Bérangère Stassin : (cyber)harcèlement, sortir de la violence à l’école et sur les écrans

Harcèlement scolaire : du suicide au crime de masse

Nombre de meurtres de masse commis dans des établissements scolaires sont imaginés et parachevés par des élèves qui subissent un harcèlement constant. Nicholas Elliott, un écolier de l’État de Virginie, aux États-Unis, était le souffre-douleur des élèves les plus populaires. Après avoir enduré des insultes, des crachats dans sa nourriture, des brûlures au briquet, de l’urine sur ses affaires et sur lui-même, en 1988 Nicholas Elliott arrive armé dans son école et tue plusieurs personnes. Plus proche de nous, en 2017 Céline, une jeune Argovienne de 13 ans, se suicide après avoir été harcelée sur Internet. Autrefois considéré comme un passage obligé pour devenir adulte, le harcèlement n’est en rien un jeu innocent, puisqu’il peut provoquer non seulement la mort de la personne harcelée mais également celle de la personne qui harcèle. Ce à quoi on peut ajouter les nombreux traumatismes qui souvent empêcheront l’adulte, autrefois victime, de mener une vie épanouie à cause des graves séquelles psychologiques laissées par cette période de sa vie. Par ailleurs, le cyberharcèlement peut clairement nous écarter de nos objectifs, comme cela a été le cas pour l’ancienne députée du parlement cantonal zougois Jolanda Spiess-Hegglin qui s’est éloignée de la politique après avoir été cyberharcelée. Toutefois, après ce douloureux épisode, elle a créé Netzcourage, une association qui milite contre la haine, le racisme et la violence sur Internet. Pour cela, elle a reçu le prix 2021 de la Fondation Somazzi. Cependant, malgré la reconnaissance du travail de Netzcourage, il reste difficile pour l’association de lever suffisamment de fonds.

Cyberharcèlement : l’agression perpétuelle

En Suisse, entre 5 à 10% des élèves sont victimes de harcèlement, selon des études menées à Genève en 2012 et en Valais en 2013. Les primaires (4-12 ans) sont les plus exposés. Certes, que se soit en milieu scolaire ou ailleurs, le harcèlement a toujours existé. Mais la différence entre la pratique du harcèlement actuel et le harcèlement d’avant l’usage d’Internet, c’est que de nos jours il se poursuit dans notre poche, dans notre sac à main, dans notre salle de bain, lorsque nous sommes à domicile, pendant nos vacances… puisque nous continuons à rester en contact avec le monde et les harceleurs à travers nos téléphones mobiles. La violence devient alors cyberviolence et le harcèlement cyberharcèlement, d’autant qu’il est plus facile de harceler par machine interposée plutôt que de visu. L’objet informatique dépersonnalise l’agression rendant toute empathie impossible. Si les garçons sont plus prompts à s’en prendre à une victime en présentiel, les filles sont davantage adeptes du harcèlement sur les réseaux sociaux.

Les différents types de violences

Dans son livre (Cyber)harcèlement, sortir de la violence à l’école et sur les écrans, paru chez C&F Editions, Bérengère Stassin explique et décortique, d’une manière accessible à chacun, les mécanismes des différents types de violences tout en nous en donnant les définitions. Elle explique également les conséquences physiques et psychologiques qu’engendrent ces agressions sur le court et le long terme. Ce livre a été pensé comme un ouvrage de synthèse, une revue des faits d’actualités qui dès lors qu’on les analyse, se montrent éclairants sur le mécanisme des phénomènes de violence et de harcèlement et de la manière dont cela continue hors de l’école. Il est aussi question des actions préventives et éducatives menées au sein de différents établissements scolaires.

Ce livre vous permettra de reconnaître les exactions que votre enfant subit peut-être à l’école ou que vous pouvez subir vous-même dans le cadre d’une association, de votre travail, d’une activité sportive ou autre… L’ouvrage, édité en France, donne des adresses valables pour l’Hexagone mais, à la fin de cet article, j’insérerai quelques liens d’associations qui apportent un soutien aux victimes, surtout aux plus jeunes, qui sont confrontées à ce problème, hélas, en expansion.

