La Plage des Six Pompes (2) : estampillée label de qualité hors de nos frontières

Manu Moser ou le don d’ubiquité

Si quelqu’un a trouvé le secret de l’ubiquité ce doit être Emmanuel Moser. Directeur artistique de La Plage des Six Pompesvoir article d’hier – et du Centre de Compétences et de Création Helvétique des Arts de la Rue – CCHAR -, sa base se trouve à La Chaux-de-Fonds. Toutefois, ses multiples obligations l’obligent à parcourir l’Europe et d’autres parties du monde. Bien qu’il soit dans une période particulièrement intense, j’arrive quand même à le rencontrer à une terrasse du centre-ville, à l’heure du déjeuner, ou du petit-déjeuner comme disent nos amis français. Cela me confirme son talent pour le dédoublement. Metteur en scène et comédien, Emmanuel Moser – dit Manu – est une figure majeure des arts de la rue en Suisse, mais également en France et dans les nombreux pays francophones qu’il sillonne depuis 20 ans avec la compagnie Les Batteurs de Pavés qui adapte pour la rue de grands textes classiques : Hamlet, Macadam Cyrano, Les Trois Mousquetaires, Germinal, Richard III… Il est aussi co-fondateur de la FARS, initiateur du label Swiss Mad, de la bourse d’écriture pour les arts de la rue à la SSA, formateur AFDAS en France … J’arrêterai là cette énumération pour ne pas transformer cette page en l’armoire de rangement de ses nombreuses casquettes.

Dans la belle quarantaine, et avec ses compétences, Manu Moser pourrait être directeur de théâtre dans une ville plus smart que La Tchaux, mais il préfère l’air frais de la montagne à l’odeur des planches depuis trop longtemps séparées de leur arbre.

Le Théâtre Frenesí fusionne la commedia dell’arte, le spectacle de rue, l’acrobatie, le clown, l’art lyrique, la musique classique ou ethnique.

Emmanuel Moser : l’interview

Pourquoi es-tu resté à La Chaux-de-Fonds après ton passage par le Conservatoire de Lausanne, plutôt que de tenter Genève ou Paris comme la plupart des personnes qui, dans les années 1990, souhaitaient s’adonner au théâtre ?

Il me semblait que c’était plus simple de faire les choses ici, plutôt qu’à Lausanne. Il y avait moins besoin de lutter. Je suis né ici, j’avais déjà un réseau. Je n’avais pas besoin de faire semblant d’être copain avec des directeurs de théâtre pour réussir à La Tchaux. Ici, soit tu fais un bon projet et tu es aidé, soit ton projet n’est pas bon et on te le dit. Tu n’es pas obligé de serrer des pinces, de traîner dans des théâtres tous les soirs… Il n’y a pas le jeu de m’as-tu vu qui se pratique ailleurs, d’autant que La Chaux-de-Fonds est très ouverte. Dans les années 90, dans les villes suisses, ils ne voulaient rien savoir du théâtre de rue, et à Genève c’était compliqué parce qu’on n’existait pas. Tout le monde s’en foutait du théâtre de rue puisqu’ils avaient déjà de très grosses structures. A La Tchaux, il y a une ouverture d’esprit que l’on ne rencontre pas ailleurs tout en étant des teigneux ! Des râleurs ! Or, j’ai toujours aimé ce paradoxe.

Il y a une quinzaine d’années un pote m’a dit : « Si toute l’énergie investie à La Chaux-de-Fonds tu l’avais mise à Lausanne, tu serais déjà directeur de théâtre ». J’ai répondu : « Mais j’ai plus qu’un théâtre, j’ai toute une ville ! » Il y a toujours ce truc où tu DOIS grimper les échelons parce que tu as « forcément » envie de devenir directeur. Or, cela ne m’intéressait pas. Moi, j’avais envie de mener un projet qui est la Plage de Six Pompes, ce festival que j’ai vu naître, qui m’a toujours touché, et dont j’ai pris la direction et la coordination dès sa 6ème édition en 2000. Cet évènement m’attirait parce qu’il y avait un vrai boulot à faire. Être directeur de théâtre n’a jamais été une priorité.

