“Les Choses Gonflables” de Miguel Angel Morales : ni Plonk ni Replonk

Miguel Angel Morales : un air de chat-chat-rock

Homme félin aux vies multiples, Miguel Angel Morales s’est distingué en fondant le collectif Plonk & Replonk. Mais pas uniquement. Cet espagnol typique du Jura – comme il se présente lui-même – né à Barcelone en 1963 mais qui vit aux Barrières, a, pendant longtemps, tenu les chroniques rock du feu quotidien L’Impartial et animé des émissions pour RTN. Il a également collé des affiches ; travaillé comme graphiste ; œuvré à la création du club Bikini Test ; brûlé les scènes européennes – même une new-yorkaise – avec le Jivaros Quartet. Mythique, ce groupe suisse inspiré par les Ramones et le Velvet Underground, s’était fort bien imposé dans les eighties. Plus tard, c’est avec le trio de rock psychédélique Sunday Ada, que Miguel Angel a distillé des ballades hallucinogènes. Infatigable, il vient, avec une patte joliment griffue, d’ajouter une vie à toutes les autres en publiant son premier roman : Les Choses Gonflables aux Éditions Torticolis et Frères.

 

Les Choses Gonflables de Miguel Angel Morales : l’histoire

Les Choses Gonflables ne se résument pas. Elles se lisent. Le récit se déroule, au départ, dans un monde étrange qui ressemble à une parodie du nôtre. Un endroit où vivent les Ploucs et les Beaux. Puis, peu à peu, on change de plan comme si les personnages se promenaient d’univers en univers, dans des sortes de mondes parallèles qui se superposent. Miguel Angel Morales (sans trait d’union entre Miguel et Angel parce que les prénoms composés ne prennent pas de trait d’union en espagnol) parle ainsi de son livre dans une interview accordée à RJB:

« C’est assez spectaculaire, mais néanmoins c’est écrit sur le ton de la banalité la plus totale. C’est un bouquin à tiroirs, mais je vous rassure tout de suite, ça commence par un point A et ça se finit par un point Z en laissant quelques portes ouvertes. Il y a des fausses trappes et des fausses pistes. C’est un peu comme un fromage dont vous seriez la souris. Il vous faut entrer dedans. Vous faites les trous, vous vous nourrissez de ce que vous voulez, vous en sortez puis, vous y revenez plus tard ».

« Ce n’est pas le langage Plonk, il n’y a pas de joliesses ou d’absurdités gratuites. Le but ce n’était pas de faire ça. Mais évidemment, comme je suis l’un des trois Plonk d’origine, les lecteurs s’amuseront peut-être à se dire, tiens ça oui… ça, peut être ça… Délibérément, j’ai fait en sorte que ce ne soit pas du Plonk. Maintenant, là, j’ai juste envie de montrer ce que moi je suis ».

En étant brève, je dirai que Les Choses Gonflables est un livre qui dépeint, avec des tons surréalistes, le cirque qu’est la vie. A moins que, plutôt qu’un cirque, ce ne soit une arène.

 

 

Les choses gonflables de Miguel Angel Morales: extraits

« Depuis qu’il s’est fait Beau, je n’ai plus vu mon snobinard de frère. Celui que je vois régulièrement sur le plateau de « Nos amis le sport », par contre, c’est cet Arthur tout sourire qui se raconte et s’étale. Sa vie, son œuvre, ses sous-vêtements importés du reste du monde qui coûtent telle ou telle somme en francs beaux et qu’il recommande à tous ceux qui savent. Moi, j’ignore. Ses chronos (il est recordman de choses). Ses compléments alimentaires (il mange). C’est à Musclorama, le rendez-vous du muscle Impasse Jean-Jacques Sisyphe, que mon frère perdu a ses habitudes de mascotte sous contrat. Des tas de dupes vont y souffrir, sur des tapis roulant à toute vitesse, en direction de nulle part. Faut aimer. Il me fait suer avec son sport. Ses sponsors et ses soutiens, des Beaux de Beau Gotha. Ferait beau qu’un Plouc sponsorise quoi que ce soit. Cet Arthur aux gencives élastiques et la dentition en miroir a choisi son camp. C’est peut-être mieux comme ça. Lui et moi, on n’a jamais pu se blairer. Pourquoi je m’énerve comme ça ? »

