Le Gore des Alpes (2) : quelques auteur*e*s et numéros de la saignante collection

Le Gore  des Alpes : 13 romans, 1 BD et 1 recueil collectif

Cette collection est un hommage à la littérature pulp des ’50s. Ce sont des références à la culture populaire, aux monstres du passé et à ceux, plus vicieux encore, d’aujourd’hui. C’est de l’horreur, du macabre, du funeste. Sorcières et animaux anthropophages, mafieux toxicomanes et fascistes cannibales, clergé décadent et cadavres revenus du royaume des morts. C’est un sabbat au milieu d’une clairière, un carnotzet aux parfums de l’enfer, des hurlements lugubres dans les ténèbres.

Ces récits s’adressent à un public averti qui cherche à se divertir tout en apprenant deux ou trois choses sur l’âme humaine, l’Histoire ou les mythes de nos régions. Le Gore des Alpes c’est l’opposé, en très exagéré, de la vision idyllique que les touristes se font de la Suisse et de la montagne. Jusqu’à présent cette collection a publié 15 numéros dont un roman graphique et un collectif.

Les auteurs : CV longs comme des bras (tranchés)

Hier, nous avons rencontré le directeur de collection Philippe Battaglia. La pointe acérée de sa plume a également griffé deux ouvrages du Gore des Alpes : La robe de béton et La fête de la vicieuse.  Aujourd’hui, je vous propose de faire la connaissance de quelques auteur-e-s et de leurs livres. Le moins que l’on puisse dire c’est qu’ils affichent tous et toutes de sérieux curriculum vitæ. A l’évidence, ce ne sont ni des paumés ni des petits rigolos.

Gabriel Bender : Les folles de Morzine

Le livre : Sociologue et historien Gabriel Bender, l’universitaire qui considère que de nos jours l’humain est un Celte avec un smartphone, s’est penché sur une véritable histoire qui a eu lieu  dans un village de Haute-Savoie au 19ème siècle.  Pendant environ treize ans, de 1857 à 1870, plusieurs dizaines de femmes de Morzine furent prises de convulsions, d’hallucinations, de crises de somnambulisme. Elles se disaient possédées par des diables. Malice ou maléfice ? Femmes malades ou révolte féministe ? Gabriel Bender résout l’énigme avec la prudence de l’historien des Alpes et la hauteur de vue d’un sociologue alpestre.

Bio : Originaire de Fully, Gabriel Bender est né en 1962. D’abord travailleur social, il obtient en 1993 une licence en sociologie, puis en 1996, un diplôme d’études supérieures en histoire économique et sociale. Aujourd’hui, il est professeur et chargé de recherche à la HETS – Haute École de Travail Social. Après la publications de plusieurs ouvrages consacrés aux sciences sociales, comme Politiques culturelles en Valais ou Fioul Sentimental, Gabriel Bender s’est éclaté à écrire du gore. C’est d’ailleurs lui qui a eu l’honneur d’inaugurer cette collection avec La Chienne du Tzain-Bernard qui rend hommage aux premières œuvres de la littérature gothique trash.

Stéphanie Glassey : L’Éventreuse

Le livre : spécialiste de la littérature du 17ème siècle, Stéphanie Glassey nous emmène dans le vécu le plus sordide des femmes. Le récit s’écrit sous les clochers des villages d’autrefois, bien-pensants et malfaisants, où le sexe prétendu faible était victime de la violence de l’hypocrisie et de la religion.

L’auteure nous ouvre une lucarne sur une faiseuse d’anges que le destin condamne à devenir éventreuse. Impuissant, le lectorat assiste aux horreurs des avortements à la dure, avec aiguilles à tricoter, cuillères et coups de poings, au destin des fœtus, aux abus subis par les enfants placés, et à la culture patriarcale pratiquée dans le secret et l’oppression. Stéphanie Glassey ne nous épargne rien des souffrances du viol, des grossesses à répétitions, de l’accouchement et surtout de celles des fausses couches provoquées ou pas. Un monde où les femmes ne sont que des objets corvéables, des outres à soulager les instincts les immondes de certains mâles – peut-on encore les appeler des hommes ? Une époque pas si lointaine où l’on accuse de sorcellerie celles qui apportent de l’aide à leurs pairs. Dans cet odieux obscurantisme, contre toute attente, c’est par le démon et ses suppôts que le Bien arrive. L’Éventreuse est un roman d’une violence hurlante de vérité. Entre deux saines manifestations démoniaques il nous rappelle pourquoi, nous les femmes, nous sommes battues pour obtenir le droit à la contraception et à l’avortement.

