Un livre 5 questions : “Les rêves d’Anna” de Silvia Ricci Lempen

Une saga qui traverse l’Histoire reçoit deux prix littéraires

Les rêves d’Anna, de Silvia Ricci Lempen nous emmènent dans un savant jeu de poupées russes. Il commence par la plus petite. Pour emboîter chaque figurine dans la suivante, il faut parcourir un puzzle d’atmosphères et d’aventures diverses qui commencent à Glasgow et finissent à Genève en passant par Rome ou Bellinzone. Les rêves d’Anna, dont le mystère du titre ne nous est révélé qu’à la fin, est une saga sororale qui se déroule sur cent ans. Une longue période durant laquelle l’on rencontre cinq femmes, parfois très jeunes, qui se souviennent à un moment ou l’autre d’une main tendue par une amicale « sœur » plus âgée. Des souvenirs qui permettent de remonter le temps en s’immisçant dans une partie de la vie de cette personne bienveillante. A travers le vécu des protagonistes, l’on découvre également la Grande Histoire, celle qui repose dans les livres des bibliothèques universitaires et que l’on tend à oublier : la crise grecque au XXIe siècle, l’après Seconde Guerre mondiale, l’entre-deux guerres, le fascisme, la montée d’Hitler, les manifestations antifascistes dans la Genève des années 1930, le poids des églises catholiques et protestantes, l’éducation des femmes conditionnées pour servir un conjoint tout en honorant une famille, leur désir d’émancipation, les horreurs de la Grande-Guerre 14-18.

Fourmillant d’ambiances, de rencontres et de références, Les rêves d’Anna raconte des aventures humaines à différentes époques et dans différents contextes sociaux, psychologiques et culturels. Particulièrement détailliste, Silvia Ricci Lempen s’attarde sur les petites choses, aussi à l’aise dans la description du climat social des années 2000, 1960 ou 1920, que dans les réactions d’un corps soumis à la peur lors d’une mouvementée promenade en montagne.

Les rêves d’Anna, paru aux Éditions d’en bas qui viennent de recevoir le prix Enrico Filippini pour la qualité de leurs publications, est un livre au parfum de grand classique. On peut le lire et le relire en y trouvant à chaque lecture des choses qui nous avaient échappé auparavant.

La saga, a été parallèlement écrite en français et en italien sans que ce soit, pour autant, une traduction d’une langue à l’autre. Chaque livre est un original avec ses propres spécificités. La version française a obtenu le prestigieux prix Alice Rivaz 2021 et sa fausse jumelle, en italien, le tout aussi prestigieux Premio Svizzero di Letteratura 2021. Deux récompenses méritées pour une écrivaine dont on peut suivre les chroniques dans le blog du Temps.

Les rêves d’Anna de Silvia Ricci Lempen : extraits

« À cause de l’anxiété et de l’obscurité, de l’absence de repères, de la pluie, de la brûlure des phares écarquillés sur le parking, elle avait cru un instant que dans cette ville, différente en cela de tous les autres lieux du monde, les arcs-en-ciel étaient d’une autre couleur. Une courbe mauve néon, liserée d’une bave blanchâtre, chevauchait toute l’étendue de la nuit. C’était la première chose qu’elle avait vue, à travers les fenêtres mouillées de l’autobus ».

La version italienne : I sogni di Anna

« Ils ont passé l’après-midi à faire l’amour, succès total, elle a joui trois fois ; après quoi il a enfilé son pantalon de training et s’est mis à farfouiller dans son ordinateur. Elle est restée étendue sur le lit, dans le silence de la maison des morts. À six heures et demie ils ont fait un tour dans le quartier, dans la pénombre légère du crépuscule. Comme tous les dimanches soir, les bennes à ordures débordaient, dégorgeant par terre les sachets en plastique sauvagement crevés par la pression des abattants ; les parois des bennes étaient souillées de frais par les coulures, du plus bel effet vomitif, des diarrhées de bébé et de marc de café ; et c’était ça qui intéressait Michele possesseur d’un Nikon à trois mille cinq cents euros : photographier les immondices de l’humanité… »

« Le corps s’arque et fuse, s’enfonce comme une torpille dans le rectangle bleuté de la piscine. Secousse électrique de basse intensité. Il s’agit d’un corps jeune, à la chair dense, intacte, capable de se propulser en longue apnée au moyen de puissantes vibrations des membres, jusqu’à l’autre extrémité du bassin. Le sens du toucher de ce corps féminin est exalté par les ondulations de l’eau gélatineuse de la piscine, qui le parcourent du haut du crâne à la pointe des orteils. Les yeux écarquillés boivent la lumière blanche, plissée d’émeraude, du fond de la vasque ».

« Clara aussi, d’abord, croit que ce sont les gendarmes qui s’époumonent à souffler dans les sifflets, pour empêcher les gens de franchir les barrages ; mais ce ne sont pas les gendarmes, ce sont les socialistes (et plus tard, de nouveau avant la fusillade, elle se trompera, cette fois comme tout le monde, sur ce qu’annonce le son du clairon, un tir à balles réelles sur les manifestants, mais personne ne le comprendra, ni elle ni personne). Les socialistes sont munis de sifflets, qui ont l’air de faire plus peur aux gendarmes qu’aux fascistes. En tout cas elle a vu un gendarme qui avait peur, les yeux tout blancs au milieu du visage bistre ; et c’était contraire aux rapports de force manifestes, parce que ce gendarme avait un sabre qui brillait dans le faisceau de lumière d’un lampadaire ».

« Les horreurs de la guerre, dit comme ça, c’est abstrait, et si quelqu’un prononce cette expression à Carpineto, ce n’est certainement pas pour approfondir son contenu, plutôt pour le cacher sous le manteau de ce qu’on appelle la volonté de Dieu : et c’est ainsi que les guerres peuvent continuer. Mais dans le livre il y a tous les détails, par exemple l’auteur raconte qu’après la bataille les soldats blessés avaient une soif si dévorante qu’ils buvaient la boue et le sang caillé dans les mares; leurs corps enflaient et devenaient tout noirs, et quand il mouraient il n’avaient plus d’ongles mais des griffes, à force d’avoir creusé la terre pour trouver de l’eau, de l’eau, pitié de l’eau,  ne me laissez pas mourir avec ce feu qui me brûle la poitrine, et mes habits crasseux collés à l’intérieur des plaies, avec les mouches qui fouaillent le sang… »

Silvia Licci Lempen : l’interview

– Comment vous est venue l’idée d’écrire Les rêves d’Anna ?

Ce projet est né à un moment de ma vie où pour la première fois je me suis sentie capable de lâcher complètement la bride à mon imagination.  De goûter pleinement à la joie d’écrire en remplissant à ras bords mon univers intérieur avec les vies inventées des autres. C’était un projet enivrant et libératoire, mais qui a mis des années à se concrétiser.

Il y avait aussi le désir spécifique d’écrire des histoires de jeunes filles, voire de fillettes, au seuil de leur existence, de raconter de leur point de vue à elles ce moment de la première exploration de soi et du monde. Cela a été beaucoup fait avec des personnages de garçons, je pense à des romans culte comme Le Grand Meaulnes d’Alain Fournier ou à L’Attrape-cœurs de Salinger. Par contre, la jeunesse des filles en tant que protagonistes a été pendant longtemps un sujet littéraire assez négligé. Heureusement, cela a changé, il suffit de songer, par exemple, à des autrices comme Antonia Byatt, Elena Ferrante, Annie Ernaux ou Bernardine Evaristo. Mais il y a encore beaucoup de rattrapage à faire !

– Votre roman, qui commence au début du XXIe siècle et qui remonte les époques d’une centaine d’années, est extrêmement bien documenté. Combien de temps vous a-t-il fallu pour l’écrire ?

Il y a d’abord eu de longues années d’incubation, pendant lesquelles j’ai écrit d’autres choses, tout en caressant ce projet. C’est pendant ces années-là que j’ai pris des décisions fondamentales : écrire ce futur roman parallèlement en français et en italien, faire reculer le récit dans le temps (de 2012 à 1911) au lieu de le dérouler chronologiquement. Ensuite, le travail proprement dit a duré environ cinq ans. Je n’ai pas fait d’abord le travail de documentation (effectivement considérable) et ensuite écrit, j’ai mené ces deux aspects de front. Pendant que j’écrivais l’histoire de l’une ou l’autre des protagonistes, je faisais des repérages et des recherches pour pouvoir écrire le reste. Ceci pour deux raisons.  D’une part, c’est seulement en écrivant qu’on découvre de quelles informations on aura besoin pour continuer ; et d’autre part, pour moi l’écriture est une activité tellement jouissive que ça aurait été une punition de ne pas écrire au moins un peu tous les jours.

– Dans votre quotidien, prenez-vous sans cesse des notes pour parvenir à reproduire dans vos livres une telle profusion de détails qui tous contribuent à ancrer l’histoire ?

Je ne prends jamais de notes (sauf pour des éléments factuels, comme une date ou un nom de rue). Je suis incapable de prendre des notes pour mon travail littéraire, de passer par une écriture utilitaire pour accéder à l’écriture créative. Il m’arrive de prendre des photos, mais c’est rare. Je pars de l’idée que ce qui doit rester dans la mémoire y restera, et que ce qui n’y reste pas devait être perdu.  C’est une question de charge émotionnelle. Si un lieu, une scène, n’a pas une charge émotionnelle suffisante pour s’imprimer dans ma mémoire, ça ne vaut pas la peine de tenter d’émouvoir autrui avec.

Je trouve intéressant que vous souleviez la question des « détails ». Je sais que ce foisonnement peut être perçu comme excessif par les adeptes d’un certain minimalisme formel, mais de mon point de vue chaque détail que je donne signifie quelque chose et contribue à l’esthétique de ce que j’écris, au sens étymologique. Aisthesis, en grec, c’est la sensibilité. L’esthétique d’une œuvre, c’est comment le sens se donne à sentir. Les détails qui ne signifient rien ne m’intéressent pas.

