Laurence Malè : un procureur et une médecin urgentiste aux plumes fantaisistes piliers des éditions Okama

Editions Okama : des livres merveilleux pour Noël

Il est procureur. Elle est médecin urgentiste. Tous deux travaillent et ont des ancrages dans le canton de Neuchâtel. Tous deux écrivent tant et si bien qu’ils sont devenus les figures de proue des éditions Okama. Je me réfère à l’incontournable Nicolas Feuz, que l’on rencontre immanquablement sur l’étal de toutes le librairies – et d’autres lieux qui vendent des livres – et à Catherine Rolland qui a publié plusieurs romans ces dernières années dont Le cas singulier de Benjamin T., en 2019, sélectionné pour plusieurs prix littéraires internationaux. Dans cette aventure okamaïenne, ils sont accompagnés d’autres plumes non moins connues, comme celle de la genevoise Olivia Gerig, de la journaliste et auteure Zelda Chauvet ou de la belge Juliette Nothomb. Bientôt, les jeunes de 16-20 ans qui gagneront le concours de littérature que Laurence Malè et les éditions Okama ont mis en place – vous trouvez les informations et conditions ici – les rejoindront.

Mais en cette période de l’Avent, où le jour se couche tôt, l’idéal c’est de se préparer un thé, un chocolat ou un vin bien chauds, d’allumer quelques bougies, d’ouvrir un livre et se laisser glisser dans les mondes insolites que nous proposent les éditions Okama.

L’étrange Nöel de Sir Thomas

Le moins que l’on puisse dire c’est que nous sommes dans la saison idoine pour nous laisser entraîner par un mystérieux monsieur chapeauté. Dans ce premier livre des éditions Okama, six auteurs issus d’univers littéraires différents et réunis par Laurence Malè, donnent vie à Sir Thomas, personnage fictif et fil conducteur d’une demie douzaine de novellas. Est-il croque-mort, exorciste ou esprit incarné ? Découvrez cet homme énigmatique, laissez-vous emporter dans des contrées où le réel flirte avec le fantastique, en Colombie britannique, en Angleterre, en Suisse, aux États-Unis ou encore dans un parc d’attraction. Ces histoires réservent bien des surprises où le mystérieux anglais coiffé d’un chapeau melon se révèle tour à tour drôle, effrayant, sérieux ou attachant. Laissez souffler le vent d’hiver, préparez-vous un bon thé aux épices, vous êtes conviés aux festivités de l’étrange Noël de Sir Thomas ! Et à glisser ce livre sous le sapin.

Auteurs de ces novellas : Nicolas Feuz, Olivia Gerig, Marie Javet, Christelle Magarotto, Olivier May, Catherine Rolland.

La Dormeuse

Une écrivaine aveugle engage une auxiliaire de vie pour écrire son dernier roman. Une jeune fille, revenue d’entre les morts, retourne à Pompéi pour chercher les clefs de son passé. Un savant et son neveu, un riche commerçant amoureux d’un esclave, une petite fille enjouée et son inséparable chiot mènent une existence paisible et routinière en baie de Naples, au pied d’une montagne nommée Vesuvio. Trois époques différentes et destins qui s’entremêlent dans une aventure sans précédent. Question : parviendront-ils à empêcher une tragédie qui a déjà eu lieu ? Catherine Rolland, est l’une des écrivaines favorites de ma libraire qui n’a pas manqué de me conseiller ce récit.

Bande annonce de La Dormeuse

Léa

Au cours d’une tempête, la jeune Léa Jourdan et son équipage font naufrage au large des côtes de Bretagne. Elle est propulsée dans un monde parallèle, peuplé d’êtres extraordinaires qui la prennent pour l’Élue, celle qui délivrera enfin leurs terres du joug de Wargok le Cruel.

Dans cette aventure, elle va rencontrer trois compagnons. Seth, un patrouilleur, Azzam, un maître de l’air, et enfin Staëgus, une créature inquiétante avec laquelle elle découvre son don de télépathie. Ensemble, ils vont devoir affronter de nombreuses épreuves avant d’atteindre la forteresse de Wargok.

Rempli de suspense, d’amour et de magie, ce roman s’adresse aux adolescents comme aux adultes !

Imaginé et écrit durant le confinement, les bénéfices réalisés sur cette édition papier seront reversés à La Croix Rouge vaudoise.

Textes : Catherine Rolland, Marie-Christine Horn, Florence Herrlemann, Gilles Marchand, Carmen Arévalo, Juliette Nothomb, Mélanie Chappuis, Zelda Chauvet, Marilyn Stellini, Leïla Bashaïn, Johann Guillaud-Bachet, Laurent Feuz, Nicolas Feuz & Cali Keys

Nuits blanches en Oklahoma

Une maison perdue en Oklahoma, l’approche inquiétante d’Halloween, un évènement survenant chaque matin à 3h11, et cinq auteurs qui s’emparent de l’histoire. Des adolescents en mal de sensations ou un agent immobilier très décidé, une gentille famille, une écrivaine en quête d’inspiration ou un jeune garçon sur la route des vacances… Tiendront-ils jusqu’au matin ?

