Ils nous ont volé les étoiles : plusieurs enquêtes et un auteur mystère
Toute personne intéressée par le monde littéraire s’est un jour posé cette question : qui se cache derrière le pseudonyme Elena Ferrante? Pourquoi cet écrivain ne veut-il ni se montrer ni donner des indications sur sa vie? Est-ce un politicien ? Une prostituée ? Un capitaine d’industrie ? Une tête pensante de la mafia napolitaine ? Une religieuse ? Une taularde? Nombreux sont ceux qui ont mené l’enquête en espérant en finir avec ce mystère. Peine perdue. Il en est de même avec E.W. GAB l’auteur de Ils nous ont volé les étoiles. Impossible de savoir qui est cet écrivain qui tient fermement à son anonymat. Peu après avoir demandé à le rencontrer, j’ai reçu un courrier m’expliquant que pour lui seul comptait la littérature. Qu’il s’opposait catégoriquement à ce que l’écrit soit jugé au travers de l’âge, du physique, du genre ou du statut social de son auteur. Que seul importe le livre et son contenu. Une position qui va à l’encontre de la tendance actuelle ce qui démontre un certain courage.
Ils nous ont volé les étoiles : harcèlement, homicides et trahisons
Dès les premiers paragraphes de ce roman paru chez le petit éditeur indépendant Editions Sauvages, on est au cœur du drame. L’avocate Théodora Carter, dont le mari a tué l’enfant et s’est suicidé ensuite, tente d’oublier son passé en plongeant à corps perdu dans le travail. Les affaires s’enchaînent les unes après les autres en équilibre sur les deux fils rouges qui mènent à la dernière page: Wal, l’époux de l’avocate, et Barthélémy leur fils, trouvés morts dans la voiture familiale stationnée devant le fleuve Mississipi et Georgia Rivers, qui engage Théodora Carter pour la défendre contre une injustice dont elle est victime.
Quatrième de couverture : « J’avais immédiatement perçu que Marlon White dissimulait quelque chose lorsqu’il déclarait avoir entretenu des relations sexuelles avec Lucie sans toutefois être en mesure de m’en dire davantage. J’allais par la suite l’interroger sur ce sujet à plusieurs reprises et nous devions en arriver à nous quereller très sérieusement. Il finissait toujours par garder les yeux obstinément baissés, ne démordant pas de sa maigre version avec un entêtement farouche. Impossible d’obtenir plus de détails sur la question. Cela m’énervait outre-mesure car j’étais certaine qu’il me mentait. En agissant de la sorte, il me renvoyait à douter de moi, de mon choix ainsi que de son innocence. Il m’imposait en effet de me demander si en réalité je n’étais pas en train de défendre avec énergie le véritable violeur et assassin de Lucie. »
Si vous aimez les séries ayant pour sujet le monde judiciaire – Matlock, Avocats sur mesure, New-York Police Judiciaire, Better Call Saul – aventurez-vous à lire On nous a volé les étoiles. Le livre se commande dans n’importe quelle librairie ou à cette adresse: [email protected]
Une phrase extraite du livre :
« Deux semaines déjà que les otages étaient retenus et aucune action n’avait été intentée ni par la police locale, ni par les forces de l’ordre de l’Etat, ni par le FBI. »
Ils nous ont volé les étoiles : interview d’Agnieszka Hegetschweiler
N’ayant pas pu rencontrer l’auteur, j’ai posé 5 questions à Agnieszka Hegetschweiler chargée des relations publiques des Editions Sauvages.
– Depuis sa création en 2017, votre maison d’édition a publié des textes très différents : de la poésie, des nouvelles – E.W GAB notamment avec “Dix heures 37 minutes” – mais aussi un roman d’anticipation climatique, émaillé de séquences érotiques, ainsi que « Trois enquêtes de M. » écrit par le médecin cantonal neuchâtelois Claude-François Robert qui s’avère être un excellent écrivain et dont le livre a rencontré un grand succès. Quelle est votre ligne éditoriale ?
Notre ligne éditoriale se fonde sur nos … coups de cœur. Peu nous importe le genre (fiction, polar, poésie, roman), pourvu qu’un manuscrit déclenche un coup de cœur. Nous cherchons le texte qui résonne, qui nous parle, qui raconte quelque chose d’inattendu et dont la qualité littéraire soit élevée. Beau défi pour une petite maison d’édition (encore) méconnue. Tous les textes publiés à ce jour ont rencontré un excellent accueil de la part des lecteurs, ce qui nous ravit et répond à nos premiers objectifs : proposer de la littérature de qualité.