– Quel sens a pour vous le mot « racines » ?

C’est un mot qui me fait penser à la terre où les plantes enfoncent les leurs, de racines, pour s’ancrer et se nourrir. Il nous est arrivé à toutes et tous de voir une fois un arbre déraciné, couché sur le côté avec ses racines à l’air, et c’est un spectacle perturbant C’est ce que vivent des millions de personnes en situation de migration forcée sur la planète, arrachées à leur sol nourricier sans avoir les moyens de vraiment se réimplanter ailleurs. Pour d’autres humains, plus privilégiés, dont je fais partie, avoir des racines, c’est-à-dire savoir d’où on est, peut au contraire aider à se développer dans d’autres pays, dans d’autres cultures, avec d’autres gens, d’autres règles du jeu. Apprendre la plasticité de l’être au monde, ne pas s’enfermer dans une identité définie une fois pour toutes, bétonnée.

– La question que je pose à chaque auteur et autrice : quel personnage de livre voudriez-vous être ?

Quand j’avais douze ou treize ans, mon père m’a posé cette même question, et il a été choqué par ma réponse : je voulais être le Capitaine Tempête, une femme pirate déguisée en homme, héroïne d’un roman d’aventures italien pour la jeunesse. Je crois que ce qui m’attirait, ce n’était pas nécessairement de naviguer sur la Mer des Caraïbes en pillant des vaisseaux, c’était d’exercer une forme de puissance sur le monde. Un peu de la même manière, aujourd’hui, je suis fascinée par les personnages dont j’envie certains traits de personnalité que je ne possède pas.

Je pense en particulier à Modesta, protagoniste du roman L’Art de la joie de l’écrivaine sicilienne Goliarda Sapienza. La vie de Modesta, difficile et chaotique, je n’aimerais pas l’avoir vécue. Mais j’aimerais avoir eu et avoir, dans la mienne, sa liberté d’esprit, sa capacité de transgression, sa témérité, son instinct de survie, et même son amoralisme (qui bien entendu n’a rien à voir avec l’immoralité).

L’écrivaine et journaliste Silvia Ricci Lempen. ©Martina Marratzu

Silvia Ricci Lempen : la biographie

Silvia Ricci Lempen, écrivaine italo-suisse bilingue, a tellement de casquettes empilées sur la tête qu’il arrive souvent qu’on la prenne pour une autre. Le plus simple, pour savoir qui elle est, est de s’en référer à son site,  http://www.silviariccilempen.ch où l’on voit que la philosophie mène à tout et que féminisme et journalisme peuvent être des rimes riches.

La grande affaire de sa vie est l’écriture littéraire, habitée par le vécu des femmes et, indissociablement, par une interrogation au long cours sur les mystères de la marche du temps. Ses livres ont remporté plusieurs prix, les deux derniers récompensant respectivement la version italienne (I sogni di Anna, Prix Suisse de Littérature) et la version française (Les Rêves d’Anna, Prix Alice Rivaz) de son dernier roman.

Jean-Luc Fornelli : la poésie d’un désespoir rigolard

Jean-Luc Fornelli : rire pour ne pas pleurer

L’an passé, entre deux confinements, Jean-Luc Fornelli a publié Les Aigrettes, journal d’un poète givré même l’été, aux Éditions du Roc. En relisant ses haïkus et poèmes, de prime abord humoristiques, ils m’ont soudainement parus d’un humour chagrin. Ne dit-on pas que les clowns sont tristes et les humoristes de grands dépressifs ? A moins qu’il ne s’agisse de mon état d’esprit du moment, embrumé par de trop longues semaines de grisaille et de froid, qui m’incite à une relecture plus sombre. C’est sans doute un signe de talent quand un poète parvient à faire en sorte que chaque lecteur se reconnaisse dans ce qu’il écrit.

Ci-dessous, un poème sentimental et passionné, d’un amour comme nous sommes nombreux à en avoir connu quel que soit notre genre.

 

Pour en savoir plus sur Jean-Luc Fornelli et sur le recueil Les Aigrettes, qui est toujours en vente, cliquez ici.

Source :

  • Les Aigrettes, journal d’un poète givré même l’été, Jean-Luc Fornelli, Éditions du Roc.

Un livre 5 questions : « Exutoires » de François Hainard

Exutoires : une écriture idoine pour le cinéma

Après un brillant parcours universitaire, en tant que chercheur et professeur à l’Institut de sociologie de la faculté des lettres et des sciences humaines de l’Université de Neuchâtel, François Hainard s’adonne au côté ludique de l’écriture. En 2017, son premier roman Le Vent et le Silence paru aux éditions G d’Encre, avait déjà reçu un excellent accueil. Traduit à l’allemand et intitulé Wind und Schweigen, il est également paru chez PEARLBOOKSEDITION à Zurich, ce qui lui a valu d’être signalé par la NZZ comme une bonne surprise littéraire. En cours de traduction à l’italien chez Armando Dadò à Locarno, François Hainard vient d’en laisser les droits afin que cette histoire d’amour tragique, qui se déroule durant la deuxième guerre mondiale entre une bonne à tout faire protestante et un ouvrier en boulangerie tessinois et catholique, soit adaptée au cinéma.

Si vous êtes un réalisateur ou une réalisatrice à la recherche d’un scénario, ne manquez pas de vous intéresser à son deuxième roman Exutoires. Ce dernier opus contient également tous les éléments pour devenir un excellent film y compris une magnifique bande son.

 

Exutoires :  l’histoire

Dans une campagne pas très loin de chez nous, trois personnes vivent sous le même toit, font tourner une ferme sans se soucier les unes des autres. Dans cette famille recomposée où la communication est impossible, le trio est devenu infernal et tout s’enchevêtre : les rêves brisés du quotidien, l’invisibilité de l’autre, les addictions de chacun, l’absence de distance, une démence qui conduit à l’abjection… Il y a pourtant des exutoires : le sordide de l’ordinaire se dilue dans ce qu’il peut y avoir de plus magique et de rédempteur, la musique.

En excellent sociologue, François Hainard décortique l’environnement dans lequel évoluent ses personnages et l’influence culturelle et psychologique qu’il exerce sur les gens. Aucun geste, aucune attitude n’est laissée au hasard. Tout contribue à tisser la trame. Si au début cela peut paraître fastidieux, l’on s’aperçoit rapidement qu’il monte un puzzle où chaque pièce permet à une autre de s’emboîter. Ces descriptions méthodiques nous amènent à comprendre qu’à la campagne, encore de nos jours, certaines femmes ne sont qu’une monnaie d’échange. De la main d’œuvre bon marché, une marchandise qui permet d’agrandir le patrimoine à l’instar d’une vache ou d’un hectare de pâturage. Dans cette lourdeur, la beauté ne vient ni du chant des oiseaux ni du paysage forestier, mais de la musique classique dans laquelle Lydia puise la force de continuer à vivre.

 

Exutoires :  l’extrait

 

François Hainard : l’entrevue

La vallée de la Brévine vous a-t-elle inspirée pour écrire votre livre ?

Dans toute fiction figure un peu de soi, vous le savez si bien. Ce roman ne se passe pas dans cette vallée, mais elle y a fortement contribué. Il mobilise mes propres connaissances du monde paysan puisque j’en suis issu, et inévitablement un peu du sociologue que je suis, même si j’essaie de m’en éloigner le plus possible ! Il se passe aujourd’hui et raconte une paysannerie qui s’enfonce dans une modernité qui la détruit. Étonnamment il est politiquement très actuel !

“Exutoires” raconte – entre autres – l’histoire de Lydia, une femme née dans un milieu paysan, ce qui ne l’empêche pas d’éprouver une véritable passion pour la musique classique. Quel rôle tient la musique classique dans votre vie et dans votre livre ? Les morceaux choisis correspondent-ils à ses humeurs ?

La manière dont Lydia a découvert la musique classique est exactement la mienne ! En fait, à travers elle, je raconte ce qui m’est arrivé et ce que j’ai ressenti: l’initiation par un instituteur, le voyage à l’opéra de Zurich. A cela s’ajoute que ma mère, paysanne, écoutait ce type de musique et jouait du piano. Toutes les conditions étaient remplies pour l’aimer, car il ne faut pas de culture pour apprécier cette musique, il faut juste une personne pour nous en montrer la beauté, comme pour toutes autres choses ! Sans doute on peut apprendre à aimer par soi-même, mais il est plus facile de manquer la cible. Il est vrai que la musique classique est connotée socialement (comme le rap !), c’est ce qui la dessert. Elle reste trop souvent caractéristique des attributs dont se pare une élite, et ici aussi, comme pour beaucoup d’autres éléments discriminants, les processus de reproduction sociale et la force des déterminismes contribuent à entretenir une solide forme d’étanchéité. Aujourd’hui la musique classique m’accompagne quotidiennement et meuble souvent mes insomnies. La musique que Lydia écoute est fonction de ses états d’âme ; j’ai passé quelques centaines d’heures à choisir ce qu’elle pourrait aimer et à chaque fois le choix était un cruel sacrifice.

Le beau-fils de Lydia est schizophrène. Etait-il nécessaire de justifier ses actes, souvent odieux, par la maladie ?

J’ai attribué cette maladie au fils pour expliquer un comportement particulièrement sordide. Ce qui me paraissait intéressant dans ce trio infernal était de montrer les rapports entre un fils et ses parents, lorsque tous sont en décalage. Car même si sa mère était déjà morte, elle vivait toujours dans sa tête. Mon intérêt était aussi d’aborder l’influence que des parents peuvent avoir dans des circonstances extrêmes. Il est possible que des actes similaires aient pu être commis par des personnes sans maladie mentale détectée, mais saines seulement en apparence, car (à mon avis) on ne tue ni ne viole, de surcroît à répétition sans avoir de graves problèmes mentaux. Dans le même sens, il m’apparaît que l’enfermement dans les têtes, par des addictions diverses, la non-communication, les non-dits, le repli sur soi, l’isolement, donc tout ce que notre société est en train de produire actuellement, et ceci malgré la multiplicité des techniques et des canaux de communication, contribuent à façonner ces types de comportements déviants.

