Libraires, éditeurs et auteurs romands : les sacrifiés du confinement littéraire (1)

La sinistrose du milieu littéraire

Depuis début 2020 et mars 2021, considérées comme non-essentielles, les librairies suisses ont été fermées par deux fois. Toutes ont subi d’énormes pertes. Si cela s’est avéré difficile pour les libraires cela s’est révélé encore plus cruel pour les éditeurs. Actuellement, les librairies commencent à se « refaire » grâce à leur rayon « développement personnel » -pour celles qui vendent ces publications. Ces ouvrages, déjà fort prisés avant la pandémie, ont encore gagné en lecteurs grâce à elle. Ce n’est pas le cas des éditeurs romands. Beaucoup sont sur le point de glisser leur clé sous le paillasson. Financièrement, les auteurs avons peu perdu.  Pourquoi ? Parce qu’un bassin aussi réduit que la Suisse romande ne permet pas de vivre de l’écriture. Covid ou pas, la plupart d’entre nous n’entrons, ni n’entrerons jamais dans nos frais. Notre récompense est constituée du plaisir des lecteurs à se plonger dans nos livres, de nos rencontres avec eux et avec nos camarades de la littérature. L’écriture se nourrit de lectures, de prises de notes, de rencontres et de recherches diverses qui souvent demandent un investissement financier. Écrire un livre suppose des mois de travail, de longues heures de solitude devant une feuille de papier ou un ordinateur et souvent des frais que le quidam ne peut pas imaginer –repérages, déplacements, acquisition de livres, de matériel informatique, etc. D’où la sinistrose, voire la dépression, que les auteurs et autrices romands ayant sorti un livre durant 2020 et début 2021 se coltinent en ce moment. Ils se sentent frappés d’une double peine : au long travail jamais rémunéré à sa juste valeur, s’ajoute la détresse d’avoir passé des mois à écrire pour alimenter le pilon.

 

Lire local : soutenir les éditeurs et auteurs romands

Avec la fermeture des librairies, les annulations des salons et autres manifestations littéraires, les auteurs romands ayant sorti un livre durant ces confinements ont perdu des mois de travail. Personne n’était au rendez-vous : ni les librairies – qui ont fait au mieux de ce qu’elles pouvaient malgré les contraintes -, ni les salons littéraires, ni les lecteurs puisque les médias ne s’intéressent, souvent, qu’aux auteurs déjà plus que reconnus par le grand public. Certes, la commande de livres par Internet a bien fonctionné. Les libraires ont souvent pris des commandes par e-mail ou par téléphone et fait des envois postaux. Certains ont même livré à domicile. Hélas, ce mode de vente favorise surtout les GAFAM et une certaine littérature commerciale, généralement hexagonale ou nord-américaine. Les livres des auteurs suisses, publiés par des éditeurs romands, ne se vendent généralement qu’en librairie, conseillés par le ou la libraire. Si les points de vente de nos livres sont fermés, nos lecteurs ignorent leur existence. Mais il est encore temps pour lire local. C’est pourquoi je publie, ci-dessous, la liste des livres romands que j’ai présenté en 2020. En cliquant sur la référence, vous aurez directement accès à l’article complet.

Littérature romande : des lectures pour tous les goûts

Fondre, Marianne Brun, roman biographique, éd. BSN press : ce récit retrace la vie de l’athlète Samia Yusuf Omar qui avait représenté la Somalie aux JO de Pékin en 2008. Quatre en plus tard, elle disparaissait en Méditerranée en essayant de joindre l’Italie afin de poursuivre son rêve de médaille tout en échappant à un pays en guerre.

Mémoire des cellules, Marc Agron, roman, éd. L’Âge d’Homme : ce thriller psychologique, écrit avec une très belle plume, nous plonge dans le milieu de l’art contemporain tout en nous contant des histoires très humaines. Tellement humaines que l’auteur n’a pas hésité à transformer l’artiste uranaise Pamela Rosenkranz en personnage de fiction.

Touché par l’amour, tout Homme devient poète, collectif, poésies courtes, éd. Kadaline : livre poétique accessible à tous. L’ouvrage, pas plus grand qu’une main, contient des courts textes célébrant l’amour, écrits par trente-deux acteurs et actrices des lettres romandes, notamment Marc Voltenauer, Mélanie Chappuis, Nicolas Feuz, Abigail Seran ou Gilles de Montmollin. Il peut aisément aider à déclarer votre flamme à une personne aimée. Contrairement à ce que le titre peut laisser croire, beaucoup de textes ne sont pas genrés. Cela permet d’offrir ou de recevoir ce livre quelles que soient nos préférences amoureuses.