Bio : Née en 1988 et domiciliée à Nendaz, Stéphanie Glassey exerce les métiers de thérapeute et d’enseignante. En 2008, elle entre à l’Université de Fribourg où elle étudie les Lettres et se consacre essentiellement à la littérature du 17ème siècle. En 2013, elle obtient son Master en français. Confidences assassines est son premier roman paru en 2019, L’Éventreuse en 2020 et la La Dernière danse des lucioles en 2021. Son projet actuel, Enfances assassinées, est au bénéfice d’une bourse de la culture de l’État du Valais.

Extrait de L’Éventreuse de Stéphanie Glassey.

François Maret : VenZeance

Le livre : le dessinateur signe l’unique bande dessinée du Gore des Alpes. Une expérience qu’il faudrait renouveler.

VenZeance est un roman graphique, accouplement farouche et sanglant entre un road movie post-apocalyptique et une errance burlesque pour la survie. Une toxine a transformé les joyeux convives du Gala du FC Sion en zombies décérébrés. La horde sous contrôle va déferler sur le Valais. Heureusement l’armée suisse veille…

Bio : Né en 1961, François Maret est un dessinateur et scénariste de bande dessinée, illustrateur et enseignant. Instituteur, il a travaillé pendant dix ans dans les écoles primaires. Ayant obtenu le diplôme d’enseignement du dessin, il devient professeur des Arts Visuels et de l’Histoire de l’Art au lycée-collège cantonal de la Planta. De 1989 à 1992, il a été responsable des graphismes et des illustrations pour des livres scolaires d’histoire, de géographie et de sciences naturelles. Il a également travaillé comme dessinateur pour la presse suisse : Femina, La Liberté, Le Courrier, Le Quotidien Jurassien. Il a publié Eden, trois tomes de science-fiction humoristique aux Éditions Paquet, en 2008. Il partage son temps entre le dessin de presse, l’enseignement, et la BD.

Louise Anne Bouchard : Delirium

Le livre : L’écrivaine helvético-canadienne signe ici son 18ème ouvrage où l’on découvre les aventures de Jérôme, un homme qui boit trop, baise trop, et s’est fait renvoyer de son travail. Il décide de se refaire une santé en Valais, mais là encore, il baise et boit trop. Pompon : dans ses délires, on l’enlève et on le malmène. Une séquestration ou se multiplient les sévices pour l’empêcher de toucher à la légende du Dolly Pop, la mystérieuse disparition de huit beautés qui gagnaient leur vie en vendant leurs charmes et parfois leurs petites culottes.

Bio : Grâce à ce livre et à ses précédents ouvrages noirs, Louise Anne Bouchard fait partie des 25 autrices du monde entier à être invitée dix jours durant au Festival International du Roman Noir (FIRN). Ce projet est cofinancé par Pro Helvetia.

Louise Anne Bouchard a commencé à écrire à l’âge de douze ans. D’abord photographe de formation (pendant trois ans, elle est photographe de mode free-lance), elle poursuivit des études en Littérature à l’Université du Québec à Montréal. Sa rencontre avec son professeur de Littérature Étrangère, Eva Le Grand, est l’une des plus éblouissantes de ses débuts d’écrivain. Elle a reçu deux prix littéraires dont un canadien.

Jean-François Fournier : Les démons du pierrier

Le livre : Un curé voit, avec rage, la modernité arriver dans son petit village. Pour maintenir les villageois sous le pouvoir de l’église, il n’hésitera pas à pousser au crime les deux hommes les plus riches de la région, dont l’ampleur de la perversité assoit les dégénérés de Délivrance sur le banc des enfants de chœur. La situation va évidemment lui échapper et devenir un véritable enfer. Un hommage émétique à Necrorian, l’auteur culte de la littérature gore, et à son mythique Blood-Sex !

Bio : L’écrivain et critique littéraire Jean-Michel Olivier n’a pas hésité à affirmer, dans sa présentation des Démons du pierrier, que Jean-François Fournier mériterait l’une des premières places parmi les écrivains suisses.

Né le 12 janvier 1966 à Saint-Maurice, Jean-François Fournier est journaliste et écrivain. Il était rédacteur en chef du quotidien Le Nouvelliste, jusqu’en octobre 2013. Il a dirigé ensuite la mythique Revue Automobile, le plus vieux journal européen traitant des quatre roues. Puis il a administré le Théâtre du Baladin et officié comme Délégué culturel de la commune de Savièse. Premier Prix de poésie de l’Association valaisanne des écrivains en 1983, il reçoit en 1988 le Prix de journalisme du Conseil de l’Europe et, en 1998, le canton du Valais lui décerne le Prix d’encouragement pour l’ensemble de sa production littéraire.

Extrait des Démons du pierrier de J.-F Fournier.

Collectif : Ça sent le sapin

Livre : Un ouvrage collectif rassemblant treize aventures macabres. Un Noël pas piqué des vers où l’on cueille, sous le sapin, des champignons parasites, des occultistes nazis, des extraterrestres vicieux, des lutins esclavagistes, des morts-vivants, des cannibales, des sociopathes, des psychopathes, des mille-pattes et du pâté en croûte.