Votre biographie spécifie que vous vous adonnez à la peinture et que vous aimez penser avec vos mains. Bûcheronner est-ce votre manière de pratiquer la méditation, ou un de pied de nez aux intellos qui méprisent ce genre de tâches ?

M’essayer à la peinture était aussi un objectif à réaliser à ma retraite parce que, comme pour l’écriture, il faut avoir du temps. Comme l’écriture, peindre est pour moi une forme d’évasion ; j’essaie de peindre un peu de tout, sans doute très maladroitement, sauf du portrait. Comme je suis plutôt impatient je travaille à l’acryl (ça sèche plus vite !) que je rehausse d’un peu d’huile.

C’est Denis de Rougement qui disait : « Les uns pensent, les autres agissent. Mais la vraie condition de l’homme c’est de penser avec les mains. » ! Cela va un peu dans le sens de la formule de Fernando Pessoa à laquelle j’adhère, dans son livre sur l’Intranquillité « Agir, c’est connaître le repos ». On peut bien sûr penser avec les mains de différentes manières. J’y ai inclus le bûcheronnage. Il est à la fois une forme d’évasion et de retour en arrière : je communie avec mon contexte et je retrouve mes racines. Il faut dire que j’ai la chance d’avoir une forêt en hoirie avec mon frère et ma sœur, qui jouxte ma vieille ferme. C’est moi qui m’en occupe, j’adore ça ! Je suis adepte d’un bûcheronnage « de luxe », c’est-à-dire que je n’y travaille que s’il fait beau temps, et au printemps et en été je n’utilise que très peu la tronçonneuse pour pouvoir écouter les chants d’oiseaux, donc j’ébranche à la hache les arbres coupés! Oui c’est une activité très physique, mais de par mes origines paysannes, j’ai hérité d’une conception utilitariste du corps. Mon corps est davantage un outil qu’il faut faire fonctionner avant d’être un capital que je dois entretenir. En réalité avec ma façon de faire, je triche et il est un peu les deux à la fois. J’aime cette forêt car elle est comme je voudrais qu’elle soit. Elle commence par un pâturage vallonné avec de belles formes douces et rondes (oserais-je dire féminines par les temps qui courent ?), puis suivent de petits bosquets comme mise en bouche, ensuite il y a une alternance de clairières et de bois, pour finir par une dense sauvagerie désordonnée, pleine de mystères, de rocailles et de trous, une petite jungle qui pourtant m’accepte. J’aime aussi cette forêt parce que je me dis : tiens ces arbres ont vu passer mes parents, et ceux-là mes grands parents ! Et mes enfants les verront-ils passer plus tard ? Aujourd’hui elle souffre de la chaleur et du bostryche et je n’arrive pas à débarrasser tous les arbres qui meurent. Mais j’ai un épicéa en pleine forme qui doit avoir plus de 250 ans selon le garde-forestier, c’est-à-dire qu’il a vécu tous les grands événements qui ont émaillé cette période: la Révolution française, les trois grandes guerres et tous les drames du quotidien. Ce n’est donc pas ce qui se passe avec le Covid qui lui fait peur ! Je vais souvent le saluer. Son silence est un peu dédaigneux, sans doute rempli de pitié et de condescendance à l’égard des hommes. Il sait déjà qu’il me survivra. Mais je l’aime quand même beaucoup.

Une question que je pose à tous les auteurs : à quel personnage littéraire vous identifiez-vous ?

De mes récentes lectures, j’hésite entre Martin Eden et Little Wolf… Je choisirai Little Wolf, chef cheyenne, personnage mythique de la trilogie de Jim Fergus « 1000 femmes blanches ». Un chef fier, courageux, respectueux de son pays et amoureux de son peuple. Avec lui, dans les années 1870, j’ai chevauché de nombreuses journées dans les plaines de l’Ouest, chassant le bison dans les Black Hills et les indiens Crows, des traîtres vendus aux colons. Mais surtout avec lui, Sitting Bull le chef Sioux et Crazy Horse un autre chef Lakota, j’ai participé en juin 1876 à l’écrasement de la cavalerie états-unienne à Little Bighorn. Une bataille dantesque, un massacre sans pitié, où seuls nos chevaux plus rapides et le courage des hommes et des femmes de nos tribus ont fait la différence. J’en fais encore des cauchemars… J’en ai souvent les mains qui tremblent et je me cache pour pleurer de ce qui a suivi. Heureusement, pour se souvenir de cette victoire, plusieurs scalps sanglants de soldats attachés à ma ceinture dégoulinent encore et refusent de sécher …

 

Interview réalisée par Dunia Miralles

François HAINARD – sociologue, écrivain. ©Xavier Voirol

Biographie de François Hainard

François Hainard a passé toute son enfance dans la vallée de La Brévine dans le Jura neuchâtelois. Après des études en Suisse et aux États-Unis, il effectue des recherches et enseigne la sociologie pendant une trentaine d’années.

Aujourd’hui il a abandonné la rigueur scientifique pour la liberté de la fiction et une discrète pratique de la peinture. Et comme il a besoin de penser avec les mains, il aime s’exercer au bûcheronnage…

 

Sources :

  • Exutoires, François Hainard, roman, Éditions du Roc.
  • François Hainard

Lecture : Demain tous infertiles ? Comprendre, prévenir et traiter l’infertilité masculine

Voyants au rouge : le sperme humain est en berne

Dans la mythologie et les textes fondateurs, et ce jusqu’à récemment, la stérilité était considérée comme une affaire presque exclusivement féminine. Dans mon enfance l’on disait encore « ELLE ne pouvait pas avoir d’enfant » en parlant de voisines ou de grands-tantes qui auraient désiré une grossesse à une époque où l’on ne faisait pas encore d’examens médicaux pour détecter cette problématique. De l’Antiquité et jusqu’au deux tiers du XXe siècle, on imputait la stérilité du couple aux manquements de la femme, à sa faible constitution, à sa mélancolie, à son manque de sommeil, à sa luxure, à sa maigreur ou à son obésité, mais aussi à sa laideur ou à son extrême beauté. Toutefois, il est à présent prouvé, qu’en cas d’infertilité d’un couple, les hommes en sont la cause dans 40% à 50% des cas. D’autant que la qualité du sperme est en chute libre.

Depuis les années 1990, une trentaine d’études menées auprès d’une population variée ont été réalisées dans divers laboratoires du monde. Le constat est toujours le même : la qualité du sperme humain est en baisse. La concentration des spermatozoïdes est souvent insuffisante pour fertiliser la femme. Leur mobilité ou leur morphologie présente des anomalies. Des recherches identiques ont été faites dans le monde animal. Le bilan est tristement le même : le sperme des animaux, notamment celui des chiens, baisse de manière significative et brutale.

Vidéo réalisée par l’INSERM : Le fonctionnement du testicule.

Un livre pour mieux comprendre l’infertilité masculine

Pour que chacun et chacune puisse mieux appréhender cette problématique, le professeur Stéphane Droupy, urologue spécialiste de l’infertilité, et la journaliste Brigitte-Fanny Cohen, spécialiste des questions médicales, ont écrit Demain tous infertiles ? Comprendre, prévenir et traiter l’infertilité masculine paru chez First Éditions. En effet, un couple sur sept consulte parce qu’il ne parvient pas à mettre un bébé en route et, une fois sur deux, cela provient de l’homme. Cet ouvrage permet de comprendre ce qui peut fragiliser la fertilité masculine tout en apportant des conseils pour l’optimiser. Le livre aborde également les nombreuses possibilités d’accompagnement et de traitements : médicaments, chirurgies, assistance médicale à la procréation, mais aussi coaching nutritionnel, compléments alimentaires, modification du mode de vie… Les textes du livre, écrits pour un large public, sont soutenus par de nombreux tableaux et dessins qui en facilitent encore plus l’intelligibilité.

Ce qui péjore la fertilité

Je ne me pencherai pas sur ce qui nécessite un jargon strictement scientifique. Je ne relèverai, ici, que quelques unes des multiples causes qui altèrent la qualité du sperme.

Le sport intensif

Plus de cinq heures de vélo par semaine peuvent altérer la qualité de sperme. Idem pour la course à pied et d’autres sports pratiqués de manière intensive. Mais après quelques semaines d’activité plus modérée les choses reviennent à la normale. Cependant la sédentarité, ainsi que l’obésité qu’elle peut entraîner, est toute aussi nocive.

Les ondes électromagnétiques

Le sujet est certes polémique mais, que ce soit in vitro ou in vivo, les recherches sur l’homme et l’animal concluent à une dégradation de la qualité du sperme lors d’exposition prolongées aux ondes des téléphones cellulaires ou de Wi-Fi.

Les polluants organiques

Les polluants organiques, difficilement biodégradables, peuvent se transporter sur de longues distances dans l’eau ou dans l’air. Parmi eux : les pesticides, les dioxines, les PCB et les hydrocarbures. Tous sont rejetés dans la nature par les activités humaines et tous influencent négativement la fertilité.

Vidéo réalisée par l’INSERM : La régulation du cycle ovarien.

L’alimentation

Tant de choses et de facteurs polluent notre alimentation, compromettant ainsi la fertilité de l’être humain, qu’il est impossible de les énumérer de manière exhaustive dans un article. Toutefois, parmi les désignés coupables par ce livre, figurent les fruits et légumes traités aux pesticides. Une consommation modérée d’autres aliments est également fortement conseillée : produits laitiers, abats, poissons, café, boissons sucrées… La liste des produits néfastes et les suggestions pour bien s’alimenter font l’objet de longues pages. Il est quand même intéressant de relever que les hommes qui mangent, plus de deux fois par jour, des fruits et légumes issus des cultures biologiques, ont un nombre total de spermatozoïdes plus de deux fois supérieur à ceux qui n’en mangent qu’une fois.