« Nous sirotons en silence notre vin de tapis, pas trop malheureux, sur le moment. Hélas, nous avons si mal choisi l’heure de notre petite expédition que voilà les Choses Gonflables qui apparaissent à l’horizon de notre torpeur, dérivant au ralenti avec toute leur suffisance synthétique. Tinckey (ou Mickin), Middock, Bianca Castasio et toute l’atroce équipe à valves. C’est à devenir fou. Nous nous cassons vite fait. Joop à tôt fait de nous distancer sur son gadget à vapeur. Merci papa, merci maman. »

« Le lendemain, ça déchante plus qu’autre chose. Rien ou pas grand-chose dans la presse officielle. Rien non plus dans l’autre, dont l’acte de naissance se fait attendre. Posté chez Titi Rantaplan, Avenue Jean-Jacques Camion – je précise toujours car c’est une adresse très classe et je suis l’un des rares Ploucs à s’y inviter -, je tends l’oreille, je guette l’éventuel journaliste, le sbire en goguette, la pipelette corruptible. Le surlendemain – après m’être fendu d’un nombre modeste, mais suffisant, de baffes incitatives -, j’ai une idée plus précise du nouveau fait divers. Ce type assez con que je n’appréciais guère n’est plus de ce monde. Je peux maintenant mettre un nom sur le gus : Empaphos. Le mec qui aimait jouer à la Belle au bois dormant ! Son corps a été découvert éparpillé en petits morceaux dans sa petite chambre indestructible, sanglante à faire peur. Une boucherie sans nom avec pour témoin muet le fameux cochon obscène torché par un peintre sans talent. Marrant, si j’ose dire. L’affaire Empaphos représente une nouvelle barre trop haute pour nos braves sbires. Jean-Philémon Patapon doit fumer par les oreilles. Après le boulanger-pâtissier, ami du peuple, l’intello chiant par excellence. Non, ça n’a pas de sens. Ubluglute a toujours été ce lieu où il ne se passe ni rien, ni rien de plus, ni rien de trop. Il s’y passe un peu et ça suffit. Les déchaînements de violence, c’est bon pour les projections de minuit de Rikiki Patafiol et basta. La bizarrerie ordinaire, la nazerie bas de gamme, on les connaît, on les aime. Il faut aimer le peu qu’on a. Mais cette folie-ci n’est pas à notre échelle et ne présage rien de bon. Et merde. On n’était pas bien, comme ça ? »

Et si le monde réel, et si la vraie vie s’assimilaient à ce que décrit le roman de Miguel Angel Morales ? Je vous laisse seuls juges.

Sources :

  • Les choses gonflables, Miguel Angel Morales, éditions Torticolis et Frères
  • Le Temps
  • ArcInfo
  • RJB

 

Pause hivernale

A toutes et tous je souhaite, malgré les circonstances, un Superbe Noël et une Merveilleuse Année 2021. En ce moment la pesante réalité a pris le pas sur la rêverie et les projets à long terme, mais qui sait ? En 2021 les choses changeront peut-être positivement. Je vous le souhaite. Je nous le souhaite.

A présent, ce blog va prendre une longue pause pendant que je me pencherai sur d’autres écrits. Je reviendrai le premier jeudi du mois mars avec de nouvelles lectures d’ici et d’ailleurs : des BD, des nouvelles, de la poésie, de la littérature classique et contemporaine.

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Que le bonheur soit avec vous.  A bientôt.

Dunia Miralles