Le monde est ma ruelle, d’Olivier Sillig, courts textes de voyages, éd. de L’Aire : cet ouvrage nous emmène de Lausanne au Mexique en passant par l’Allemagne, l’Afrique ou l’Amérique du Sud. Derrière son allure tranquille, ce romancier aux multiples casquettes passe sa vie à globe-trotter. Parcourir les rues et les places, regarder vivre les gens, photographier, s’imprégner des ambiances, prendre des notes, occupe une partie de son existence. Rédigées dans un style concis, presque lapidaire, il nous livre ces déambulations par flashs.

Les Aigrettes, Jean-Luc Fornelli, haïkus humoristiques, éd. du Roc : si le nom de ce trouvère ne vous semble pas familier, peut-être que Gossip, qui participait à l’émission La Soupe est Pleine de la RTS La 1ère, éveillera vos souvenirs. Il s’agit du même artiste,  « un poète givré même l’été » ainsi que l’annonce son ouvrage d’épigrammes et autres haïku(ku) suisses – tels qu’il les a baptisés. Fornelli nous propose de chopiner en sa compagnie avec une poésie tendre, comique, parfois ironique ou un tantinet grivoise.

Tu es la sœur que je choisis, collectif, nouvelles, éd. d’en Bas : cet ouvrage est l’aboutissement d’une initiative du quotidien indépendant Le Courrier. Le journal genevois a demandé à des écrivaines romandes un texte littéraire : une parole de femme, pas forcément militante sur le sujet des discriminations liées au sexe. Ces textes, d’une grande force littéraire et poétique, racontent des vies de femme sans tomber dans le militantisme. Un livre dont je conseille particulièrement la lecture aux hommes qui souvent, malgré eux, ignorent les problèmes spécifiques que les femmes doivent affronter.

L’Horizon et après, Bernadette Richard, illustrations de Catherine Aeschlimann, éd. Torticolis et Frères : cet ouvrage réunit des nouvelles inédites et des récits publiés dans divers livres collectifs, journaux et magazines : le journal Longines, Montres Passion, Hull et Erti Editeur à Paris, le site des Éditions Cousu Mouche… Des textes acides, visionnaires, glauques ou même érotiques. Un dessin de Catherine Aeschlimann illustre chaque nouvelle. Cela donne un côté précieux à ce livre accessible à toutes les bourses.

Je publierai la suite de cette liste la semaine prochaine. DM

Matsuo Bashô: harmonie, sobriété et zenitude

Matsuo Bashô: haïkus pour aimer l’automne et la pluie

En cet automne aussi peu riant que le dernier printemps, j’ai pensé à celles et ceux que cette saison plonge dans le spleen, d’autant qu’aucune bonne nouvelle n’égaye nos médias. Pour entrer en résonance avec la pénombre de l’automne et le chant de la pluie, j’ai choisi dix poèmes de Matsuo Bashô. Auteur d’environ 2 000 haïkus, il est considéré comme l’un des quatre maîtres classiques de cet art japonais : Bashō, Buson, Issa, Shiki.

 

Matsuo Bashô: les lettres plutôt que la guerre

Matsuo Munefusa, connu sous le pseudonyme de Bashô, est né en 1644 à Iga-Ueno, au Japon, dans une famille de paysans samouraïs issue de la classe guerrière. Il se lie d’une profonde amitié avec Yoshinaka, le fils de son seigneur. La mort prématurée de son ami le conduit à renoncer à la carrière de guerrier à laquelle il était prédestiné. Matsuo quitte la campagne pour se consacrer à la littérature. Il devient l’élève de Kitamura Kigin, qui a déjà commencé la transformation de l’art du haïku dont Bashô allait devenir le plus grand maître. Avec Zengin, un autre enseignant, Bashô s’initie à la sérénité du zen et crée sa propre philosophie. À la mort de Zengin, en 1667, il se rend à Kyoto et, en 1672, à Yedo, aujourd’hui Tokyo. A Yedo, il améliore sa connaissance des règles poétiques puis il crée sa propre école, appelée Shōfū. Peu à peu, des jeunes poètes qui admirent sa poésie et sa vie contemplative se réunissent autour de lui.