Le travail

Les personnes qui exercent des professions où l’on manipule des produits phytosanitaires, des produits chimiques et des solvants sont davantage exposées aux perturbateurs endocriniens. Donc plus susceptibles d’être infertiles si les moyens de protection mis à disposition s’avèrent peu adaptés. Il en va de même pour tous les métiers qui exposent à la chaleur : pizzaiolo, boulanger, cuisinier, les métiers du textile, pompier, ouvrier suivant les ateliers…

Le mode de vie en général

Certains des éléments qui peuvent dégrader les capacités reproductrices chez l’homme sont difficilement évitables car invisibles. Nous n’avons aucun pouvoir sur eux. D’autres dépendent du mode de vie. Même si les produits suivants semblent logiquement perturbants pour la fertilité, il est peut-être bon de rappeler lesquels : l’alcool, le tabac, le cannabis, la cocaïne, l’héroïne et toutes les drogues qu’elles soient de synthèse ou non, beaucoup de médicaments notamment ceux contre l’acné, les antibiotiques, les antidépresseurs, les antidouleurs, le paracétamol, énormément de cosmétiques et les crèmes solaires…

L’une des nombreuses illustrations du livre Demain tous infertiles ?

 

Sources :

  • Demain, tous infertiles ? Comprendre, prévenir et traiter l’infertilité masculine, Professeur Stéphane Droupy et Brigitte-Fanny Cohen, First Éditions, octobre 2020, 287 pages.
  • Bibliothèque de la Ville de La Chaux-de-Fonds.

Jacques Prévert : poète, scénariste et plasticien surréaliste

Choses et autres : en toute liberté

« Ce Jacques Prévert, voilà qu’il devient doucement, mégot après mégot, un classique de la littérature française, de la poésie universelle » écrivait Gérard Guillot, dans le journal Le Monde, à la parution du dernier recueil publié du vivant du poète. L’un de ses livres les plus surprenants, où il osait son seul texte autobiographique tout en se livrant à des expérimentations audacieuses et en renouvelant son style avec une étonnante liberté.

Ainsi commence Choses et autres :

 « 1906, Neuilly-sur-Seine.

Souvent, au Bois, un cerf traversait une allée. Un peu partout, les gens mangeaient, buvaient, prenaient le café. Un ivrogne passait et hurlait : «Dépêchez-vous ! Mangez sur l’herbe, un jour ou l’autre, l’herbe mangera sur vous !» »

Jacques Prévert : un anticlérical convaincu

A Pâques, je me suis penchée sur l’ouvrage du diacre Jean-Marc Leresche. Afin d’équilibrer les tendances, à l’Ascension j’ai eu envie de publier un poème de l’impertinent anticlérical qu’était Jacques Prévert.

Jacques Prévert : un poète qui s’adonnait à tous les arts

Redécouvert dans ma bibliothèque, Choses et autres est paru en grand format en 1972.

Mon exemplaire de poche est daté de 1976, soit un an avant le décès du poète. La couverture est illustrée par un collage de Jacques Prévert lui-même. L’actuelle première de Folio Gallimard, que l’on peut voir en haut de cette page, est également l’un de ses collages.

L’édition Folio de 1976.

Le grand public a découvert Jacques Prévert à travers ses poèmes, ses scénarios et ses dialogues pour le cinéma. Il le connaît moins pour son talent d’artiste plasticien et pour ses œuvres surréalistes aussi poétiques qu’étonnantes. En effet, vers le milieu des années 1940, encouragé par Joan Miró et Pablo Picasso, suite à un accident qui l’oblige à garder le lit, il se passionne pour la pratique du collage. « Jacques s’exprime de plus en plus par les collages, comme il a fait par les poèmes. Mais je pense que ces collages, au fond, sont des poèmes », disait son éditeur, René Bertelé. « Et d’autre part, il se rend compte maintenant que certains de ses poèmes sont en quelque sorte des collages de mots, si on veut. » Dans le film sans paroles de Bruno Pollacci, vous pourrez découvrir son travail de plasticien.

 

En janvier 2019, j’avais déjà présenté ce poète dans cet espace. Pour vous rendre à l’article qui vous permettra d’accéder à davantage d’informations sur Jacques Prévert, cliquez ici.

 

Sources :

  • Choses et autres, Jacques Prévert, Collection Folio Gallimard
  • Fondation Michalski
  • Matière et Révolution

Un livre 5 questions : « Le Silence Brûle » pour les Dissidents de La Pleine Lune

Littérature sous le regard de Séléné

A l’instar des loups-garous et des fantômes, on les rencontre aux temps de la pleine lune. En revanche, contrairement aux méchants et mystérieux fripons qui se cachent dans l’ombre pour nous surprendre, Les Dissidents de la Pleine Lune préfèrent séduire à la lumière des bars, des parcs, des buffets de gare ou du Théâtre des Lutins, dans la capitale vaudoise, pour ne citer que quelques lieux. Entité littéraire bigarrée, cette communauté de passionnés d’écriture a été créée en janvier 2011. Les fondateurs en sont Sabine Dormond écrivaine, ex-présidente de l’Association Vaudoise des écrivains et critique littéraire, Olivier Chapuis que j’ai déjà reçu dans cet espace pour discuter de son livre Balles Neuves, actuellement finaliste du Prix du polar romand 2021, en compagnie de Laurence Voïta et Marc Voltenauer, et Hélène Dormond dont le dernier ouvrage Zone de Contrôle vient de paraître, l’histoire d’une fleuriste qui, obligée de changer de métier, devient auxiliaire de police Lausanne.

Le groupe se réunit une fois par mois pour se lire et commenter des textes brefs, frais pondus, sur des thèmes aussi déjantés que Le sourire de la vitesse ou L’émotion de l’herbier par exemple. Toute personne étant la bienvenue, il n’a cessé de s’étoffer depuis sa création. Convaincus que la liberté vient de la contrainte, les amoureux de Séléné s’imposent les sujets à travailler par quelques mots poétiques, intrigants ou drôles : Sous les galettes, la page, Pour deux francs de suspense ou Entre terre et sel.

Le Silence Brûle : un anniversaire et un livre

Ces écrits, qui restent la propriété de leur auteur-e ne sont pas publiés. Mais, pour fêter leurs dix ans, un concours littéraire a changé les habitudes. Après avoir reçu un raz de marée de 109 nouvelles, quinze d’entre elles ont été retenues par le jury pour figurer dans un recueil intitulé Le Silence Brûle, paru aux Éditions Soleil Blanc. S’y sont ajouté des textes écrits par Les Dissidents eux-mêmes au cours de toutes ces lunes. Un très bel ouvrage aux styles variés et aux univers éclectiques. Contrairement à Pierre Yves Lador, Emanuelle Delle Piane ou Gilles de Montmollin, tous les auteurs ne sont pas connus du grand public. Toutefois, chaque plume, chaque histoire surprend par sa force littéraire ou son originalité. Pour ma part, j’ai été particulièrement interpellée par La Honte, de Lise Favre, qui nous rappelle qu’en Suisse, jusqu’en 1981, on enfermait les filles-mères en prison.

 

Le Silence Brûle : extraits

« Je vais bientôt mourir. Tant d’années ont passé… Mais où se sont-elles enfuies ? Pas moyen de les retrouver. Pourtant, je suis sûr qu’il m’en manque. Je ne peux pas toutes les avoir vécues. Elles se sont faufilées ailleurs pour que je ne puisse pas en profiter. Elles m’ont trompé, elles ont déguisé ma vie pour me faire croire que je l’avais entièrement vécue… » Benjamin Ansermet, Des instants disparus

 « Ses pieds glissaient sur le sol inégal de ce qui pouvait bien être une forêt. Ou une jungle ? Était-elle dans la phase du sommeil paradoxal qui la plongeait dans cette euphorique apesanteur ? Son inconscient l’enfonçait dans cette nuit sauvage, indomptée comme une part d’elle-même ». Sima Dakkus Rassoul, A prendre avec des pincettes.

 « Un beau jour, le rappel à la réalité se fit sans douceur. Il prit la forme d’un taxi et, en quelques minutes, une fois les bagages encoffrés, je fus poussée avec force sur la banquette arrière avec ma sacoche ou plutôt mon fourre-tout sur les genoux et la portière claqua. Je n’eus droit qu’à un dernier regard vide avant de me retrouver, à l’aube d’une nouvelle vie, à l’aéroport international. » Ariane Schneider, Le téléphone.

 « « Vous vous êtes déjà demandé à quoi servent les mathématiques ? »

Celui de derrière avec sa capuche sur la tête :

« A rien, gros cheum ».

La salle rit.

Même l’intello boutonneux, que tout le monde veut tabasser au premier rang, rit.

Une boulette de papier vient cogner la tête du remplaçant. La boulette roule au sol. Il se baisse, ramasse la boulette et dépose la boulette sur le bureau. Ensuite il sort de son sac un cadenas à cinq chiffres ». Sociovore, Barbecue d’étudiants.

« Où suis-je ? Je n’ose pas ouvrir les yeux. Je ne peux pas : mes cils restent collés par le mascara dégouliné. Tout tourbillonne derrière mes clapets que je n’ai pas l’audace de soulever. Sur l’écran rose de mes paupières closes, un drôle de film se déroule par bribes : un zinc, le défilé coloré d’ombrelles plantées dans les cerises des cocktails, mes copines sourdes à mes « stops ! » et bavardes pour les commandes auprès du barman ». Carole Greppin, Galettes de galère.

 

Le Silence Brûle : interview de Sabine Dormond

Qui se cache derrière le joli nom « Les Dissidents de la pleine lune » ?