Textes :  Nicolas Feuz, David Ruiz Martin, Sandra Morier, Catherine Rolland & Lolvé Tillmanns

Bande annonce de Nuits blanches en Oklahoma

 

Photographies en noir et blanc de Nicolas Feuz et Catherine Rolland : crédit Steve Gaillard

Une éditrice 5 questions : Laurence Malè cheffe d’orchestre des Éditions Okama

Laurence Malè : du chamanisme au fantastique

Fondatrice d’une petite maison d’édition de littérature fantastique et fantasy qui compte les plumes actuelles les plus appréciées de Suisse romande, de l’Hexagone ou de Belgique – Nicolas Feuz, Mélanie Chappuis, Marie-Christine Horn, Lolvé Tillmans… ou Juliette Nothomb la sœur d’Amélie -, Laurence Malè est également musicienne, compositrice, ancienne responsable éditoriale aux éditions Infolio, libraire initiée au chamanisme et au reiki. Avant de diriger sa propre entreprise éditoriale, Laurence Malè a écrit et publié, avec Alexandra Dechezelle, L’inspiration chamanique au quotidien paru aux éditions Véga. Une initiation au chamanisme pour tout un chacun. Un livre qui contient également un CD avec des méditations et des musiques composées par elle-même. Un ouvrage adressé à toute personne qui souhaite retrouver sa vraie nature à travers une pratique alternative mais qui hésite encore à contacter un-e chaman-e pour la conduire. Avec ce guide pratique, chacun-e peut vivre sa connexion à l’Univers d’une manière personnelle à travers la voie du conte.

Dans la même lancée, Laurence Malè a également publié un jeu de cartes L’Oracle des Trois Cercleséditions Véga – qui s’appuie sur son savoir chamanique. Laurence Malè a-t-elle été guidée par ses animaux de pouvoir ou ses guides spirituels ? Ou sont-ce davantage ses connaissances du monde éditorial qui l’ont amenée à créer avec Marlyse Audergon, autre ancienne collaboratrice des éditions Infolio, les éditions Okama ? Il ne m’appartient pas d’apporter une réponse ésotérique ou rationnelle, en revanche Laurence Malè raconte volontiers que, Sir Thomas, le protagoniste du premier livre publié par les éditions Okama, lui est apparu en songe.  En effet, la particularité des éditions Okama c’est de proposer aux auteurs d’écrire un récit sous contrainte.

Editions Okama : originalité et contrainte

L’homme qui, en rêve, a hanté Laurence Malè, est devenu le principal acteur du premier livre publié par les Éditions Okama L’étrange Nöel de Sir Thomas, paru en octobre 2019. C’est bien ainsi, avec le tréma sur le O, que l’écrit Laurence Malè et que Noël est écrit sur la couverture. Un projet qu’elle a proposé à des auteur-e-s qu’elle connaît bien. « J’ai décrit le personnage en quatre lignes tel qu’il m’est apparu et j’ai émis plusieurs hypothèses: est-il exorciste, croque-mort ou une âme errante? A eux de voir » dira-t-elle au micro de Jean-Marie Félix. Une formule qui enthousiasme écrivain-e-s et lecteurs et que les éditions Okama continuent d’appliquer.

Le concours des éditions Okama : prochain ouvrage écrit par des 16-20 ans

Fidèles aux buts qu’elles se sont fixées, désireuses de révéler les plumes de demain, pour sa prochaine anthologie de novellas les éditions Okama ont lancé un concours destiné aux 16- 20 ans. Les conditions de participation : être encadré par un professeur ou un coach en écriture, être domicilié en Suisse, accepter d’écrire sous contrainte un texte entre 25’000 et 30’000 signes. La réception des textes est fixée au 15 mars 2022. Pour recevoir d’avantage d’information vous pouvez poser vos questions à cette adresse : [email protected]

Demain, dans la suite de cet article, nous découvrirons les ouvrages déjà publiés par les éditions Okama.

Laurence Malé : l’interview

Vous êtes – entre autres – libraire, comment vous est venue l’idée de fonder les éditions Okama ?

J’ai été libraire pendant des années avant de me diriger vers l’édition. L’idée est venue alors que je travaillais pour les éditions Infolio, en tant que responsable éditoriale. A l’époque, je travaillais avec mon ex-associée, qui est graphiste, et nous avions envie de nous lancer dans une aventure qui correspondrait plus à nos domaines de prédilection, autant pour le graphisme que pour le genre de publication.

Hormis “La Dormeuse”, le roman de Catherine Rolland, jusqu’à présent vous avez principalement publié des livres contenant plusieurs novellas que les auteurs écrivent sous contrainte. Pourquoi ce choix ?

Les éditions OKAMA souhaitaient publier des ouvrages originaux avec des contraintes imposées. Ce qui me séduit dans cette démarche, hormis de proposer un cadre (un curieux personnage, comme dans L’étrange Nöel de sir Thomas, une situation particulière et une maison, comme dans Nuits blanches en Oklahoma), c’est de demander à des auteurs spécialisés dans d’autres domaines (littérature blanche & littérature noire) d’écrire pour le genre fantastique et fantasy. Le fait d’éditer des ouvrages collectifs permet au lecteur de découvrir des plumes sous un nouveau jour. Pour le roman-feuilleton Léa, la démarche est autre. En effet, il a été diffusé, chapitre par chapitre, lors du premier confinement, gratuitement sur notre site internet avec une communication faite sur les réseaux sociaux (Facebook et Instagram) afin de sensibiliser les jeunes (public de 14 à 20 ans) à la lecture et de soutenir la culture littéraire pendant cette période. Nous avons eu de la chance d’avoir pu produire une version audio, diffusée chapitre par chapitre également dans un deuxième temps grâce à l’idée merveilleuse de Zelda Chauvet, productrice et journaliste. Xavier Loira a donc prêté volontiers sa voix aux différents personnages. Une belle aventure fédératrice, où un beau panel de généreux auteurs a répondu par la positive. Je pense notamment à Marie-Christine Horn, Mélanie Chappuis ou encore Juliette Nothomb sans compter les fidèles auteurs okamaïens : Nicolas Feuz et Catherine Rolland. Grâce au soutien de donateurs et à la Fondation Jan Michalski, nous avons pu publier le livre pour ponctuer cette merveilleuse épopée. Étant donné que toute l’équipe avait travaillé gratuitement, nous avons décidé que les bénéfices de l’ouvrage iraient à la Croix-Rouge vaudoise afin de rester dans la lignée du projet et du message qu’il véhiculait. Les anthologies de novellas s’adressent aux adultes (dès vingt ans), même si quelques plus jeunes lecteurs ont lu les novellas les plus accessibles dans les différents ouvrages. Le roman Léa, comme évoqué plus haut, s’adresse à un public young adults (dès quatorze ans).