Bashô n’a pas de domicile fixe, il va de ville en ville, récitant ses poèmes à qui veut les entendre. Il s’installe finalement dans une hutte à Fukagawa, près de Yedo. Durant sa retraite, il perfectionne sa connaissance et sa pratique du bouddhisme zen. En 1684, il redevient pèlerin.

Avec harmonie et sobriété, Bashô consigne chacun de ses voyages dans un journal intime ou dans des poèmes qui représentent sa vie. Ses écrits sont consacrés à l’extase poétique et à la contemplation de la nature et des gens simples. En 1689, il abandonne sa cabane et part pour le nord du Japon. Il poursuit sa vie d’errance jusqu’en 1694, dans une amélioration spirituelle permanente, tandis que son style gagne en force d’évocation, en concision et en simplicité. Cette année-là, malade, il s’installe à Osaka où il meurt le 28 novembre. Conformément à ses vœux, il est enterré à Ōtsu auprès du samouraï Minamoto no Yoshinaka, son ami de jeunesse.

Bashô occupe une place importante dans la littérature japonaise, non seulement en raison de son œuvre, mais aussi grâce à sa personnalité exemplaire. Il a servi de modèle à des générations entières de personnes de lettres. Actuellement, de nombreux auteurs et poètes japonais continuent d’être inspirés par sa prose et sa poésie.

 

Sources:

  • Haikunet
  • Aimer la pluie aimer la vie, Dominique Loreau, éd. J’ai Lu
  • Encyclopédie Universalis
  • Haiku, Bashô & Disciples, éd. Culture Commune
  • Wikipedia
  • UOL-Educação
  • kapitalis.com

Un livre 5 questions : « Les Aigrettes » journal d’un poète givré même l’été de Jean-Luc Fornelli

Les Aigrettes: de la poésie pour souffler à l’heure de l’apéro

Certains livres désaltèrent tels une menthe à l’eau, une bière blonde ou un Aperol Spritz – au choix, mais vous pouvez également imaginer vous-même votre boisson rafraîchissante préférée. Sur la lancée “c’est bientôt l’été, j’ai envie de lire en terrasse, pour me remettre d’un printemps trop confiné, quelque chose qui me permette de lever les yeux pour saluer les amis qui traversent la zone piétonne”, je conseille Les Aigrettes, de Jean-Luc Fornelli, publié par les Éditions du Roc. Si le nom de ce trouvère ne vous semble pas familier, peut-être que Gossip, qui participait à l’émission La Soupe est Pleine de la RTS La 1ère, éveillera vos souvenirs. Il s’agit du même artiste, « un poète givré même l’été » ainsi que l’annonce son ouvrage d’épigrammes et autres haïku(ku) suisses – tels qu’il les a baptisés. Fornelli nous propose de chopiner en sa compagnie avec une poésie tendre, comique, parfois ironique ou un tantinet grivoise. Si son ouvrage s’intitule Les Aigrettes (têtes de pissenlit ébouriffées après floraison) c’est parce que son auteur aime à penser qu’il sème le parfum de la concorde par le rire, partout où il passe. Qu’ainsi l’univers s’en portera mieux. Ci-dessous une page de sa dernière parution :

 

 

Les Aigrettes: interview de Jean-Luc Fornelli

Depuis quand écrivez-vous de la poésie, des haïkukus suisses – comme vous les appelez – ou de courtes phrases littéraires ?

Depuis 2004 ! J’ai découvert les épigrammes en Italie lors de vacances en Sardaigne ; certains m’ont fait éclater de rire. Ce fut une révélation ! Une épiphanie. J’ai éprouvé un plaisir infini à lire ces poèmes humoristiques, qui existent depuis la nuit des temps. Et je me suis dit : ça, c’est mon truc ! Je pourrais essayer d’en composer aussi, mais à ma sauce. Je voulais « innover », mettre ma patte, ma touche, ma griffe, j’ai pensé que je pourrais en écrire de très courts (comme le poète italien Ungaretti) à la manière des haïkus, que j’ai dû découvrir à la même époque. Des haïkus avec lesquels j’ai pris quelques libertés : les haïkukus suisses, que j’appelle également poésies bonsaï, sont nés comme ça. J’écris de la poésie depuis mes 20 ans, je n’ai pas de maître à penser, même si j’aime beaucoup Pierre Desproges et Stefano Benni, deux écrivains qui utilisent à fond l’humour pour parler de notre monde. Je m’inspire un peu de leurs œuvres fourmillantes pour façonner les miennes. Mais mon bonheur, c’est d’expérimenter, « inventer ». J’ai « inventé» dernièrement le haïku inintéressant par exemple, le haïku sonore aussi, comme le haïku insonorisé ou le haïku géant (soit une micromicro nouvelle)… J’ai aussi inventé le haïku d’épouvante.