Les auteurs : Philippe Battaglia, Gabriel Bender, Louise Anne Bouchard, Nicolas Feuz, Jean-François Fournier, Jordi Gabioud, Stéphanie Glassey, Joël Jenzer, François Maret, Nicolas Millié, Olive, Dita von Spott & Vincho.

 

Sources

– Site Le Gore des Alpes

– ViceVersa littérature

– Le village suisse du livre

– Babelio

– Wikipedia

Philippe Battaglia et Le Gore des Alpes (1) : du sexe, de l’horreur et même de l’Histoire

Le Gore des Alpes : un inconvenant délice

Monstres humains ou fantastiques, démons, adorateurs de Satan, tortures, possessions, sexe, Nazis, médecins sadiques, sorcellerie, zombies, vengeances… – la liste n’est pas exhaustive – la collection de petits livres trash, née en Valais et sobrement intitulée Gore des Alpes, ne nous épargne aucune fantaisie extrême et sanglante. Tout cela sans nous sortir de nos beaux paysages de cartes postales. Sans que les auteur-e-s et les personnalités suisses les plus en vue ne rechignent à se lancer dans le jubilatoire mais périlleux exercice d’une écriture violente et excessive. Imaginez le spectre d’une espèce de Quentin Tarantino déjanté possédant les écrivain-e-s et dessinateurs de notre belle Helvétie, et vous serez encore loin du compte.

Parmi les personnes de plume qui ont succombé au charme de la terreur et de l’hémoglobine, l’on trouve le sociologue et historien Gabriel Bender, les journalistes Joël Jenzer et Jean-François Fournier, l’écrivaine Louise Anne Bouchard ou le talentueux artiste peintre et illustrateur Ludovic Chappex qui signe toutes les couvertures. Olivia Gerig, autrice de L’Ogre du Salève dont tout le monde se souvient et de la trilogie Le Mage Noir, s’est également laissé ensorceler. C’est ce printemps que l’on lira sa prose la plus hard !

Évidemment, cet esprit n’a pu s’empêcher d’envoûter Nicolas Feuz qui, depuis des années déploie l’ombre de ses immenses ailes sur l’ensemble de la littérature romande. Sont-ce celles d’un ange gardien qui protège les lettres et ses humbles serviteurs, ou celles d’un féroce vampire suceur d’encre et de sang ? Toutes les rumeurs circulent. Toutes les hypothèses semblent possibles. Seul Chronos, dieu issu du néant selon certaines traditions, nous révèlera peut-être un jour la véritable substance de ce que sème, entre les lignes, ce procureur devenu un incontournable de tout ce que l’édition locale produit depuis deux lustres. En attendant ce Jugement Dernier, les milliers de lecteurs qu’il délecte se régalent notamment du Verdict de la Truite.

A noter pourtant que cette collection, terriblement sombre, saupoudrée d’une touche de grotesque, se réfère souvent à l’Histoire avec un grand H. Dans ma publication de demain, je présenterai quelques-unes de ces publications ainsi que leurs auteur-e-s.

Philippe Battaglia : l’homme aux multiples casquettes

Philippe Battaglia, c’est le genre d’irrévérencieux monsieur suffisamment hyperactif et bien intégré dans la société pour qu’à l’instar d’un certain procureur, on le trouve partout. Je suis d’ailleurs surprise de ne pas encore l’avoir rencontré dans ma paella entre cinq grains de riz, quatre lamelles de poivron, deux moules, une crevette et une cuisse de poulet. Je vous invite à lire sa biographie au bas de l’article. Elle est aussi divertissante et dense en rebondissements que cette série de livres à laquelle il participe, entre autres, comme directeur de collection.

– Comment vous est venue l’idée de vous lancer dans cette aventure ?

Avant toute chose, je dois préciser que je suis une pièce rapportée, même si j’ai aujourd’hui plusieurs casquettes au sein du collectif, puisque j’y suis éditeur, directeur de la collection et auteur. Au commencement étaient trois hommes (comme pour la création de la Suisse, mais n’y voyez aucun lien de cause à effet) qui sont ensuite venus en chercher deux autres dont moi. Le Gore des Alpes est donc une maison d’édition et une collection du même nom, le tout géré par cinq individus peu recommandables. L’idée est venue peu après les votations sur les Jeux Olympiques en Valais, une campagne extrêmement clivante durant laquelle le canton a été peint dans tout ce qu’il a de plus merveilleux. Une vraie carte postale. Les trois fondateurs se sont alors dit que non, la Valais, ce n’est pas que ça. Ce sont aussi des drames, des secrets, des catastrophes naturelles, une part d’obscurantisme lié à la tradition religieuse, bref, un terrain fertile pour qui veut s’amuser avec la part d’ombre des choses. Cela étant dit, nous souhaitons aujourd’hui sortir des limites valaisannes, tant avec nos histoires qu’avec nos auteurs et autrices. Après tout, il y a des aussi des Alpes en France et en Italie, par exemple.