– A présent, l’opinion générale sur le fait de tenter une carrière théâtrale à La Chaux-de-Fonds a-t-elle changé ?

Oh oui ! Et c’est très drôle. En ce moment beaucoup de compagnies de théâtre de rue s’installent ici. De plus en plus de gens viennent pour se rapprocher de la création du CCHAR, qui a fait son ouverture officielle le 8 juin, et qui est un projet d’envergure nationale. De surcroît, avec La Plage des Six Pompes, qui a une stature internationale, il y a une vraie reconnaissance culturelle de La Chaux-de-Fonds, surtout en ce qui concerne les arts de la rue. Tout le monde se fout de savoir si la ville est grande ou petite. Les vraies questions sont : Est-ce que le public est là ? Est-ce que les programmateurs vont venir ? Est-ce qu’il y a des bonnes compagnies qui sont venues ? Or c’est le cas à La Plage. Depuis quelques temps les compagnies se battent pour venir jouer chez nous sans autre gain que celui du chapeau. J’en suis le premier étonné. J’en viens à me faire engueuler au téléphone parce que je suis obligé de refuser des spectacles.

– Est-ce important, pour une compagnie de théâtre de rue, de pouvoir inscrire dans son Curriculum “La Plage des Six Pompes” ?

Oui, en effet. A présent, si l’on s’adonne aux arts de la rue, c’est important d’être programmé à La Plage. Nous sommes sollicités par des compagnies de partout : africaines, asiatiques, des États-Unis… Nous ne sommes pas dans le premier grand cercle qui compte quatre ou cinq festivals, mais nous sommes très près de ce cercle-là. Nous faisons partie des festivals dans lesquels, si t’es passé, t’as une super carte de visite. Certains organisateurs d’évènements de rue viennent, chaque année, regarder notre programmation. Si une compagnie est passée chez nous, ils la prennent pour leur manifestation. Quand tu hésites sur une compagnie, tu vas voir où ils ont joué, puis tu téléphones aux copains, et tu leur demandes. Ma référence, par exemple, c’est Mulhouse. Leur programmation est excellente. Je prends les yeux fermés une compagnie passée chez eux.

– Un bémol ?

Nous sommes parvenus à donner à La Chaux-de-Fonds un label de qualité. Mais c’est aussi un danger parce que nous recevons tellement de propositions d’excellente facture qu’en définitive la sélection devient plus dure, plus compliquée. Je suis obligé de refuser des bonnes compagnies ce qui est toujours fastidieux. Mais c’est le prix à payer pour cette réalité :  nous sommes devenus l’un des festivals de la francophonie où il faut passer. Il y en a plusieurs en France, un en Belgique, un au Québec et un en Suisse, or en Suisse c’est nous.

Plage des Six Pompes : du samedi 30 juillet au samedi 6 août

Cette année, le Festival de La Plage des Six Pompes aura lieu du samedi 30 juillet au samedi 6 août. Elle prendra cependant 24 heures de pause le lundi 1er août afin de laisser la place aux festivités de la fête nationale. Accédez au programme complet du festival en cliquant ici.

Pour lire la première partie de cet article : cliquez ici.

Découvrez comment Emmanuel Moser en est arrivé à jouer dans la rue, alors qu’il n’était qu’un jeune adolescent, en cliquant sur cette phrase.     (Article paru dans le journal Le Ô)

Emmanuel Moser a transformé la ville de La Chaux-de-Fonds en l’un des berceau des arts de la rue. S’il en éprouve de la satisfaction, aucun doute, c’est légitime. (Crédit photo : Guillaume Perret.)