Attention

Haïku d’épouvante

Bouh !

J’aime bien me moquer de l’art contemporain (qui devient parfois l’art con temporaire) même si je l’adore par certains aspects. Mais je m’égare, Cornavin !

Votre poésie recèle beaucoup de tendresse que vous exprimez quasiment toujours sous une forme comique. Pourquoi ce choix de la légèreté, souvent méprisé, alors que l’on respecte davantage les auteur-e-s qui écrivent d’une manière tourmentée ?

C’est oublier le fait que le comique naît presque toujours du tragique… D’ailleurs dans « aigrette », un mot à connotation plutôt joyeuse et sympathique, il y a quand même « aigre »… Si j’avais fait une étude de marché, j’aurais peut-être davantage calibré, ciblé, été plus calculateur… Mais je suis primesautier. Ce n’est pas un choix ! C’est tout simplement ma manière d’écrire. Pour moi le rire est une forme d’orgasme, ou pour prendre un mot que je préfère : une forme de jouissance. Je n’aurais jamais pensé qu’il y avait de tels préjugés dans le monde littéraire francophone. Du genre : le roman c’est le Graal, la nouvelle le parent pauvre (heureusement il semblerait qu’elle soit en train de prendre enfin du galon !). Le rire est méprisé par une grande partie du Landerneau littéraire romand et une frange peu curieuse du public : tant pis pour eux s’ils sont assez snobs, pour ne pas dire pisse-vinaigres, pour se borner à des considérations aussi binaires. Sans compter qu’ils s’arrêtent aussi au look de l’écrivain qui doit être bien coiffé, jeune et joli, porter un blouson en cuir rutilant… Pas très audacieux tout ça… J’aurais espéré le monde des lettres au-dessus de ces basses considérations. Mais tant pis. Les écrivains que j’aime sont jeunes, vieux, vivants, morts, bien coiffés, hirsutes, beaux, laids, scandaleux, tendres, drôles, tristes : en un mot, variés ! Il en va de même pour les poétesses et autres romancières bien évidemment.

Vous dîtes que la poésie ce n’est pas seulement Verlaine, Hugo ou Rimbaud mais que c’est l’art de susciter les émotions qui sont en chacun d’entre nous. Pouvez-vous approfondir votre pensée ?

Ce que j’ai voulu dire c’est que de poésie il y en a mille et une formes. J’ai rencontré une poétesse américaine, pour laquelle TOUT était poésie. Le soulier, aussi bien que le gravillon dans ou sous le soulier : elle m’a convaincu ! Comme l’humour a sa version noire, la poésie aussi. Les émotions qu’elle suscite peuvent donc s’avérer aussi pures que monstrueuses… Dans la mesure où je suis plutôt empathique et animiste, je vois de la poésie en tout et comme l’a si bien dit le poète, je touche à tout parce que tout me touche.

Vous photographiez aussi le dessous des fleurs, à savoir leur réceptacle floral. Est-ce une action poétique ou une ironie pornographique ?

Les deux et bien plus ! C’est une manière de montrer que ce qui est caché, ce qui n’est pas en lumière, le dessous des choses peut être très beau, très attrayant, passionnant et très sensuel aussi. Il suffit d’adopter un autre angle de vue pour révéler de nouvelles formes de beauté. S’il y a un parallèle à faire avec la littérature, c’est que les livres les plus beaux ne sont pas toujours les plus connus… Il en va de même pour l’être humain.

La question que je pose à chaque auteur-e : à quel personnage littéraire vous identifiez-vous ?

Beuh.

Je sens que ma réponse est frustrante, alors je dirais à tout hasard l’aventurier vénitien Giacomo Casanova…

Interview réalisée par Dunia Miralles

 Les Aigrettes de J.-L Fornelli

 

Brève biographie de Jean-Luc Fornelli

Né en 1964, Jean-Luc Fornelli est un journaliste, humoriste, poète, auteur de chansons, comédien et écrivain genevois.

Lauréat du Concours Nouvelles Scènes en 1998, Jean-Luc Fornelli signe la musique du générique de l’émission de Bernard Pichon « Salut les p’tits loups » de la Radio suisse romande. Sous le pseudonyme de « Gossip », il participe également à « La soupe est pleine ».