Un concours organisé par les éditions Okama, invite les jeunes de 16 à 20 ans à participer à l’écriture de la troisième anthologie de novellas. Par quoi cette sollicitation est-elle motivée ?

Nous avions déjà proposé un concours pour Nuits blanches en Oklahoma, concours ouvert aux nouvelles plumes afin de donner l’opportunité d’une vraie publication aux côtés d’auteurs connus et reconnus. La gagnante du concours, Sandra Morier, a écrit une novella au scénario incroyable ! Pour cette anthologie à paraître, qui ouvrira, en parallèle d’autres ouvrages, la nouvelle collection young adults Heyoka, il me tenait à cœur de pouvoir proposer à des graines de plumes de figurer, là aussi, dans une anthologie, cette fois-ci, du genre fantasy. Le but étant de promouvoir l’écriture auprès d’un plus jeune public. La seule condition à respecter est d’être encadré par un professeur ou un coach en écriture. Le délai de remise de textes a été étendu au 15 mars 2022. A vos plumes ou claviers !

Quels sont vos futurs projets ?

Nous avons dû repousser la production 2021, entre autres, à cause de l’impact de la crise sanitaire. Le confinement (fermeture des librairies, divers salons reportés, etc.) pendant un certain temps, a péjoré la promotion du livre, bien que les libraires aient su rebondir en proposant un service de livraison (par exemple : la librairie-galerie Atmosphère, les librairies Basta, Payot, pour ne citer qu’eux). Par ailleurs, une restructuration des éditions a été faite : une nouvelle équipe d’associés et un changement de siège social (les éditions OKAMA deviennent genevoises). En 2022, nous allons donc publier deux ouvrages destinés aux adultes, et en tous cas deux ouvrages dans la collection Heyoka. Pour les futurs ouvrages, je peux vous citer Agrotopia, dystopie écrite par Olivier May, qui avait écrit une novella dans L’étrange Nöel de sir Thomas. Pour le reste, étant donné les retards de publication, je préfère attendre avant d’en parler. Parallèlement aux futurs ouvrages okamaïens, un très beau projet de fiction interactive audiovisuelle Dans la peau de Sir Thomas, basée sur la novella de Nicolas Feuz Dernier Noël à Trapellun est en cours. Une merveilleuse équipe est en train de mettre en place ce projet (les maisons de production Nous production & Maison Wahren) avec Valeria Mazzucchi comme réalisatrice. Je me réjouis de cette nouvelle aventure.

La question que je pose à tous mes invités et invitées : quel est le personnage littéraire auquel vous pourriez vous identifier ?

Le personnage principal de Rien ne s’oppose à la nuit, écrit par Delphine de Vigan. Pour son courage à explorer l’histoire familiale difficile, sa sensibilité et sa force de vie. Cela est plutôt de l’admiration qu’une réelle identification.

Laurence Malè : biographie

Née en 1976, Laurence Malè, libraire de formation, a été directrice de collection et responsable éditoriale aux éditions Infolio, après avoir exercé le métier de représentante commerciale à l’Office du Livre Fribourg et chargée de mission extérieure pour les librairies Payot. Forte de ces expériences, elle a fondé les éditions OKAMA avec une ex-associée. Maison d’édition nouvellement genevoise, créée à Lausanne, spécialisée dans le domaine de la littérature fantastique et fantasy.

L’éditrice Laurence Malè. Crédit photo : Steve Gaillard

Sources :

  • Editions OKAMA
  • RTS
  • Club du Livre

 

 

Éditions Kadaline : la petite maison qui lutte contre la dépression

David Labrava s’exprime en français à Fribourg

David Labrava en couverture du livre Devenir un SON

Pris dans le grand tourbillon mondial qui nous induit un sentiment d’impuissance, nous autres quidams ne pouvons guère lutter contre les crises. En revanche, la lecture peut combattre la dépression. Une bataille contre la morosité, telle est la ligne suivie par les jeunes éditions Kadaline avec des livres parfois plein de romance et de positivité. Mais pas uniquement. Installées à Fribourg, en trois ans et dix-sept publications, elles sont parvenues à faire leur place dans les librairies romandes et françaises ainsi que dans le catalogue de France Loisirs. Elles s’enorgueillissent également d’avoir obtenu les droits pour la traduction en français de la biographie Devenir un SON de David Labrava. Souvenez-vous ! Dans la série américaine à succès Sons of Anarchy, de presque cent épisodes étendus sur sept saisons – la RTS l’avait diffusée dès 2009 – il jouait le rôle de Happy !

