoir au fond de mon lit. Posture ancienne. Je repliai instinctivement mes jambes, me redressai et calai mon dos contre le mur. Réaction adolescente. Ma gestuelle suffit à ce qu’elle poursuive.

– J’espère que tout se passera bien… »

 

BSN press : une grande littérature en petit format

A peine plus grand qu’un poche Folio, cette première édition D’ici et d’ailleurs, comme tous les livres des collections Fictio et Uppercut, est facilement transportable. Constamment assoiffé de lecture, Giuseppe Merrone se déplace toujours avec 3 ou 4 livres qu’il ouvre dès qu’un moment le lui permet. Ce fils de modestes immigrés s’est donc naturellement tourné, durant toute sa vie, vers le livre de poche léger et peu onéreux qui renferme autant de plaisir et de savoir qu’un grand format. C’est ainsi qu’il a choisi d’imprimer de nouvelles parutions dans un format agréable pour le transport et le porte-monnaie. Plus étonnant et séduisant : découvrir que la police de ces ouvrages est aérée et lisible même pour de mauvais yeux.

 

La collection Uppercut

Après une réflexion portant sur le marché du livre, cherchant ce qui y manquait, Giuseppe crée Uppercut. Cette collection allie à la fois le sport, un thème peu abordé en littérature, et tous les autres genres – noir, psychologique, amour, sociologique… – pourvu que l’on nage, escrime, pédale ou tape dans un ballon. Autre exigence de Merrone pour cette collection : des textes courts qu’on reçoit comme un coup de poing et qui peuvent être lus le temps d’un match de foot ou d’un trajet en train Neuchâtel – Zürich. Parmi ces micro-fictions, on trouve deux auteurs genevois à la plume affutée : Lolvé Tillmanns et Florian Eglin. Connu pour la trilogie ayant pour héros Solal Aronowicz – Editions de la Baconnière – Florian Eglin nous entraine sur le RING avec pour toile de fond la politique genevoise et internationale fortement influencées par une pandémie du nom de HAZ. L’histoire : Noah, jeune arménien naturalisé depuis peu et brillant étudiant, entre en politique grâce au soutien de Katia de Constant, la fondatrice du parti genevois La Droite. Les ambitions du jeune homme sont claires : être élu au Grand Conseil. Noah vit depuis un an avec Lashana, une jeune rwandaise. Le jour, les deux jeunes gens mènent des vies très différentes, mais, le soir, ils ont un point commun : leur passion pour la boxe thaïlandaise. Mais, peu à peu, l’on comprend qu’une personne tire les ficelles depuis l’Arménie.

 

J’ai beaucoup apprécié FIT de Lolvé Tillmanns. L’écrivaine encastre chaque phrase dans l’autre pour créer un puzzle parfait. Malgré des moments dramatiques, ce texte qui se déroule dans une salle de fitness et dont le thème est l’obsession du corps idyllique, m’a beaucoup amusée. En effet, je suis toujours hilare lorsqu’on me montre l’être humain sous toutes ses ridicules diversités, ce que Lolvé Tillmanns a très bien su écrire. Extrait : « Je devrais arrêter de fumer, c’est laid les rides et le teint gris des fumeuses. Je transpire dès le premier pas vers la gare, saloperie de canicule. La clim des trains ne fonctionne pas, et l’air des bus assoiffe plus sûrement le mammifère que le sable brûlant du Sahara. Pourtant je n’ai pas envie d’entrer dans le centre, douze heure de salle, fait chier. Je m’installe livres, Stabilo, téléphone. Je sens ces vagues dans mon corps, Stan y a laissé des souvenirs, comme s’il avait fait des ricochets dans mon ventre. Et dire que je pensais que Ralph était un bon amant, je ris toute seule. » Chez BSN press, parmi les livres parus durant la fermeture des librairies, on peut également retrouver Lolvé Tillmanns avec Anne-Sophie Subilia dans Genève – Kin, une correspondance entre deux écrivaines d’ici avec le romancier de Kinshasa Richard Ali A Mutu et la promotrice du livre kinois Miss M. Bangala. Ce projet a été porté par Max Lobe, écrivain genevois d’origine camerounaise.