 

 

 

 

 

La Plage des Six Pompes : le plus important festival suisse des arts de la rue…

…et l’un des plus importants de la francophonie

Ce week-end, à La Chaux-de-Fonds, débutera La Plage des Six Pompes Festival International des Arts de la Rue. Avec plus de 50 compagnies professionnelles invitées, et plus de 200 représentations réparties sur la semaine c’est, en Suisse, le plus important évènement de spectacles de rue et l’un des plus renommés de la francophonie. Après deux ans de Covid, c’est-à-dire d’absence ou de petits arrangements, l’excitation est à son comble. A mille mètres l’on trépigne dans l’attente de ce moment de culture et de fête, en espérant que le public sera joyeux et le soleil doux du samedi 30 juillet au samedi 6 août. Une journée de pause est agendée le lundi 1er août.

Venues des quatre coins d’Helvétie mais aussi de France, de Belgique, d’Italie, de Nouvelle-Zélande ou de Catalogne, pendant sept jours l’on pourra voir soixante-quatre compagnies s’adressant parfois aux enfants, parfois aux adultes, et souvent aux grands enfants. Et, au cas où cela ne suffirait pas à combler l’appétit des spectateurs, tous les soirs il y aura  les afters organisés par la salle de concerts Bikini Test.

Le menu de ce festival ressemblant à un festin royal, extrêmement éclectique et savoureux, je ne présenterai pas les spectacles. Cependant, je vous invite à vous mettre en appétit à en cliquant ici, un lien qui vous conduira directement au programme. Vous aurez le choix entre clowns, marionnettes, silent-party, cabaret, musique, sculptures de lumières, danse, improvisation, théâtre poétique, jeunesse, surréaliste, burlesque ou engagé (palette non-exhaustive) à ne plus savoir où donner des yeux et du cœur.

Des petits bars, des food-trucks et des stands aux cuisines variées permettront aux festivaliers de se désaltérer et de se restaurer à tout moment. Autrement dit, on peut monter à La Chaux-de-Fonds sur un coup de tête, les mains dans les poches, le temps de voir une série de spectacles l’après-midi ou le soir. On trouve de tout sur place.

Yldor Llach fera des prouesses acrobatiques avec sa petite reine.

Spectacles au chapeau

La Plage des Six Pompes est née en 1993, sous l’impulsion de Chaux-de-fonniers impliqués dans la culture. Leur souhait : « offrir une animation culturelle et gratuite durant l’été, à l’attention des habitants de la ville qui n’ont pas la possibilité de partir en vacances, soit amener la plage à celles et ceux qui ne peuvent s’y rendre ». En effet à l’époque, durant les vacances horlogères, la ville passait de 38’000 à 11’000 habitants. De surcroît, les commerces fermaient ou réduisaient leurs horaires. Les gens qui ne pouvaient envisager des vacances se sentaient abandonnés dans un grand no man’s land totalement assoupi. Ce pourquoi, selon une tradition qui se maintient année après année, les artistes invités à La Plage (comme on l’appelle familièrement) sont uniquement rémunérés au chapeau. L’accès à tous les spectacles est libre (pas de billetterie). Le seul “cachet” perçu par les artistes c’est ce qui tombe dans le chapeau à la fin des représentations. Ce système permet à chaque spectateur de fixer le montant qu’il souhaite (ou qu’il peut) attribuer. Ainsi, au moment où le chapeau passe, il ne faut pas perdre de vue que que ces personnes qui ont donné de leur âme pour vous divertir, vivent de leur art comme le médecin ou le garagiste du leur, et que personne n’a jamais envie de sucer des cailloux avant de s’endormir sous un pont.

Cet évènement local qui, au début, fut appelé La Plage du Marché pour ensuite devenir l’international Plage des Six Pompes, a beaucoup grandi en -presque- trente ans. En 2015, le festival a réuni environ 100 000 spectateurs sur les sept jours et engagé près de 450 collaborateurs bénévoles.

Demain je donnerai la parole à son directeur : Emmanuel Moser.

Dis Bonjour à la Dame – DBD se nourrit d’influences artistiques telles que le théâtre, le clown, les arts de la rue et la magie nouvelle.

 

Sources

– Emmanuel Moser, directeur artistique

– Site de La Plage des Six Pompes

– Wikipedia