Généralistes, les éditions Kadaline ne prétendent pas découvrir le prochain Ramuz ou la prochaine Ella Maillart. En revanche, elles considèrent que chacun doit pouvoir trouver son bonheur dans la lecture. Y compris dans des genres dédaignés par quelques intellectuels comme la fantasy, la romance ou le feel-good. Elles défendent le droit de lire pour se distraire, pour s’échapper d’un monde d’un « sérieux » déprimant. Et que la littérature, tant qu’elle transmet des émotions, reste de la littérature, quel que soit son genre même si, pour d’évidents motifs de marketing, on l’a divisée en catégories afin d’aider les lecteurs à choisir ce qu’ils sont sûrs d’apprécier. Pour Kadaline un succès populaire n’est pas un tabou. Ses objectifs : publier de jolies histoires qui abordent, en toile de fond, des problématiques actuelles. Faire passer aux lecteurs des messages qui peuvent être durs, par des auteurs qui ont des choses à dire, tout en goûtant des moments agréables. Amener à la lecture des personnes dont les livres ne font pas forcément partie du quotidien. Les inciter à lire un classique après l’avoir découvert dans une trame plus actuelle. Dans cet esprit les éditions Kadaline appellent régulièrement à la réécriture d’un classique. C’est ainsi que  sous la plume de Jess Swann, une romancière belge Orgueil et Préjugés, de Jane Austen, est devenu Amour, Orgueil & Préjugés.

Kadaline en trois livres :

David Labrava : l’autobiographie

Devenir un SON, de David Labrava, nous emmène sur une route caillouteuse que l’auteur connaît bien, et dont il a surmonté les obstacles jusqu’à parvenir à la reconnaissance internationale. David Labrava ayant fait partie d’un gang, Devenir un SON est un récit parfois sombre et violent qui s’étend sur plus de quarante ans jusqu’à la rédemption de l’artiste. Ancien membre du club de motards des Hells Angels d’Oakland, David Labrava a obtenu la renommée en incarnant le rôle de Happy dans la série Sons of Anarchy dont il a également été le conseiller technique. Toutefois, en expérimentateur de la vie, il est aussi mécanicien de Harley Davidson certifié, souffleur de verre, tatoueur, producteur, réalisateur et scénariste. Devenu bouddhiste et végane l’ex bad boy, né en 1962, s’est entièrement engagé dans la défense de la cause animale.

Littérature jeunesse

Marie-Christine Horn : une plume acérée pour s’imprégner de l’allemand

Marie-Christine Horn est connue pour ses polars noirs. Après le succès de son roman Le Cri du Lièvre qui traite de la maltraitance faite aux femmes, elle vient de publier Dans l’étang de feu et de soufre, aux éditions BSN press, un brillant polar dont toute la critique salue le suspense et l’originalité. Aux éditions Kadaline, c’est un livre  jeunesse bilingue que l’on trouve d’elle : La malédiction de la chanson à l’envers. Bien que ce soit une lecture totalement adaptée pour les enfants dès 8-9 ans, c’est un récit plein d’émotions rock’n’roll, loin des mièvreries souvent écrites pour les plus jeunes. La traduction en allemand en vis-à-vis permet aux enfants, comme aux adultes, d’apprendre une langue tout en lisant une littérature divertissante et de qualité.

Quatrième de couverture :

Lundi matin, Martin n’est pas venu en classe. Il a disparu ! Le même jour que le célèbre Trash Clash, le batteur du groupe de rock School Underworld… Les amis de Martin soupçonnent un lien entre ces deux disparitions mais aucun adulte ne veut les croire… Alors Ludovic, Nathan, Julien et Line vont devoir mener l’enquête seuls contre les ondes maléfiques de School Underworld.

Romance et feel-good

Amour, bikers et football

Sur la route, de Marilyn Stellini, est une romance feel-good qui se conjugue comme une série semi-feuilletonnante. Pour l’instant deux tranches sont parues : Si je tombe et Mon âme mise à nu. La suite est en cours d’écriture. Marilyn Stellini, qui est une fan de football – pour la même maison d’édition et toujours dans le style feel-good, elle a écrit Talons Aiguilles & Ballon Rond – connaît bien le milieu des bikers où se déroule ses petits livres dans lesquels on entre pour s’évader d’un quotidien triste et morne. Toutefois dans cette série, comme dans ses autres écrits, cette ancienne étudiante en psychologie qui a fini par effectuer des études éditoriales, aime s’adonner à la critique de société. Elle n’hésite pas à aborder des thèmes tels que le burn-out, le stress ou la dépression. Lorsqu’on lui demande pourquoi une femme, avec son niveau d’études, écrit des choses que d’aucuns soupçonnent d’être de la sous-littérature, sa réponse nous éclaire : pour maîtriser ses démons. Pour rétablir un équilibre avec son côté obscur en espérant que cela puisse également servir de catharsis à ses lectrices et lecteurs. Marilyn Stellini est l’auteure de plusieurs romans, historiques ou contemporains, ainsi que de diverses nouvelles parues dans des journaux ou collectifs. Femme engagée, elle est éditrice, fondatrice du Salon du Livre Romand qui se tient à Fribourg – à présent renommé TEXTURES – et présidente du Groupe des Auteurs Helvétiques de Littérature de genre (GAHeLiG).

Quatrièmes de couverture :

Si je tombe…

Emma et Eirik souffrent du même mal. Celui de la société, perfectionniste, axée sur la performance et la réussite… Et tous deux pourraient bien être broyés par le système.

Emma, l’étudiante trop assidue, et Eirik, le DJ-producteur superstar en train de laisser sa peau au capitalisme, prennent tous les deux la route 66, la célèbre route-mère des États-Unis, pour tenter de se retrouver.

Lorsque leurs chemins se croisent, ils prennent conscience que leur salut se trouve dans leur humanité étouffée : leurs failles, leurs faiblesses, leurs peurs et leurs passions. Se faisant le miroir l’un de l’autre, ils se révèlent à eux-mêmes et acceptent de nouveau cette vie qui, parfois douloureuse, peut aussi nous réserver le meilleur.

Mon âme mise à nu

« Elle n’en revint pas. Il avait traversé le désert pour la retrouver.