Jean-Luc Fornelli publie en 2005 « Poésies Bonsaï », recueil de haïkus ou de « haïkukus suisses » selon l’auteur. S’ensuivront « Voluptés à la mante » (poésie éroticomique), « Le dictionnaire horizontal » (à la délicate attention des blasés de la chose), « Les feuilles du mal » (recueil de nouvelles), « Poésies de gare ». « Les Aigrettes » (Journal d’un poète givré même l’été) sont publiées en juin 2020 aux éditions du Roc. Il se produit sur scène depuis 2017 avec sa troupe Poesia Comica.

Actualité

Présentation des Aigrettes – conférence de presse (ouverte au public) à la Maison du dessin de presse à Morges : ce jeudi 4 juin (aujourd’hui) dès 11 heures.

Vernissage des Aigrettes : librairie Le Rameau d’or à Genève, jeudi 11 juin dès 17 heures.

 

Les Éditions du Roc

Les éditions du Roc aiment les rencontres et les coups de cœur.

« Ce que l’on pense, on le devient. Ce que l’on ressent, on l’atteint. Ce que l’on imagine, on le crée » lit-on dans leur service de presse.

Nées en 2004, elles publient – entre autres- des polars, des romans, des spicilèges et des bandes dessinées. Leur première publication signée Sarah Marquis, raconte les 14’000km à pied à travers les déserts australiens qu’elle a effectué. L’ouvrage devient immédiatement un succès. Gilbert Facchinetti, l’ancien président du Neuchâtel-Xamax ou François Vorpe qui emmène ses lecteurs dans sa vie de croque-mort ont également été publiés par les Éditions du Roc. L’an passé, François Vorpe signait également « La vie en Roux » entrainant une fois de plus les Éditions du Roc dans un prenant récit de vie. Avec la collection Épigrammes, ces éditions font également la part belle aux dessins de presse. Dans d’autres registres, elle viennent également de publier La Salamandre Noire, un thriller de Simon Vermot et Un poil de trop, un roman d’Yvan Sjöstedt ou l’auteur se lâche un tantinet afin de nous imprimer un sourire.

Les éditions du Roc sont également présentes au Festival International de la Bande dessinée d’Angoulème (FIBD) et collaborent avec l’École supérieure de bande dessinée et d’illustration de Genève (ESBD) et avec l’École Professionnelle des Arts Contemporains (EPAC) à Saxon. Par ailleurs, elles se sont donné pour mission de découvrir les nouveaux talents de la BD et souhaitent leur donner la possibilité d’une première publication.

 

Kenshin Sumitaku : moine et poète de l’âme

Le haïku de l’Ascension

Moine bouddhiste et poète, Kenshin Sumitaku a passé de longues périodes hospitalisé. Avant de prendre le monastique nom de Kenshin, il s’appelait Harumi. Bien que le prénom Harumi, « Beauté de Printemps », soit habituellement donné aux filles, il vient probablement du fait qu’il est né à l’équinoxe de printemps. Premier enfant du couple Sumitaku, sa sœur naît l’année suivante. A quatre, ils forment une famille unie qui le soutiendra à chaque tournant de sa vie. En cette période d’Ascension, j’ai choisi un haïku qui me semble correspondre au dépouillement avec lequel nous quittons la vie terrestre.

Kenshin Sumitaku : de la cuisine à la prêtrise

Né le 21 mars 1961 à Okayama au Japon, enfant, Kenshin, qui à l’époque s’appelle encore Harumi, est un grand lecteur de mangas. Il souhaite devenir dessinateur. Finalement, il prend une autre voie et, en 1978, obtient un diplôme de cuisinier. En 1980, il se dirige vers l’entretien de véhicules tout en se passionnant pour le bouddhisme.

En 1983, il est ordonné prêtre après avoir suivi des cours de bouddhisme par correspondance. Lors d’une cérémonie tenue au temple Nishi-Honganji de Kyoto, il reçoit le prénom Kenshin qui signifie Dévotion. Avec de l’argent que ses parents lui prêtent, il monte un ermitage et en octobre il se marie. Son épouse est enceinte d’un mois.

Kenshin Sumitaku : de la maladie à la poésie

En février 1984, à la veille de ses 23 ans, on lui diagnostique une leucémie aiguë. On l’hospitalise dans sa ville. Sa sœur, qui est infirmière, veille sur lui. Bien que sa femme soit enceinte, ses beaux-parents exigent et obtiennent un divorce. En juin, son ex-épouse accouche d’un garçon. L’enfant est pris en charge par les parents de Kenshin, mais il passe la plupart de son temps dans la chambre d’hôpital de son père.