Les Dissidents de la pleine lune sont un groupe d’auteurs en herbe ou déjà foisonnants de publications qui dissident lune après lune de se réunir pour déclamer des textes tout frais pondus sur des thèmes aussi farfelus que Le sourire de la vitesse, Gilet de canard  ou  Le complexe du citron . Les membres disposent de quatre semaines pour pondre un texte de 3000 signes sur le thème voté par la majorité. Le jour de la réunion, c’est-à-dire le lundi soir le plus proche de la pleine lune, ils en donnent lecture à tour de rôle, les derniers arrivés étant les premiers à passer. Rien d’ésotérique à cela, juste un point de repère dans le ciel qui permet de se réjouir de la prochaine rencontre et de se dire qu’il est temps de réfléchir à ce que le thème nous inspire. Les textes sont ensuite commentés par le groupe qui traque l’anacoluthe aussi bien que les effets de manche plus convaincants. Ce mini-bizutage tient lieu de cotisation, le collectif ayant réussi à fonctionner sans budget pendant dix ans.

Ouvert à toute personne de la région désireuse de le rejoindre de façon occasionnelle ou régulière et désormais doté d’une antenne veveysane, notre collectif est issu de la scission avec un autre groupe d’auteurs appelé le Café aux lettres suite à de menues divergences de vue montées en épingle.

Nous nous réunissons généralement au restaurant de la patinoire de Montchoisi à Lausanne et partageons un repas à l’issue des lectures, mais il nous arrive aussi de nous produire devant un public, par exemple au Cercle littéraire de Lausanne, à la bibliothèque du Jorat, au Lyceum-club, à l’espace Hessel d’Orbe, dans des établissements équipés d’une scène comme le Duke’s bar ou le Sidewalk Café à Lausanne. Ou en tout lieu désireux de nous accueillir.

Comment vous est venue l’idée de ce concours ?

Un ami doté d’un enthousiasme à toute épreuve a lâché à brûle-pourpoint l’idée d’organiser un concours littéraire. Ayant un contact à la Loterie romande, Paul (c’est son prénom) espérait obtenir le soutien de cette institution. Forts de l’expérience accumulée quand nous présidions à tour de rôle l’Association vaudoise des écrivains, Olivier et moi avions pleinement conscience de tout le travail que cette idée implique et du budget à trouver pour la réaliser. Les Dissidents de la Pleine Lune, qui avaient réussi à se passer de trésorerie pendant dix ans, n’avaient pas un sou en caisse. Nous avons donc commencé par constituer un dossier en vue de trouver des sponsors. Et donc un comité. Tandis que Paul a été désigné compte-sous, nous nous sommes autoproclamés, Olivier et moi, respectivement porte-plume et porte-voix. Une fois la somme nécessaire réunie grâce au soutien de la Ville de Lausanne, de la Fondation Michalski et de l’Association vaudoise des écrivains, je me suis entourée de Marilyn Stellini des éditions Kadaline, Julien Dresselaers des éditions Soleil blanc, l’écrivain Christian Dick et Nathalie Romanens de la librairie Des livres et moi à Martigny pour former le jury, mais Nathalie a finalement dû quitter le navire en cours de route par surcroît de travail. Olivier Chapuis a endossé le rôle de secrétaire. C’est lui qui recueillait les textes des concurrent-e-s et qui nous les transmettait de façon anonyme.

Quant à notre trésorier Paul Mayr, nous lui avons découvert de fort utiles compétences de cinéaste quand il s’est agi, Covid oblige, de remplacer la cérémonie initialement prévue en présentiel par une version numérique.

Pourquoi le recueil « Le Silence Brûle » a-t-il été élargi à d’autres thèmes?

Ce recueil n’avait pas seulement pour but de récompenser les lauréat-e-s du concours, mais aussi de célébrer le dixième anniversaire de la fondation des Dissidents de la Pleine Lune. Ce n’était donc que justice que chacun-e de ceux qui le souhaitent puisse y publier un des textes écrits à l’occasion de nos rencontres. Alors que certains d’entre nous ont déjà une longue bibliographie à leur actif, c’était pour d’autres leur première publication. Ce recueil est aussi la première trace écrite de notre collectif en tant que tel. La deuxième partie reflète bien la diversité des thèmes que nous avons traités et leur incongruité.

Sans compter j’ai eu l’impression qu’il y avait plus de femmes que d’hommes dans ce livre. Les femmes sont-elles davantage intéressées par l’écriture que les hommes ou sont-elles de meilleurs écrivains ?

C’est vrai qu’elles ont été beaucoup plus nombreuses que les hommes à participer au concours. Et à finir sur le podium. De là à tirer des généralités… Parmi les Dissidents de la Pleine Lune en revanche, il règne une belle mixité, bien équilibrée. Nous tenons à être un groupe aussi divers et hétéroclite que possible pour que nos textes le soient également.

La question que je pose à chaque auteur-e : à quel personnage littéraire vous identifiez-vous?

 Je m’identifie beaucoup au personnage de Don Quichotte, à son désir de justice et d’équité, à sa touchante maladresse et à sa capacité de vivre dans un univers fantasmagorique qui résiste à tous les assauts de la réalité.

 

Bio des trois fondateurs

Hélène Dormond : résolument Vaudoise, elle a grandi à Lausanne avant de s’établir sur la Côte. Au bout de trente-cinq ans de lecture intensive, elle s’est lancée dans l’écriture en 2009. Depuis lors, elle a publié trois romans et un recueil de nouvelles.

Imprégnée par ses études de psychologie et son activité de travailleuse sociale, elle s’essaie à dépeindre l’humain dans les difficultés du quotidien, de la quête de sens à l’affirmation de soi, avec humour et tendresse. Son personnage de prédilection est le plus modeste aux yeux du monde, voire l’antihéros.

Au travers de ses récits elle questionne nos héritages, nos valeurs et la façon dont ceux-ci entrent en contradiction avec notre mode de vie.

Elle aime surprendre ses lecteurs et provoquer le rire, la réflexion ou la rêverie. Son dernier livre Zone de Contrôle vient de paraître aux Éditions Plaisir de Lire.

 

Sabine Dormond et Olivier Chapuis. ©Jean_Marc Cherix

 

Olivier Chapuis : bien qu’il soit Suisse (dans ses textes, cela ne s’entend pas, il n’a aucun accent, à l’instar des Québécois quand ils chantent), mais il ne fabrique ni montres, ni couteaux, ni chocolats. En revanche, il est un des trois seuls citoyens de ce charmant pays à avoir gagné cinq matchs de suite à l’émission française Des Chiffres et des Lettres. Il est né en 1969, année à laquelle fut mis au jour un squelette de mammouth au Brassus, dans le canton de Vaud. Drôle de coïncidence. De métier, il est correcteur et écrivain.

Sabine Dormond : n’a jamais songé à se définir par son origine géographique. Mais plutôt à travers l’étrange coïncidence qui a voulu qu’elle vienne au monde le jour où s’est éteinte une icône de la révolution cubaine née un 14 juin, comme son fils aîné.

A ce jour, elle a publié plus de recueils de nouvelles que de romans, mais une parution imminente sous le titre de Cara devrait compenser ce déséquilibre. Il y sera question d’intelligence artificielle.

Sabine Dormond a présidé pendant 6 ans l’Association vaudoise des écrivains. Elle anime aussi des ateliers d’écriture et des tables rondes et rédige des chroniques littéraires pour le journal en ligne Bon pour la tête.

 

Joindre Les Dissidents de La Pleine Lune :

Les Dissidents de La Pleine Lune possèdent une page Facebook et un e-mail, si la plume vous démange ou si vous souhaitez commander leur livre bien que cela puisse aussi se faire en librairie : info(arobase)dissidents.fun

Pour regarder la vidéo du vernissage du recueil Le Silence Brûle ce qui vous permettra d’écouter quelques extraits de textes complets, cliquez ici.

 

Demain :

Exceptionnellement, demain je publierai un autre article pour présenter Pépites, le recueil de nouvelles de Sylvie Blondel. DM

Sources :

  • Le Silence Brûle, recueil collectif, Éditions Soleil Blanc
  • Sabine Dormond

 

 

 

Libraires, éditeurs et auteurs romands : les sacrifiés du confinement littéraire (1)

La sinistrose du milieu littéraire

Depuis début 2020 et mars 2021, considérées comme non-essentielles, les librairies suisses ont été fermées par deux fois. Toutes ont subi d’énormes pertes. Si cela s’est avéré difficile pour les libraires cela s’est révélé encore plus cruel pour les éditeurs. Actuellement, les librairies commencent à se « refaire » grâce à leur rayon « développement personnel » -pour celles qui vendent ces publications. Ces ouvrages, déjà fort prisés avant la pandémie, ont encore gagné en lecteurs grâce à elle. Ce n’est pas le cas des éditeurs romands. Beaucoup sont sur le point de glisser leur clé sous le paillasson. Financièrement, les auteurs avons peu perdu.  Pourquoi ? Parce qu’un bassin aussi réduit que la Suisse romande ne permet pas de vivre de l’écriture. Covid ou pas, la plupart d’entre nous n’entrons, ni n’entrerons jamais dans nos frais. Notre récompense est constituée du plaisir des lecteurs à se plonger dans nos livres, de nos rencontres avec eux et avec nos camarades de la littérature. L’écriture se nourrit de lectures, de prises de notes, de rencontres et de recherches diverses qui souvent demandent un investissement financier. Écrire un livre suppose des mois de travail, de longues heures de solitude devant une feuille de papier ou un ordinateur et souvent des frais que le quidam ne peut pas imaginer –repérages, déplacements, acquisition de livres, de matériel informatique, etc. D’où la sinistrose, voire la dépression, que les auteurs et autrices romands ayant sorti un livre durant 2020 et début 2021 se coltinent en ce moment. Ils se sentent frappés d’une double peine : au long travail jamais rémunéré à sa juste valeur, s’ajoute la détresse d’avoir passé des mois à écrire pour alimenter le pilon.