Elle le toisa, lui, si beau, lui, si arrogant, et eut deux certitudes : elle allait le mener en bateau, et elle allait aimer ça. »

Stéphanie voue une haine féroce aux bikers des Motorcycle Clubs, ces gangs de hors-la-loi en motos qui lui ont pris son frère. Alors, quand l’un deux se met martel en tête de la séduire, elle y voit l’occasion de prendre sa revanche.

Qui sera gagnant, qui sera perdant, dans ce jeu dangereux ?

 

Extraits de Sons of Anarchy avec David Labrava.

 

Editions BSN press : 10 ans de publications indépendantes (1)

BSN press : une Lausannoise née à Bangkok

Si vous êtes passé par Lausanne ce mois-ci, vous avez peut-être remarqué la vitrine que la librairie Payot a consacré à des petits livres qui exhibent deux marges blanches en première de couverture. Cet appel visuel est l’une des signatures de BSN press. L’étrange acronyme de cette maison d’éditions provient d’une entreprise d’informatique que Giuseppe Merrone, son fondateur, avait monté en Asie avec un collègue. Un négoce qui comprenait déjà un volet éditorial : les livres numériques. Signification de BSN: Bangkok Services Network. L’entreprise asiatique a disparu mais Giuseppe Merrone a gardé ce nom qui possédait déjà des connexions. Un réseau dont a pu bénéficier la maison d’édition lausannoise qui fête ses 10 ans cette année.

 

Indépendante et d’une structure minimaliste, elle a réussi en une décennie à s’attirer les meilleurs claviers que compte la Romandie. Dans ses parutions, notamment dans la collection Uppercut dont le fil rouge est le sport, on y lit des écrivaines et écrivains venus de tout l’horizon littéraire de Suisse romande. Par exemple, et de manière non exhaustive : Antonio Albanese, Claire Genoux, Edmond Vullioud, Mélanie Chappuis, Florian Eglin, Lolvé Tillmanns, Laure Mi Hyung Croset, Joseph Incardona, Sabine Dormond, Olivier Chapuis, Marie-Christine Horn, Abigail Seran, Gilles de Montmollin, Florence Grivel, Julien Burri, Pierre Fankhauser, Marie-Josée Imsand, Louise Anne Bouchard, Nicolas Verdan, Jean-Luc Fornelli ou la regrettée Ariane Ferrier. Un joli bouquet de plumes dont peut s’enorgueillir Giuseppe Merrone, qui édite non seulement des romans de littérature blanche ou noire – qui portent toujours à la réflexion -, mais également de la poésie ou de la prose poétique comme celle de Lucas Moreno avec Le Cracheur de crayons, du théâtre, des nouvelles. Dans ses collections l’on trouve aussi des publications universitaires : la revue A Contrario, qui sort deux fois l’an, consacrée aux contributions de chercheuses et chercheurs qui développent une approche interdisciplinaire en sciences sociales, et A Contrario Campus. Entre rigueur scientifique et transgression disciplinaire, cette dernière réserve une place particulière, mais non exclusive, aux travaux éclairant les liens entre sciences sociales et littérature, ainsi qu’aux études sur les sociétés non occidentales. Toutefois Giuseppe Merrone, qui est à la fois le directeur et le seul employé de BSN press, ne manque pas d’idées. En ce moment, il prépare la collection Sapentia qui se destine aux essais littéraires ou scientifiques. Ces ouvrages aborderont les perspectives critiques de l’actualité ou des témoignages exemplaires. Une collection qui privilégiera l’ouverture au plus grand nombre et la sagesse pratique sous toutes ses formes. Les parutions de type universitaire peuvent également être consultées en ligne.

Les livres BSN press sont facilement reconnaissables grâce à leurs marges blanches. Ici Fondre de Marianne Brun, Tiercé dans l’ordre de Louise Anne Bouchard, Le Cri du lièvre de Marie-Christine Horn et Sirius de Pierre Fankhauser.

 

Giuseppe Merrone : la tête et les jambes de BSN press

Giuseppe Merrone ©Charles Moraz

Ancien maître d’enseignement et de recherche à l’UNIL, Giuseppe Merrone est né à Lausanne en 1964 dans une famille d’immigrés italiens. Fils d’un père cordonnier et d’une mère couturière originaires de la région de Campanie, dont Naples est le chef-lieu, il comprend rapidement que le savoir est le meilleur moyen de se défendre. Que l’instruction permet d’imposer le respect et d’éviter d’être maintenu sous le joug de n’importe quel ballot possédant une once d’autorité. Mais son goût pour la lecture lui est donné par une voisine. Plus âgée que le bambin qu’il était alors, elle lui prête le best-seller de la Comtesse de Ségur Les malheurs de Sophie, qu’il lira et relira dans l’espoir de se rapprocher d’elle. Son vœu de proximité ne sera pas exaucé mais son appétence pour la lecture restera en lui. Malgré les difficultés relationnelles qu’il rencontre dans le milieu scolaire en tant que fils d’immigrés, sa facilité pour les mathématiques et sa fascination pour les philosophes l’amènent à faire des études. Après avoir lu Kant, Marx, Schopenhauer, Kierkegaard et d’autres philosophes, il arrive jusqu’à l’Université où il étudie les sciences politiques avant de se lancer dans les mathématiques à l’EPFL. Lecteur averti d’ouvrages scientifiques, philosophiques ou de sciences sociales, de lectures abstraites telles que des essais ou des ouvrages théoriques, c’est par les auteurs asiatiques et par leurs voix singulières qu’il entre pleinement en littérature. Son premier coup de cœur lui est amené, vers 18 ans, par Confessions d’un masque de Yukio Mishima, roman du corps et de l’intériorité. D’autres lectures suivront, l’attirant irrémédiablement vers l’Asie et en particulier au Japon. En 1997, il passe une année à Tokyo où il sera enchanté par la politesse, la qualité du service et le sourire des gens. Cependant, il éprouvera très rapidement une incroyable solitude puisque les liens privilégiés et les affinités affectives sont très difficiles. Le pays du Soleil-Levant est idyllique pour y passer trois semaines de vacances mais pour y rester « il faut un projet » précise-t-il.