– Qu’est-ce qui vous a incité à publier « Ils nous ont volé les étoiles »?
Le premier texte de E. W. GAB, Dix heures 37 minutes, nous avait enchanté autant pour l’idée qui préside à sa construction, à savoir 27 récits de vie dont le basculement intervient exactement au même moment à travers la planète, mais également pour la richesse des thématiques traitées. Ils nous ont volé les étoiles nous a convaincu par la densité du propos et une écriture alerte qui révèle des parcours de vie riches malgré l’adversité. Il s’agit indéniablement d’un excellent roman. Certains passages, descriptions, dialogues sont d’une qualité littéraire brillante. Ce texte nous transporte ailleurs, en l’occurrence au Minnesota, mais les dossiers traités par la protagoniste, avocate, sont des histoires universelles. Le lecteur est ainsi entrainé, d’affaire en affaire, à la découverte haletante d’une farandole de personnages confrontés à des défis de vie majeurs. C’est un texte qui manie le suspens.
-Pensiez-vous faire un coup de pub en jouant sur le fait que l’auteur souhaite rester anonyme comme Elena Ferrante ?
Rires ; non ! Mais pourquoi pas, après tout ? ! Nous pensons toutefois que le succès d’Elena Ferrante est lié à la qualité de son œuvre, et non à son anonymat. Nous espérons que nos lecteurs nous fassent confiance et qu’ils acceptent de lire nos auteurs anonymes sans s’embarrasser d’en connaitre leur identité mais guidés par la curiosité de découvrir des écrits de qualité qui touchent aux émotions. Bref, de leur laisser toutes leurs chances et de prendre le risque de faire des belles découvertes ! Elena Ferrante est la preuve même que le lecteur n’a pas nécessairement besoin de voir une photo de l’auteur prise dans sa cuisine. L’anonymat recentre l’attention sur le texte.
-Est-ce difficile, pour une petite maison d’édition comme la vôtre, de publier un auteur qui souhaite rester anonyme et qui refuse de montrer son visage ce qui va totalement contre la tendance actuelle ?
En effet, publier des auteurs sous pseudonymes complique la vie d’une maison d’édition. On a un peu de peine à convaincre les journalistes à s’intéresser à nos parutions et faire leur job de critique littéraire ; les libraires peuvent être plus réticents à prendre le livre en vente. L’anonymat semble déstabiliser, brouiller les repères connus. Notre sentiment, voire spéculation, est qu’au lieu de lire le livre et de se forger une opinion personnelle, nos interlocuteurs se laissent bloquer. Ils se demandent peut-être qui est l’auteur derrière le pseudo : un affreux être humain ? (Rires). Et ils préfèrent ne pas se lancer dans l’inconnu. Mais bon, ce ne sont là que des hypothèses ; à eux de dire ce qu’il en est en réalité. Pourtant, de très grands écrivains ont écrit une partie de leur œuvre en préservant leur anonymat. Dans notre époque d’hyper médiatisation, l’anonymat trouble ; en même temps, il excite la curiosité d’une manière également (à nos yeux) excessive, comme le phénomène Banksy ou, justement, Elena Ferrante.
– De quel personnage du roman de E.W GAB vous vous sentez la plus proche et pourquoi ?
Ils sont tous intrigants, voire attachants : Adriaan Van Veen et sa lutte acharnée pour récupérer ses filles ; Marlon White, accusé de meurtre ; Zachary Bennet qui impose qu’il soit appelé John Doe et qui fait le bien à tout prix même contre la volonté de ses protégés ; Linda Sacher, grugée par un compagnon pervers narcissique ; la famille amérindienne de la petite Alope en quête de justice ; Georgia Rivers victime de harcèlement sexuel et de mobbing sur son lieu de travail. Mais évidemment la protagoniste principale, Théodora Carter, l’avocate, est le personnage le plus interpellant. Chacun de nous peut être appelé à devoir tout reconstruire d’un jour à l’autre après un drame majeur [croisons les doigts]. Il est captivant de découvrir les moyens que Théodora met en œuvre pour ne pas sombrer dans le désespoir et laisser, au fil du temps, place à la vie.
D’ailleurs, on invite les lecteurs à découvrir des extraits du texte sur notre blog.
Propos recueillis par Dunia Miralles