 

Lire local : soutenir les éditeurs et auteurs romands

Avec la fermeture des librairies, les annulations des salons et autres manifestations littéraires, les auteurs romands ayant sorti un livre durant ces confinements ont perdu des mois de travail. Personne n’était au rendez-vous : ni les librairies – qui ont fait au mieux de ce qu’elles pouvaient malgré les contraintes -, ni les salons littéraires, ni les lecteurs puisque les médias ne s’intéressent, souvent, qu’aux auteurs déjà plus que reconnus par le grand public. Certes, la commande de livres par Internet a bien fonctionné. Les libraires ont souvent pris des commandes par e-mail ou par téléphone et fait des envois postaux. Certains ont même livré à domicile. Hélas, ce mode de vente favorise surtout les GAFAM et une certaine littérature commerciale, généralement hexagonale ou nord-américaine. Les livres des auteurs suisses, publiés par des éditeurs romands, ne se vendent généralement qu’en librairie, conseillés par le ou la libraire. Si les points de vente de nos livres sont fermés, nos lecteurs ignorent leur existence. Mais il est encore temps pour lire local. C’est pourquoi je publie, ci-dessous, la liste des livres romands que j’ai présenté en 2020. En cliquant sur la référence, vous aurez directement accès à l’article complet.

Littérature romande : des lectures pour tous les goûts

Fondre, Marianne Brun, roman biographique, éd. BSN press : ce récit retrace la vie de l’athlète Samia Yusuf Omar qui avait représenté la Somalie aux JO de Pékin en 2008. Quatre en plus tard, elle disparaissait en Méditerranée en essayant de joindre l’Italie afin de poursuivre son rêve de médaille tout en échappant à un pays en guerre.

Mémoire des cellules, Marc Agron, roman, éd. L’Âge d’Homme : ce thriller psychologique, écrit avec une très belle plume, nous plonge dans le milieu de l’art contemporain tout en nous contant des histoires très humaines. Tellement humaines que l’auteur n’a pas hésité à transformer l’artiste uranaise Pamela Rosenkranz en personnage de fiction.

Touché par l’amour, tout Homme devient poète, collectif, poésies courtes, éd. Kadaline : livre poétique accessible à tous. L’ouvrage, pas plus grand qu’une main, contient des courts textes célébrant l’amour, écrits par trente-deux acteurs et actrices des lettres romandes, notamment Marc Voltenauer, Mélanie Chappuis, Nicolas Feuz, Abigail Seran ou Gilles de Montmollin. Il peut aisément aider à déclarer votre flamme à une personne aimée. Contrairement à ce que le titre peut laisser croire, beaucoup de textes ne sont pas genrés. Cela permet d’offrir ou de recevoir ce livre quelles que soient nos préférences amoureuses.

Le monde est ma ruelle, d’Olivier Sillig, courts textes de voyages, éd. de L’Aire : cet ouvrage nous emmène de Lausanne au Mexique en passant par l’Allemagne, l’Afrique ou l’Amérique du Sud. Derrière son allure tranquille, ce romancier aux multiples casquettes passe sa vie à globe-trotter. Parcourir les rues et les places, regarder vivre les gens, photographier, s’imprégner des ambiances, prendre des notes, occupe une partie de son existence. Rédigées dans un style concis, presque lapidaire, il nous livre ces déambulations par flashs.

Les Aigrettes, Jean-Luc Fornelli, haïkus humoristiques, éd. du Roc : si le nom de ce trouvère ne vous semble pas familier, peut-être que Gossip, qui participait à l’émission La Soupe est Pleine de la RTS La 1ère, éveillera vos souvenirs. Il s’agit du même artiste,  « un poète givré même l’été » ainsi que l’annonce son ouvrage d’épigrammes et autres haïku(ku) suisses – tels qu’il les a baptisés. Fornelli nous propose de chopiner en sa compagnie avec une poésie tendre, comique, parfois ironique ou un tantinet grivoise.

Tu es la sœur que je choisis, collectif, nouvelles, éd. d’en Bas : cet ouvrage est l’aboutissement d’une initiative du quotidien indépendant Le Courrier. Le journal genevois a demandé à des écrivaines romandes un texte littéraire : une parole de femme, pas forcément militante sur le sujet des discriminations liées au sexe. Ces textes, d’une grande force littéraire et poétique, racontent des vies de femme sans tomber dans le militantisme. Un livre dont je conseille particulièrement la lecture aux hommes qui souvent, malgré eux, ignorent les problèmes spécifiques que les femmes doivent affronter.

L’Horizon et après, Bernadette Richard, illustrations de Catherine Aeschlimann, éd. Torticolis et Frères : cet ouvrage réunit des nouvelles inédites et des récits publiés dans divers livres collectifs, journaux et magazines : le journal Longines, Montres Passion, Hull et Erti Editeur à Paris, le site des Éditions Cousu Mouche… Des textes acides, visionnaires, glauques ou même érotiques. Un dessin de Catherine Aeschlimann illustre chaque nouvelle. Cela donne un côté précieux à ce livre accessible à toutes les bourses.

Je publierai la suite de cette liste la semaine prochaine. DM

Éditions SUR LE HAUT : une petite maison à mille mètres

Dans les Montagnes hors des sentiers battus

De nos jours, les manières d’éditer sont nombreuses et diverses d’autant qu’Internet offre maintes possibilités. Acteur politique et culturel dont la réputation n’est plus à faire dans le canton de Neuchâtel, le chaux-de-fonnier Daniel Musy a créé, en compagnie de ses deux amis Pascal Kaufmann et Jean-Marc Leresche, une petite maison d’édition avec une charte particulière. Ça ressemble à de l’autoédition, et pourtant non, ce n’est pas vraiment de l’autoédition. Le principe : publier gratuitement le manuscrit sur le site des Éditions SUR LE HAUT après l’approbation d’un comité de lecture. En cas de publication papier, les frais reviennent à la personne qui l’a écrit. L’auteur-e accepte que la couverture soit faite par une agence de graphisme et une imprimerie des Montagnes neuchâteloises partenaires de la maison d’édition. La distribution de l’ouvrage se fait par l’ORIF, dont les différents sites de Suisse romande forment, orientent et intègrent des personnes en difficulté dans l’économie. Mais avant l’interview de son fondateur, découvrons deux des livres que SUR LE HAUT a édité.

 

Semaine sainte : Des Rameaux à Pâques de J.-M. Leresche

Les années comportent leurs cycles et les cycles leurs rituels. Publié vers Pâques 2020 durant le premier confinement, en cette Semaine sainte 2021 le récit de Jean-Marc Leresche a retenu mon attention. Des Rameaux à Pâques est un recueil de narrations quotidiennes. Sur un ton actuel, le lecteur est invité à suivre les personnages qui occupent l’arrière-plan des textes bibliques. Qu’ont-ils perçu ? Ont-ils compris ce qui se tramait ?

Extrait :

Pour obtenir gratuitement le texte en entier, cliquez la fin de cette phrase pour le télécharger depuis  la page qui va s’ouvrir. Vous pourrez ainsi découvrir les tableaux de Myriam Leresche qui l’illustrent.

 

Biographie de Jean-Marc Leresche

Jean-Marc Leresche

Après l’obtention de la maturité au début des années nonante, un peu par hasard, Jean-Marc Leresche commence à donner des cours de soutien scolaire à des élèves en difficulté ainsi que des leçons d’initiation à l’informatique. Il travaille également comme écrivain public. Les circonstances de la vie l’amènent à prendre une nouvelle orientation professionnelle, en choisissant la théologie. Il devient diacre de l’Église réformée. Aumônier dans des institutions pour personnes âgées pendant plus de dix ans, il l’a aussi été auprès de personnes marginalisées. Il a également animé un groupe de jeunes. Maintenant, il est diacre dans la paroisse réformée de La Neuveville.

 

Etienne Farron : un psychologue au service d’un artiste

La vie – pas toujours ! – facile de François Egli est un ouvrage du psychologue Etienne Farron qui s’est penché sur les péripéties de son ami d’enfance François Egli. Il s’agit d’une retranscription romancée, une fiction délirante écrite à partir d’une série d’interviews effectuées avec François Egli, un artiste plus connu à l’étranger qu’en Suisse. Le tour de force : transformer 350 pages d’interviews en un roman d’une dimension raisonnable. Dans ce récit, François Egli s’exprime sur un ton libre et gouailleur mêlant fiction et réalité. Véritable personnage de roman, l’artiste a très tôt tourné le dos à la vie bien trop réglée qui lui était réservée pour s’engager sur les chemins sans concession – ou presque ! – de la liberté. Ainsi, « celui qu’on traite d’artiste », parfois d’une manière un peu péjorative, nous emmène des plus fascinants paysages espagnols aux coulisses agitées des ventes aux enchères. Un livre où l’on croise également quelques personnalités bien senties et parfois célèbres. Une existence faite de hauts et de bas qui nous conduit dans le monde de l’art, avec ses richesses artistiques ou monétaires et, parfois, sur des rivages un tantinet plus obscurs. Sur le site de l’éditeur les éloges enthousiastes, concernant ce premier ouvrage, ne manquent pas.

Extrait :

« Il nous sort de derrière une commode un tableau emballé dans du papier kraft, mais vraiment caché derrière la commode. Il nous sort le machin, un tableau de Vallotton. Une pure merveille. Mais une pure merveille. De très longs arbres avec le tronc nu, effilés, un fond pastel, … , mais un truc extraordinaire. Un truc extraordinaire qui est dans le catalogue Vallotton. Il dit « j’en veux deux cent mille balles. J’ai besoin de deux cent mille balles, j’en veux deux cent mille balles. »

On trouve La vie – pas toujours ! – facile de François Egli en librairie. Vous pouvez également le commander directement chez l’éditeur. En cliquant sur la fin de cette phrase, vous pourrez téléchargez gratuitement le texte entier sur la page qui va s’ouvrir. Pdf et livre contiennent également les photographies des œuvres de François Egli.

Etienne Farron

Biographie d’Etienne Farron

Etienne Farron, né en 1964 à Neuchâtel (Suisse) est psychologue du travail. Élève de l’écrivain Jean-Pierre Monnier, hormis l’écriture, on trouve parmi ses passions les relations humaines et l’écologie. Bien que cela puisse paraître contradictoire, c’est un amateur et un adepte de la course automobile qu’il pratique encore à l’occasion.