Immobilisé par la maladie, Kenshin commence à écrire des haïkus. A la forme traditionnelle, dont les codes impliquent un long apprentissage, il préfère la forme libre. Il étudie plusieurs représentants émérites de ce courant et devient membre de la revue Sōun, alors la seule à accueillir le haïku libre. A l’époque, au Japon, les poètes qui écrivent de cette manière sont rares et peu considérés. Mais Keishin est dans l’urgence et n’a pas le temps d’apprendre les codes complexes des haïkus traditionnels.

Début 1985, son état s’améliore suffisamment pour qu’il puisse sortir de l’hôpital. Pendant quelques mois, Kenshin se consacre à la promotion du haïku libre. La revue Sōun n’a accepté que deux de ses poèmes. Ils paraissent en février. Au mois d’août, il participe à l’élaboration de Kaishi, une nouvelle revue de haïku libre fondée par l’ancien rédacteur de Sōun. Ils deviennent amis. À la fin de l’été, Kenshin doit définitivement retourner à l’hôpital. En décembre, il publie à compte d’auteur un recueil de ses poèmes.

Début 1987, la chimiothérapie cesse d’agir. Kenshin entre en phase terminale. Il souffre de douleurs extrêmes et constantes, de vertiges, de nausées et il vomit du sang. Près de lui : son manuscrit. Le 7 février 1987, à l’hôpital d’Okayama, Kenshin meurt de leucémie aiguë myéloïde, veillé par sa sœur. Il avait 25 ans et dix mois et laisse 281 haïkus.

Kenshin Sumitaku : publication

En mai 1987, son ami Ikehata contacte les éditions Yayoi Shobō qui publient déjà les Œuvres complètes de Hōsai dont Kenshin se sentait très proche. En juillet, ils acceptent le projet de publier un recueil posthume avec tous les haïkus de Kenshin. Il est intitulé Mikansei ce qui signifie Inachevé. Beaucoup de ses compositions font référence au temps passé entre deux hôpitaux et à son expérience de la maladie et de la souffrance. Grâce à ses amis, sa réputation va grandir lentement mais sûrement et Harumi Sumitaku, devenu Kenshin Sumitaku, deviendra simplement Kenshin, les Japonais désignant traditionnellement par leur seul prénom leurs poètes préférés.

Les deux dernières années de sa vie, conscient de sa fin proche, il les aura consacrées à écrire des haïkus. Au Japon, il est connu comme le poète de l’âme.

Sources:

Mitsuhashi Takajo: l’une des créatrices du haïku expérimental

Mitsuhashi Takajo: pilier de la poésie moderne japonaise

Le 24 janvier 1899, naissait dans le village de Tabachi, près de Narita, l’une des plus grandes poétesses japonaises du haïku de la période Shōwa : Mitsuhashi Takajo.

 

 

 

Mitsuhashi Takajo, admiratrice et disciple de l’essayiste et poétesse Akiko Yosano, se marie, en 1922, à un dentiste qui s’adonne à la poésie. Sous l’influence de son mari, elle commence à écrire du haïku. Cependant, très vite elle se tourne, avec d’autres femmes poètes, vers le haïku expérimental. En 1936, elle devient membre du groupe qui fonde la publication éphémère de Kon (bleu foncé). En 1940, elle fait publier la collection Himawari ou Tournesols.

En 1953, elle s’engage dans Bara, un magazine composé de poètes d’avant-garde qui autorise le haïku expérimental.

Bien que ses haïku débordent d’imagination et de vitalité,  l’on considère Mitsuhashi Takajo comme une personne ascétique totalement concentrée sur la spiritualité. Dans ses œuvres l’ego disparaît dans le vide. Selon Kenneth Rexroth, la  spiritualité qui émane des poèmes de Takajo “ressemble à celle de Kierkegaard plutôt qu’au concept bouddhiste “. Seule et malade durant de longues années, ses dernières parutions, en 1970, se penchent sur la mort.

Elle est décédée le 7 avril 1972.

Takajo Mitsuhashi est, avec Tatsuko Hoshino, Teijo Nakamura et Takako Hashimoto, désignée comme l’une des « Quatre T » de la poésie féminine haïku moderne qu’elles ont créée ensemble.

Une statue d’elle a été placée au temple Shinshoji. Littéralement, son nom signifie femme faucon.

Sources:

-Introducing Haiku poets

-The living haïku anthology

-Wikipédia