La violence scolaire

« La violence scolaire revêt différentes formes : violence entre élèves, violence des élèves envers les enseignants, violences des enseignants envers les élèves, violence institutionnelle. Toutefois, 90% des faits graves sont commis par les élèves qui y sont scolarisés, par des élèves sur d’autres élèves et parfois par des élèves sur des enseignants. En outre les agressions physiques sérieuses sont très rares, la violence scolaire étant majoritairement composée d’agressions mineures et d’incivilités, soit de micro-violence : bousculades intentionnelles, vols, insultes, réflexions racistes, sexistes, homophobes… mais répétées.

La violence sous toutes ses formes

Les insultes proférées en face à face dans la cour de récréation ou sur le chemin de l’école trouvent généralement un écho au sein des médias sociaux. Les filles sont deux fois plus victimes de cyberharcèlement que les garçons, et les jeunes homosexuel-l-es et les jeunes transgenres risquent quatre fois plus d’endurer un épisode de cyberviolence que les jeunes hétérosexuel-le-s cisgenres ».

Il est désolant de relever que les premières victimes de harcèlement et de cyberharcèlement sont les personnes hors normes, qui sortent du lot, qui ne se conforment pas ou ne correspondent pas au mode de fonctionnement du groupe. Il est encore plus désolant de constater que les jeunes sont les premiers à vouloir imposer des morales et des stéréotypes venus de temps archaïques, puisque qu’ils s’appuient sur des archétypes éculés pour nuire à l’image et à la réputation des victimes. Les premières choses à enseigner seraient sans doute le respect d’autrui, la tolérance de la diversité des personnes et des modes de vie.

Parmi les différentes violences décrites dans cet ouvrage on trouve le sexting, le revenge porn (généralement l’amoureux éconduit qui poste des vidéos intimes d’ébats sexuels) le happy slapping (des violences physiques filmées qui se terminent par du vidéolynchage), les challenges qui mettent l’intégrité physique et la santé en danger, le flaming et le raid numérique (cyberviolences de meute), le roasting (une sorte d’automutilation digitale), les discours de haine, l’usurpation d’identité pour nuire à l’autre…

« La lutte contre ces phénomènes passe par l’éducation : à l’empathie, aux médias et à l’information, à l’intelligence des traces et à l’esprit critique. L’usage que les adolescents font du web est riche et varié et bien loin de se résumer à ces actes malveillants. Puiser dans leurs compétences et leurs goûts numériques et parler de leurs usages pourrait permettre de sortir de la violence, à l’école et sur les écrans ».

Bérengère Stassin : biographie

Maître de de conférences en sciences de l’information et de la communication à l’université de Lorraine et membre du Centre de recherche sur les médiations (Crem). Elle enseigne à l’IUT Nancy-Charlemagne et dans la formation des professeurs documentalistes. Ses recherches portent sur les médiations des numériques, les communautés en ligne et l’identité numérique qu’elle interroge au prisme de la cyberviolence et du cyberharcèlement scolaires.

Harcèlement et cyberharcèlement : à qui s’adresser en Suisse ?

Les liens et adresses qui peuvent vous aider

Il suffit de cliquer sur les noms surlignés pour avoir directement accès aux liens.

147 : numéro de téléphone que les enfants et les adolescent-e-s peuvent composer en cas d’urgence. Le 147 a aussi un site et une page Instagram. Le 147 est une ntenne de Pro Juventute.

Netzcourage : association de soutien aux victimes de cyberharcèlement.

Stop Suicide :  prévention du suicide des jeunes.

143 : numéro de téléphone de La Main Tendue.

Sources :

  • Cyber)harcèlement sortir de la violence à l’école et sur les écrans, Bérengère Stassin, C&F éditions.
  • Bibliothèque de La Chaux-de-Fonds
  • Quotidien Le Temps
  • RTS
  • Quotidien ArcInfo