La nécessité d’un circuit court dans le monde à venir

L’interview de Daniel Musy :

– Comment sont nées Les Éditions SUR LE HAUT ?

En août 2019, après avoir publié à mes frais ma petite fiction politique, Typhons sur l’hôtel de ville, pour laquelle j’avais créé un site internet, j’ai eu l’idée de ce site d’édition d’auteurs de l’Arc jurassien. J’ai tout de suite rencontré plusieurs « écrivants » intéressés qui n’auraient eu aucune chance de voir publier leurs textes dans une maison traditionnelle. Ils sont devenus des amis et nous formons un solide comité éditorial. Une graphiste amie et maintenant partenaire des éditions, Joanne Matthey, a créé le logo et l’imprimerie Monney, à trois cents mètres de chez moi, a été d’accord de se lancer dans l’aventure.

– Faut-il vivre dans l’Arc Jurassien pour publier aux Éditions SUR LE HAUT?

L’Arc jurassien va de Genève à Bâle et de Montbéliard à Lons-le-Saunier ! Nous n’avons aucune ligne éditoriale particulière fixée d’avance et accueillons chacun qui présente un projet de fiction, de témoignages, de poésie et de tout autre genre. Un projet qu’il désire voir se matérialiser dans « son » livre.

– Si ce n’est pas de l’autoédition cela y ressemble. Vous avez été professeur de français, de philosophie et d’histoire de l’art. On ne peut pas douter de la qualité des livres publiés. Toutefois la démarche sort de l’ordinaire et dans le milieu littéraire, ou de l’avis de certains lecteurs potentiels, elle pourrait paraître amateur. Est-ce une manière d’affirmer le côté anarchiste – dans le sens militant du terme -, le refus d’entrer dans le moule dont les Chaux-de-Fonniers sont parfois si fiers ?

La différence avec l’autoédition est qu’avec nous l’auteur est conseillé et accompagné dans son projet. Certes, il prend en charge les frais d’impression ainsi que le graphisme de la page de couverture mais le site l’accueille gratuitement. C’est pour échapper au modèle professoral d’un professionnel de l’enseignement que je consacre une petite partie de ma retraite à cette activité. Oui, je suis « amateur » de belles rencontres avec des gens qui veulent publier « leur » livre à eux, défenseur de proximité entre eux, la graphiste, l’imprimerie et les Éditions SUR LE HAUT. Si entrer dans le moule de certains éditeurs romands c’est faire imprimer ses livres dans les pays de l’Est, alors oui nous sommes fiers qu’ici à La Chaux-de-Fonds nous puissions sortir du « milieu », si milieu il y a. Et entrer dans une nouvelle logique de « circuit court », si nécessaire dans le monde à venir.

– Par quel biais vos livres sont-ils diffusés ? Peut-on les acquérir à Bulle, Orbe ou Thônex ?

Jusqu’ici toutes les demandes de librairies romandes sont relayées aux auteurs qui leur envoient leurs livres. Pour les prochaines publications, nous mettrons en place, pour les auteurs qui le souhaitent, une petite structure de distribution en collaboration avec l’ORIF de La Chaux-de-Fonds (Organisation romande d’intégration et de formation), qui diffuse aussi les ouvrages des Éditions La Salamandre.

 – Parlez-nous des auteurs et des ouvrages publiés.

Je veux mettre en avant quelques ouvrages parus en 2020, qui donnent la parole à ceux qui, sans les Éditions SUR LE HAUT, ne l’auraient pas eue : Une enfance à Shangaï ou les souvenirs d’enfance d’Edgar Tripet, ancien directeur du Gymnase, racontés par Claude-Eric Hippenmeyer ; la vie, pas toujours facile, d’un artiste-galeriste-bourlingueur, François Egli, racontée par lui et mise en forme par son ami Etienne Farron ; les souvenirs posthumes des balades avec sa cousine de PascalF Kaufmann, paysan-écrivain, publiés par sa famille ; le premier volume des Mémoires des Montagnon-ne-s consacré au popiste hockeyeur et voyageur Charles De La Reussille, par l’ancien journaliste Robert Nussbaum. Avec la publication de ces quatre livres s’esquisse, il faut le souligner, un axe éditorial possible pour la suite. Valorisons aussi Jean-Marc Leresche, un réformé engagé et « connecté ». Il a publié notamment un roman original, Mattaï : c’est l’histoire imaginée du 13e apôtre !

– Membre du parti socialiste depuis 2001, vous avez siégé au Conseil Général de La Chaux-de-Fonds de 2004 à 2016. Vous avez présidé ce Conseil de février à mai 2016. Les Editions SUR LE HAUT sont-elles ouvertes à tous les courants politiques et de pensée ?

Dans la charte qui lie les auteurs à nos éditions, nous demandons à ceux-ci de « respecter les personnes sous toutes les formes ». Nous ne tolérerons pas tout ! Comme le dit Popper, la tolérance a ses limites. Si nous acceptons que l’intolérance soit tolérée, nous détruisons alors la tolérance et l’État de droit.

– Une question que je pose aux personnes que j’interviewe : à quel personnage littéraire vous identifiez-vous ? Ou quel personnage littéraire auriez-vous aimé être, et pourquoi ?

Ignacio Abel, le héros de Dans la grande nuit du temps, de Antonio Muñoz Molina. Il a été créé par un écrivain extraordinaire de quarante-cinq jours plus âgé que moi. Il voyage dans le temps, matière même de l’écriture romanesque et élément constitutif de nos identités.

 

Daniel Musy tient aussi le blog Mille Tableaux

Sources :

  • Les Éditions SUR LE HAUT
  • RTN
  • Mille Tableaux, le blog de Daniel Musy

 

 

 

Cécile Guilbert : « Écrits Stupéfiants » drogues et littérature de Homère à Despentes

Un essai dédié aux écrits influencés par les psychotropes

Ma littérature est largement empreinte de drogue. C’est quasiment le thème principal de Swiss trash mais elle apparaît également dans Fille facile et Inertie. Raison pour laquelle je me suis précipitée chez mon dealeur de livres, lorsque j’ai entendu parler, à sa parution en septembre 2019, d’Écrits stupéfiants un essai de Cécile Guilbert. Parue chez Robert Laffont, cette bible répertorie les écrivains – et quelques écrivaines – qui ont écrit sous l’influence de produits psychotropes. Ou du moins à leur sujet. Après un prologue autobiographique de l’auteur, le livre nous emmène pour un long voyage dans les paradis et les enfers artificiels : « de l’Inde védique à l’époque contemporaine des drogues de synthèse, des pharmacopées antiques et moyenâgeuses à la vogue moderne des psychostimulants en passant par l’opiophagie britannique, le cannabis romantique, l’opiomanie coloniale, la morphine ou l’éther fin-de-siècle, l’invention du « junkie » au XXe siècle et la révolution psychédéliques des années 60. » Un volume de 1440 pages, imprimé sur un papier aussi fin que celui dont on roule les joints, contenant plus de 300 textes écrits par 220 auteurs. Les grands classiques y côtoient les contemporains ou des signatures moins connues ou parfois oubliées. Je ne peux citer tous les auteurs dont on peut lire les lignes qui se réfèrent aux drogues. L’on ne s’étonne guère d’y rencontrer Gérard de Nerval, Jack Kerouac, Françoise Sagan, Hubert Selby Jr ou André Malraux. C’est plus surprenant lorsqu’on y croise Hérodote, qui écrivait sous l’influence du chanvre, les sœurs Brontë ou Pline L’Ancien. Mais l’on y cite également une pléthore de personnages historiques comme Napoléon ou Joséphine de Beauharnais, des musiciens de toutes les époques et de tous les genres musicaux, des artistes peintres ou de music-hall… j’en passe. Je suis toutefois surprise de ne pas y avoir trouvé Guillaume Dustan, écrivain homosexuel et directeur de collection aux éditions Balland, décédé en 2005, ou Johann Zarca, prix de Flore 2017, actuellement l’écrivain le plus expert de l’Hexagone en matière de drogues diverses. Peu importe ! Son contenu reste si vaste, que je l’inhale peu à peu, sniffant deci delà pour ne pas sombrer dans une overdose de lecture stupéfiante mais dont je ne regrette en rien l’acquisition.

 

Écrits stupéfiants : un essai en quatre parties

Pour chaque drogue, à la suite de son histoire sacrée, médicale et culturelle, est proposée une anthologie chronologique de textes précédés d’instructions détaillées. Pour classer les drogues, les auteurs qui s’y réfèrent et leurs textes, Cécile Guilbert a choisi une manière plus littéraire que scientifique. Elle se réfère à la liste, désormais un peu obsolète mais fort poétique, établie en 1928 par le pharmacologue allemand Louis Lewin. « Cette somme se divise en quatre grandes parties : Euphorica (opium, morphine, héroïne), Phantastica (cannabis, plantes divinatoires, peyotl et mescaline, champignons hallucinogènes, LSD) Inebrientia (éther, solvants) Excitantia (cocaïne et crack, amphétamines, ecstasy, GHB… »

 

Écrits stupéfiants : quelques extraits

Ce livre « qui révèle une pratique universelle, peut aussi se lire comme une histoire parallèle de la littérature mondiale tous genres confondus puisqu’on y trouve des poèmes, des récits, des romans, des nouvelles, du théâtre, des lettres, des journaux intimes, des essais, des comptes rendus d’expériences, des textes médicaux et anthropologiques… ». De la partie Euphorica, j’insère ci-dessous une page du livre recadrée ou l’éloge faite à la morphine par un inconnu. Suivent des minis extraits des autres types de drogues.

Euphorica :

Phantastica :

« En même temps, dans l’ombre de cette lumière, la peur se nichait en lui. Il n’osait détourner le regard vers les recoins où s’esquissaient des mouvements. Et la lumière gagnait encore en intensité. Les chandeliers commençaient déjà à étinceler; ils se changeaient en joyaux. » Ernst Jünger. Stupéfiant : LSD.