 

Giuseppe Merrone : BSN press c’est avant tout une entreprise

Après de nombreux voyages en Asie agrémentés de diverses expériences professionnelles, quelques années plus tard, épris de liberté et d’indépendance, peu enclin à laisser les autres lui dicter ce qu’il doit faire et comment, Giuseppe Merrone décide d’être son propre patron. Or, comme selon lui, un universitaire ne sait rien faire à part lire, il en conclu que l’édition est probablement l’un des seuls domaines qu’il puisse maîtriser. Ce qui ne l’empêche pas de penser en gestionnaire qui doit impérativement gagner sa vie, plutôt qu’en amoureux du livre qui œuvre pour l’amour de l’art. En tant que lecteur Merrone pourrait, durant des heures, parler de sa passion pour certains ouvrages et de ceux et celles qui les ont écrits. En tant qu’éditeur, il préfère conduire son entreprise en stratège. « Pour moi l’édition c’est un travail, je n’ai pas de discours sur l’amour de la littérature à vous offrir. L’édition est une profession et à l’intérieur de cette profession, je choisis mes lignes éditoriales ». Mû par cette logique et par ses connaissances littéraires multiples, Giuseppe Merrone a dirigé son entreprise vers le roman noir de qualité et le sport. Des choix sur lesquels nous reviendrons plus longuement dans la deuxième partie de cet article où l’on découvrira également quelques livres publiés par BSN press ces derniers mois.

(Suite demain matin.)

 

Sources :

  • Entrevue de Giuseppe Merrone par Dunia Miralles
  • Entre nous soit dit  RTS
  • ViceVersa Littérature
  • Editions BSN press

 

Livre collectif : « Tu es la sœur que je choisis » aux Éditions d’en bas

Tu es la sœur que je choisis : féminisme et littérature

Illustration: Albertine

… « Non pas que je sois féministe, bien au contraire, mais je trouvais intéressant d’expliquer un mot auquel on prête tant de versions différentes et contre lequel on a pas mal de préventions, faute peut-être de l’avoir bien compris ». Ces paroles, dites par l’une des femmes parmi les plus libres et libérées du XIXe siècle, l’artiste peintre et poétesse Marguerite Burnat-Provins, commence la préface de Sylviane Dupuis qui introduit le livre collectif Tu es la sœur que je choisis. Paru aux Éditions d’en bas, à l’occasion de la grève des femmes 2019, dont on fêtera le premier anniversaire le 19 de ce mois-ci, et qui faisait suite à la grève de juin de 1991, Tu es la sœur que je choisis rassemble les textes de plus de trente autrices romandes et les dessins de cinq illustratrices.

 

Tu es la sœur que je choisis : littérature et poésie

Cet ouvrage est l’aboutissement d’une initiative du quotidien indépendant Le Courrier. Ce journal genevois avait demandé à des écrivaines un texte littéraire: « Une parole de femme, pas forcément militante (car la littérature ne supporte pas que l’on l’enrégimente) mais portant « sur le sujet des discriminations liées au sexe » ». J’avoue qu’il m’a fallu du temps avant de me décider à ouvrir ce recueil que j’ai avalé d’une traite. Pas pour des questions idéologiques. Plutôt parce que je suis soupçonneuse. Je ne crois pas toujours ce que l’on me dit lorsqu’on tente de me vendre quelque chose. Je craignais d’avoir à lire une sorte d’essai militant, or je ne suis pas toujours d’humeur à lire un essai, encore moins un essai politique. Mais ce livre collectif s’astreint à ce qu’il annonce : des textes d’une grande force littéraire et poétique qui racontent des vies de femme sans tomber dans le militantisme ou l’esprit revanchard. Un livre dont je conseille particulièrement la lecture aux hommes qui souvent, malgré eux, ignorent les problèmes spécifiques que les femmes devons affronter. Quant à moi, comme le rôle que je me suis assigné dans ce blog n’est pas de jouer les critiques littéraires mais de présenter des livres et des auteurs qui me touchent, et que la distanciation commence aussi à me peser, je ne prendrai, en l’occurrence, aucune distance. J’avoue m’être reconnue dans plusieurs textes qui m’ont bouleversée. Yvette Théraulaz m’a même arraché des larmes, m’obligeant à interrompre la lecture que je faisais à voix haute à un proche.