 

Giuseppe Merrone : l’interview

A vos débuts dans l’édition, pensiez-vous que votre entreprise tiendrait 10 ans ?

Dans ce travail le profit rapide n’existe pas. Selon les informations que j’avais recueillies, je savais qu’il me faudrait souffrir dix ans. C’est le temps qu’il faut pour que l’édition devienne rentable. Il faut constituer un catalogue et ça se fait étape par étape. D’autant qu’au début on n’est pas pris au sérieux or la reconnaissance du milieu est importante. Ceci dit, je n’avais pas compté sur la Covid qui a sérieusement érodé cette échéance de dix ans. Par chance, les parutions académiques me permettent de survivre.

– Et vous survivez facilement ?

J’ai la chance d’être une petite structure. Je travaille seul avec des indépendants : je paie tout le monde, y compris les droits d’auteur, avec un maximum de ponctualité, je tente d’être régulier. (L’écrivaine que je suis sourit, car nombreux sont les éditeurs qui ne paient jamais, ou rarement, les droits d’auteur pour les motifs que nous comprendrons en lisant l’entier de l’entrevue). Une maison d’édition a toujours des problèmes de trésorerie. Ma politique c’est de payer tout le monde et de voir ce qui reste. L’auteur n’est axé que sur son livre mais quand on est de ce côté-ci de l’entreprise, si l’on ne fait pas attention, ça peut vite devenir très difficile. Grâce à ma petite structure souple, malgré les difficultés que je rencontre en cette période, pour l’instant je m’en sors. Mais le livre est un objet complexe qui, malgré ce que tout le monde s’imagine, est vendu très bon marché. Quand on sait le nombre de personnes et d’entreprises qui participent à son élaboration – écrivains, imprimeurs, distributeurs, libraires… – on s’aperçoit que son prix est vraiment dérisoire. Le livre ne pourrait pas exister si éditeurs, graphistes et auteurs ne faisaient pas une grande partie du travail bénévolement.

– Quelle influence la pandémie a-t-elle eue sur BSN press ?

J’ai dû considérablement repenser le calendrier des publications. Pour un éditeur de ma taille, il est difficile de sortir des livres quand les librairies sont fermées. L’alternative supposée de la vente en ligne ne fait qu’accentuer les phénomènes de concentration, et favorise de fait les grandes enseignes. Pour 2021, afin de fêter les 10 ans, j’avais un programme très ambitieux : sortir deux livres par semaine durant un mois, avec des tables rondes, des débats, des dédicaces, des pièces de théâtre. De ce programme, il ne reste qu’une version très réduite. Une bonne partie a dû être annulée ou repoussée, y compris les publications. De plus, le monde de l’édition n’a été soutenu que marginalement par les pouvoirs publics, et pour ce qui me concerne l’arrêt de l’activité n’a pu être compensé que par l’existence de réserves et par la faiblesse de mes charges fixes. Les médias, quant à eux, n’ont pas toujours brillé par leur soutien aux acteurs locaux du livre. Dommage. La Suisse romande compte de très bons éditeurs et d’excellents écrivains qui mériteraient des retombées financières et symboliques plus consistantes. Bien entendu, l’absence de lisibilité sur l’avenir des mesures sanitaires a aggravé cette phase critique.

-Avez-vous des projets malgré la crise ?

Je voudrais continuer à développer la collection Uppercut et les sujets sur le sport. J’en suis loin d’en avoir fait le tour. J’ai aussi envie d’augmenter les publications liées au théâtre. Cet art m’intéresse beaucoup d’autant qu’il me permet d’être partie prenante dans les créations comme avec Après la vague de Mélanie Chappuis. C’est très intéressant et très beau de participer au processus de la création collective. Sinon je vais là ou il me semble qu’il y a un truc à développer. Potentiellement, je peux tout faire.

 

Sources :

  • Entrevue de Giuseppe Merrone par Dunia Miralles
  • Editions BSN press
  • Entre nous soit dit  RTS
  • ViceVersa Littérature
  • Payot librairie