« Je passe sous silence la façon dont le jus qu’on en tire, mis dans les oreilles (quelques gouttes suffisent) tue toute espèce de vermine à laquelle la putréfaction aurait donné naissance, ainsi que toute autre petite bête qui y serait entrée. » François Rabelais. Stupéfiant : cannabis

 

Inebreantia :

« Cela nous apprend ce que les femmes viennent chercher rue de la Ferme : là encore, le poison n’est qu’un prétexte. Ce ne sont point des éthéromanes convaincues ; elles ne souhaitent pas ces sensations d’engourdissement qui tentent les clients du bar de la rue Monge ; elles veulent seulement dîner en tête-à-tête, loin des hommes, et toujours passer en tête-à-tête la nuit tranquillement. Et si elles boivent de l’éther, c’est uniquement pour fouetter leurs sens. » René Schwaeblé. Stupéfiant : éther

 

Excitantia :

« La petite poudre blanche, en lui entrant par le nez, lui donna une sensation de fraîcheur aromatique, comme si des huiles essentielles de cèdre et de thym s’étaient volatilisées dans sa gorge. Quelques parcelles, en passant des narines à l’arrière bouche, lui provoquèrent une légère cuisson au fond de la gorge et un goût amer sur la langue. » Pitigrilli. Stupéfiant : cocaïne.

 

Cécile Guilbert : une essayiste qui connaît son sujet

Les stupéfiants offrent à la création artistique et littéraire, parfois industrielle ou scientifique, des univers que l’on aurait négligés sans leur consommation. Cependant, l’essayiste reste persuadée qu’ils ne participent en rien au talent ou au génie d’un créateur. Si l’on a du génie, les toxiques apporteront PEUT-ÊTRE une touche de plus, tout en nous faisant risquer d’y laisser notre peau et notre art. Si l’on a un talent médiocre, en prendre n’apportera rien. Elle diminuera même la qualité de l’œuvre. Mais qu’elle affaiblisse ou détruise, la drogue reste un puissant moteur de création. La preuve en est cet ouvrage.

Née à la fin de 1963, Cécile Guilbert est entrée en « stupéfiants » à l’âge de 13 ans, en pleine explosion punk, d’abord à travers la littérature de Baudelaire et de Burroughs ensuite avec de l’éther. A quatorze ans, elle consomme pour la première fois du LSD et, à Majorque, fume ses premiers joints. En 1979, lors d’une soirée à Montréal, un homme plus âgé qu’elle lui offre pour la première fois de la cocaïne. Elle inhale de l’héroïne à 19 ans. Ça lui plaît beaucoup, ce qui ne l’empêche pas d’entrer à Science Po. Toutefois, au fil des années, les drogues la rendent de plus en plus paranoïaque. Ce qui l’incite à échanger une addiction pour une autre : elle délaisse un peu les stupéfiants « classiques » pour s’adonner sans retenue à la lecture de Saint-Simon, Nabokov, Proust, Kafka… Du coup, elle rate la décennie de l’ecstasy et de toutes les drogues synthétiques qui ont suivi préférant lire, écrire et voyager. Elle consomme toujours des psychoactifs, mais ils l’intéressent de moins en moins. Fin 2003, elle fête ses quarante ans dans une orgie de cocaïne mais depuis plus rien. Elle a longtemps regretté de n’avoir jamais essayé l’opium et la mescaline, des plaisirs dont elle ne s’enivre qu’à travers la lecture et l’écriture. Essayiste, romancière, journaliste et critique littéraire, Cécile Guilbert est l’auteur d’une œuvre publiée chez Gallimard et Grasset composée d’essais ( Saint-Simon ou L’Encre de la Subversion, Pour Guy Debord, L’Écrivain le plus libre…) des récits (Réanimation), de romans (Le Musée national, Les Républicains), de préfaces et d’anthologies. Elle a reçu le prix Médicis de l’essai en 2008 pour Warhol Spirit. Elle a préfacé pour la collections Bouquins les œuvres de Vladimir Nabokov, Sacher-Masoch et Bret Easton Ellis.

Sources :

  • Écrits Stupéfiants, Cécile Guilbert, Éditions Robert Laffont
  • France Culture

Dessins de presse : quand La Torche enflamme le papier

Fous et bouffons : les médecins de l’esprit

Dans l’Antiquité la moquerie, élevée jusqu’à des sphères divines, figurait à la table des dieux. Par la suite, elle s’est transformée en divertissement royal tout en invitant le peuple à se taper les cuisses.

Dans la mythologie grecque, Momos est le dieu de la raillerie et des taquineries, le représentant de l’ironie et de la moquerie. Il endosse le rôle de bouffon pour les divinités de l’Olympe. Toutefois, après s’être gaussé de toutes les créations des dieux, ces derniers le bannissent. Dionysos, le seul dieu qui le supporte, l’accueille.

Au Moyen Âge et jusqu’à la Renaissance, le bouffon, également nommé fou du roi  – ou la folle, Cathelot, par exemple, amusait Catherine de Médicis – était un divertissement prisé de la bonne société fortunée. On manque d’information à son sujet mais tout laisse supposer que son existence remonte à très loin. Les documents révèlent qu’Attila disposait d’un bouffon pour égayer ses convives. Les fous usaient généralement d’un humour trivial. Souvent très bien payés pour se moquer du souverain, ce travail s’avérerait parfois risqué.

Humoristes : les bouffons contemporains

L’une de leur mission consistait à faire apparaître la dualité de chacun. Dans le tarot, le fou représente la folie et l’errance, mais aussi la liberté et l’insouciance. De nos jours les humoristes, et parmi eux les dessinateurs de presse, font office non seulement de fous du roi – c’est-à-dire des personnes qui détiennent un pouvoir – mais également de bouffons du peuple. Hélas, leur humour est souvent mal perçu, donc décrié. A l’heure où le monde entier s’ingénie à les éliminer du paysage médiatique, certains n’hésitent pas à les soutenir, à l’instar du journaliste Luc Schindelholz et des Éditions du ROC. Sans doute avec raison, puisqu’il est prouvé que se détacher des choses sérieuses et d’en rire, déclenche une augmentation de la sécrétion d’hormones qui régularisent l’humeur, éloignent la dépression, boostent le système immunitaire et augmentent le seuil de tolérance à la douleur. Selon certaines études, dans les années 1930, pendant la Grande Dépression alors que des guerres se profilaient, on riait plus de 15 minutes par jour. Actuellement, notre rire quotidien ne dépasse pas les 5 minutes. Au moment où la sinistrose s’infiltre de partout, il serait peut-être sage d’en revenir à la meilleure thérapie que la nature nous offre.

 

La Torche 2.0 / Deux ans de dessin de presse, éd. du ROC.

La Torche 2.0 : un album pour changer du numérique

Imaginée par Luc Schindelholz La Torche 2.0 est composée de 25 dessinateurs et dessinatrices de presse et de 15 rédactrices et rédacteurs. Ensemble, ils travaillent depuis mai 2018 pour un média satirique et innovant, qui envoie des dessins humoristiques directement sur le Smartphone des abonnés. La formule, exempte des inévitables commentaires que les habitués peuvent faire sur la plupart des supports numériques, permet à chacun de sourire sans être parasité par d’éventuelles désobligeantes remarques envers les créateurs. La Torche 2.0 compte six rédactions virtuelles dans les six cantons romands. Elles ont, à ce jour, produit près de deux mille dessins et autant de textes satiriques de proximité. Chaque canton à ses propres dessinateurs, bien au fait de la politique et des anecdotes locales ainsi que de ses acteurs.

Cent pour cent indépendante, sans publicité ni mécène, la Torche 2.0 se bat pour survivre sans subvention, grâce à ses abonnements et au soutien moral de son parrain, le dessinateur Chappatte. Elle compte environ mille fidèles dans toute la Suisse romande.

Le meilleur de cette brûlante production a été réuni aux éditions du ROC dans un florilège de 112 pages comportant les 100 meilleurs dessins ainsi qu’un texte par rédacteur ou rédactrice. Patrick Chappatte a préfacé l’album :

« La Torche n’est pas seulement un service rendu à la satire, c’est aussi une bonne idée de start-up : le dessin d’actualité, ce déclic de l’esprit, se prête parfaitement au clic de l’écran. Quand il surgit sur votre Smartphone et vous bondit à la figure, l’humour déploie tout son effet. Une preuve que les nouvelles technologies ne sont pas (toujours) les ennemies des médias, mais (parfois) leurs nouvelles chances.

Cette chance il faut continuer à la donner à Luc et aux dessinateurs de talent qui animent La Torche. Ce marché est rude, et le pari est loin d’être gagné. Alors pour chasser la morose noirceur de notre époque, allumez quelques torches autour de vous : abonnez vous et vos amis à La Torche. »

Actuellement, La Torche intéresse les dessinateurs français et tente un financement par la plateforme de Ulule auquel vous pouvez encore y participer d’ici demain.

 

Rétrospective du dessin de presse Suisse 2020

Dans la même veine, les éditions du Roc ont également fait paraître la rétrospective du dessin de presse 2020. Chaque fin d’année, la Maison du Dessin de Presse expose le meilleur de la production annuelle suisse publiée dans les médias, principalement papier. Car il s’agit du travail premier des dessinateurs de presse : commenter l’actualité au jour le jour. Ainsi, le dessin demeure un instantané satirique de l’histoire en cours, un témoin des événements dans le monde.

Sur plus de 1500 dessins réceptionnés, la Maison du Dessin de Presse en sélectionne 250. Une sélection encore réduite de moitié concernant l’ouvrage sur lequel l’on se penche aujourd’hui. Naturellement, le SARS-CoV-2 s’y taille une bonne place tout comme les votations sur l’acquisition des avions de combat.

Souriez ! On vous dessine !

 

Retro du dessin de presse suisse 2020, éd. du ROC

Sources :

  • Editions du ROC
  • La Torche 2.0 / Deux ans de dessin de presse, éd. du ROC
  • Retro du dessin de presse suisse 2020, éd. du ROC
  • Communiqués de presse des éditions du ROC
  • RTS
  • Wikipédia