Tu es la sœur que je choisis : ni illuminées ni hystériques

Certaines personnes s’imaginent que les injustices ressenties par les femmes sont l’affaire de deux ou trois illuminées ou de quelques « harpies hystériques » comme disent beaucoup d’hommes croisés sur ma route. En réalité, les injustices faites aux femmes sont très fortement perçues par les fillettes qui ne comprennent pas le pourquoi de ces discriminations et qui se contentent mal « d’un parce que c’est comme ça ». Et ce, depuis toujours. J’ai entendu ma grand-mère dire qu’elle aurait aimé travailler comme un homme plutôt que d’être femme au foyer. Je me souviens de ma mère, me racontant sa contrariété ainsi que l’injustice qu’elle ressentait, lorsqu’elle avait une vingtaine d’années dans le Madrid franquiste de la fin années 1950, pas vraiment un endroit ou fourmillaient les idées féministes, quand ses frères cadets sortaient sans rendre de comptes à quiconque. Par contre, sa sœur et elle, largement ainées, avaient des horaires strictes et devaient fournir la liste des lieux et des personnes fréquentées. Mais à l’usure, elle a fini par plier – oh, de loin pas toujours, heureusement – et je me rappelle de mon incompréhension, quand je la voyais courir tous les midis pour préparer le dîner, après une matinée de travail et avant de repartir à la fabrique, pendant que mon père lisait le journal tranquillement installé dans son fauteuil. Mon sentiment d’injustice. Ma révolte d’être une fille plutôt qu’un garçon. De tous temps, les femmes, et surtout les petites filles que nous avons été, avons eu une conscience aiguë des dizaines d’injustices que l’on nous impose d’un « parce que c’est comme ça, parce que t’es une fille ». Beaucoup d’entre nous finissons par les intégrer. D’autres pas, et ce livre raconte des histoires dans lesquelles chaque femme peut se reconnaître à un moment ou l’autre. J’en conseille la lecture aux hommes pour qu’ils puissent mieux appréhender et comprendre l’univers de leurs mères, sœurs, compagnes ou filles, même si nous sommes toutes différentes et si nos expériences de vie sont diverses. Cependant, parmi ces textes, il y en a probablement un ou deux qui peuvent correspondre au vécu ou aux pensées de l’une de leurs proches.

Tu es la sœur que je choisis: lecture essentielle

Quant aux femmes disons que… le livre porte bien son titre. Chacune – ou presque – pourra se reconnaître dans l’une des histoires évoquées, chacune pourra se sentir la sœur d’une ou de plusieurs autrices.

Pour ma part, j’ai reconnu mes sœurs, dans les interventions d’Yvette Théraulaz, Céline Cerny, Anne Pitteloud, Sylvie Blondel, Odile Cornuz, Amélie Plume et Mary Anna Barbey. J’ai également apprécié une histoire qui ne peut laisser indifférent aucun écrivain ni écrivaine, quel que soit son genre ou ses préférences sexuelles : Bel-Air de Carole Dubuis. Une nouvelle aussi audacieuse que celle de Sabine Dormond qui nous emmène au Vatican faire une demande au Saint-Père.

Mais ce livre, qui navigue entre amour, violence, sexe, tendresse, poésie, révolte, réflexivité et humour, ne se raconte pas. Le raconter le réduirait à “des histoires de bonnes femmes” or, cet ouvrage qui ne s’appesantit guère sur les revendications, est une lecture essentielle. J’insiste: surtout pour les hommes parce que nous les femmes… savons ce que suppose être une femme.

Quant aux 5 illustratrices, dont Fanny Vaucher de qui j’avais déjà parlé en ce lieu ou Albertine, qui vient de recevoir le prestigieux prix HANS CHRISTIAN ANDERSEN 2020 pour l’ensemble de son œuvre, c’est à la fois avec drôlerie et sobriété qu’elles nous font entrer dans la thématique.

Quelques phrases extraites de « Tu es la sœur que je choisis »

« J’ai le droit d’aimer quand il me soulève dans ses bras et que mes pieds ne touchent pas terre ». Marie-Christine Horn

« Il m’a montré que malgré les cases assignées on a, parfois, dans ce qu’on est et dans ce que l’on fait, une part de liberté ». Marie-Claire Gross

« Tu me l’as expliqué, ça ne va pas cette ménopause, ton corps te fait mal et tes fils et ton mari n’y comprennent rien ». Lolvé Tillmanns

« Elle devait changer son bébé, elle ne pouvait pas, elle n’avait plus de mains, elle n’avait que des moignons ». Anne Bottani-Zuber

« Il se penche en enfilant des gants de latex dont le claquement sur ma peau me fait frissonner ». Céline Cerny

« De tout le festival, je n’ai pas su s’il me draguait, tout comme je n’ai pas su non plus si la jeune auteure essayait de me séduire. » Aude Seigne

 

« Elle rejoint son homme autour du plan de travail. » Mélanie Chappuis

« Comme beaucoup de petites filles, je rêve de ma robe blanche. » Rachel Zufferey

Tu es la sœur que je choisis : les illustratrices et autrices

Sources:

  • «Tu es la sœur que je choisis » Éditions d’en bas
  • Photographies : Dunia Miralles. Réalisées à La Chaux-de-Fonds, Neuchâtel et Lausanne.

 

Un livre 5 questions: “Le cri du lièvre” de Marie-Christine Horn

Le cri du lièvre de Marie-Christine Horn: révolte contre la violence domestique

Selon l’Office fédéral de la statistique (OFS), une personne meurt toutes les deux semaines en Suisse, soit 25 personnes par an, des conséquences de la violence domestique. L’an passé, 27 personnes sont décédées en raison de violence domestique, dont 24 femmes. Un peu plus de la moitié (59%) de ces 27 homicides se sont produits entre partenaires. Les 27 homicides ont été commis par 25 personnes prévenues, dont 88% d’hommes.

D’après des informations obtenues par la RTS, on tue davantage de femmes en Suisse qu’en Espagne, qu’en Grèce ou qu’en Italie. On recense en Suisse 0,40 meurtre de femme pour 100’000 femmes, alors que cette proportion est de 0,13 en Grèce, 0,27 en Espagne, 0,31 en Italie et 0,35 au Royaume-Uni. Plus de féminicides sont en revanche enregistrés en France (0,50) et en Allemagne (0,55).

Le cri du lièvre de Marie-Christine Horn: l’histoire

Ces chiffres douloureux sont rébarbatifs à lire. Pour mieux nous les donner à comprendre, pour que l’on puisse exactement entrer dans une réalité dont la souffrance ne se mesure pas en statistiques, Marie-Christine Horn a écrit « Le cri du lièvre » paru chez BSN Press. Pour échapper aux violences de son mari, une femme maltraitée se réfugie à la montagne où elle retrouve des forces. Malgré cette récupération, elle imagine l’hiver lui prendre la vie sans que cela ne l’émeuve. Mais un lièvre pris dans un piège l’a fait changer d’avis et retourner chez elle.

La phrase extraite du livre:

“Je commençais à réaliser que le prince charmant dont mon coeur était tombé amoureux n’avait jamais réellement existé et la sonnerie du réveil me catapultait en enfer au lieu de m’extraire du cauchemar”.

Le cri du lièvre interview de Marie-Christine Horn

Quels motifs vous ont incité à écrire ce livre ?

Le roman noir a pour ambition de traiter une thématique sociale forte liée à son époque ou son pays. Auteure du genre, sensible à la cause féminine et révoltée par le manque de moyens mis en œuvre pour résoudre la problématique des violences domestiques, il me semblait tout à fait naturel d’apporter ma contribution à la cause par le prisme de la création littéraire dans un style qui m’est familier.

Dans votre roman, l’une victime de violences conjugales tue son mari. Est-ce une façon de venger toutes les victimes de violences par compagnon ou ex-compagnon ?

La réponse à la violence ne devrait jamais être la violence, même si parfois ça titille. Cela revient à donner du prétexte, du grain à moudre à la meule avec pour résultat un partage des torts et une atténuation des faits de base qui ont provoqué l’ire. Je crois profondément que le désir de vengeance est surtout nuisible à celui qui le nourrit, et maintient un lien qui gagnerait à être rompu. A contrario, je ne suis pas une fanatique du pardon, car certains actes ou paroles ne méritent ni compassion, ni empathie. C’est un droit, peut-être le dernier, qui appartient à celui qui est sollicité de le concéder ou non, et c’est faux de croire qu’on ne trouve de répit quand l’accordant. Que chacun porte seul le poids du bagage qu’il a paqueté de la même façon. Mais la vengeance, ça, non. C’est une perte de temps et le temps est précieux. De manière générale, on finit toujours par subir les conséquences de ses actes, parce qu’à la fin du bail, il nous revient à tous de payer ce qu’on a cassé. Cette certitude m’a toujours suffi à refermer la porte derrière moi sans la claquer. Dans Le Cri du lièvre, le mari n’est pas tué par sa femme, c’est sa propre violence qui se retourne contre lui. Elle se contente de laisser faire sans intervenir, comme ce fut le cas lorsque sa propre vie était mise en péril dans l’indifférence générale.

Dans le Cri du lièvre, l’une des victimes de violences conjugales finit par ne plus supporter une autre victime qu’elle accueille pourtant chez elle. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi avez-vous mis en scène cette irritation ?

Cette irritation est également la conséquence d’un tout. Il est nécessaire au préalable de se pencher sur la personnalité de la narratrice, son état d’esprit au moment où elle décide de refuser la société et ses contraintes, dont son mari, ses parents et l’ensemble des autres êtres humains font partie intégrante. Elle n’accueille pas chez elle des victimes, mais opte encore une fois pour la fuite quand il s’agit de soustraire des chairs aux sévices, sans anticiper les enchaînements qui vont suivre. Manu vit l’instant présent depuis le jour où elle a choisi la montagne. Elle n’anticipe rien, accepte la faim, le froid, la douleur, la crasse, l’inconfort matériel et physique du moment où elle n’est plus obligée. Ce ne sont pas ses compagnes d’infortune qu’elle ne supporte plus, mais bien le bruit, les concessions et l’horreur de la violence ordinaire dont elle-même a su s’affranchir et qu’elle n’entend pas revivre.

Auriez-vous des propositions à faire pour que cessent les violences conjugales et les féminicides?

J’aimerais croire qu’on arrivera un jour à faire cesser les féminicides, mais cela me semble toutefois utopique et impossible sans un changement radical du mode de fonctionnement humain et social. Cependant je reste intimement convaincue qu’un durcissement drastique des lois et des peines, qu’elles soient réellement dissuasives, permettrait de réduire le nombre de victimes. Si on est capable de le faire aujourd’hui pour les récidivistes de la route, par exemple, on devrait être apte à adopter la tolérance zéro en matière de violences domestiques également. Aujourd’hui, on empêche plus facilement un homme de conduire après s’être fait arrêté en état d’ébriété que de pénétrer au domicile de la femme qu’il a battue au sang.

La question que je pose à chaque auteur-e: à quel personnage littéraire vous identifiez-vous ?

J’adorerais être Elizabeth Bennet dans Orgueil et préjugés, mais je me sens souvent plus proche d’une Fantine, en vérité.

Interview réalisée par Dunia Miralles

Dédicaces de Marie-Christine Horn

Le 17 octobre : bibliothèque de Riddes
Le 14 décembre : Payot Yverdon

Biographie de Marie-Christine Horn

Auteure, chroniqueuse et scénariste née à Fribourg, Marie-Christine Horn a signé son premier roman en 2006, un policier intitulé La Piqûre. Son deuxième ouvrage, La malédiction de la chanson à l’envers, une fiction jeunesse parue en 2008, obtient le prix des Jeunes Lecteurs de Nanterre 2009.

Elle est aussi l’auteure de La Toupie : vivre avec un enfant hyperactif (Xenia, 2011), Le Nombre de fois où je suis morte (Xenia, 2012), Tout ce qui est rouge (L’Âge d’homme, 2015) et 24 Heures (BSN Press, 2018), un roman noir sur fond de course automobile.