Nous choisissons nos textes avec soin. Il y a des plumes que nous allons chercher car nous apprécions leur style ou leur force et d’autres qui viennent à nous. Il nous arrive malheureusement fréquemment de refuser des manuscrits parce qu’ils ne correspondent pas à l’esprit que nous souhaitons donner à la collection.

Il y a, c’est vrai, plus d’hommes que de femmes parmi notre collectif. Je ne saurais donner d’arguments valables à cet état de fait car nous faisons pourtant notre possible pour trouver des autrices. D’après les discussions que j’ai pu avoir avec certaines d’entre elles, il ressort qu’il y a une forme d’illégitimité à écrire du gore ou de l’horreur, comme si elles ne s’y sentaient pas à leur place. Je le déplore.

– Pourquoi vous risquer dans du gore à une époque où tout semble conduire vers l’aseptisé politiquement correct ?

Nous allons justement à contre-courant car il y a chez nous un gros ras le bol du politiquement correct. Beaucoup d’artistes vous le diront, créer aujourd’hui, c’est danser sur une corde très fine. Le gore et le trash ont ceci qu’ils peuvent nous permettre toutes les exubérances, toutes les fantaisies. C’est très jouissif. Pour autant, cela n’est pas totalement gratuit. Dans la grande majorité de nos textes, il y a des thématiques, des sous-textes historiques ou sociaux. Ce que je dis toujours à nos auteurs / trices, c’est que l’histoire doit fonctionner sans le gore. Si l’histoire est bonne ainsi, alors il est possible de rajouter quelques tartines de gore pour que la sauce prenne.

Éveiller des colères, ma foi, c’est toujours le risque quand on s’expose publiquement. Pour ma part, j’y suis habitué. J’écris des livres et des chroniques pour la presse et la radio. Il faut bien être conscient qu’on ne sait jamais par qui on va être lu et donc comment nos mots seront perçus ou interprétés. Pour autant, j’estime n’être responsable que de ce que je dis, pas de la manière dont ce que je dis sera compris.

C’est pourquoi nous ne faisons aucune censure. Ce que nous jugeons, ce sont les intentions de l’auteur, sa sincérité. Il nous est arrivé de demander à des auteurs de supprimer ou de modifier un passage. Pas parce que c’était trop choquant mais parce que c’était gratuit et que ça n’apportait rien au récit. Ce ne sont d’ailleurs pas forcément les scènes les plus trash que nous faisons modifier.

– Le cahier des charges demande aux auteurs d’écrire des histoires gores qui se passent à la montagne. Ne craignez-vous pas de lasser votre lectorat avec toutes ces montagnes qui d’ailleurs sont souvent les Alpes ?

Le gore et la montagne, nous ne pouvons pas y couper, tout est dans le titre de la collection. Mais il y a mille et une manières de raconter et de décrire cet environnement. Certains de nos récits se déroulent au passé, d’autres au présent, d’autres encore dans un décor futuriste. Certains s’ancrent dans le fantastique alors que d’autres sont résolument terre à terre (et donc d’autant plus frontaux). Je pense que nous pourrions sortir trois cents volumes sans en avoir fait le tour.

– L’un de vos ex-lecteurs, un homme d’âge moyen ayant lu vos premières parutions, m’a asséné qu’il n’en lirait pas davantage parce que cette collection est trop sexiste. Qu’avez-vous à répondre à cela ?

Je suis entièrement d’accord avec ce lecteur. Nos textes sont souvent sexistes mais pas seulement. Il est possible d’y voir du racisme, de l’homophobie et tout autre attitude problématique. La raison en est simple, nous parlons de la réalité, surtout de son côté le moins élégant. Il est donc tout à fait normal que ces comportements y aient leur place. Bien entendu nous n’en faisons aucunement l’apologie, au contraire. A travers ces textes, nous pointons du doigt ces dysfonctionnements. Mais quand une histoire se déroule dans le Valais d’il y a deux siècles, comment voulez-vous éviter de montrer le sexisme et les autres oppressions. C’est impossible. Quand on pense que ces problèmes ne sont pas encore résolus aujourd’hui…

Cela étant dit, le Gore des Alpes s’adresse à un public averti. Je comprends tout à fait que cela ne puisse pas plaire à tout le monde. Ce n’est de toute manière pas notre but. J’ai travaillé de nombreuses années comme programmateur pour un festival de cinéma de genre à 2300 Plan 9 : Les Étranges Nuits du Cinéma et devant certains films, il est arrivé que des membres du public nous fassent ce genre de remarques. A un certain point, quand vous allez dans un festival de film d’horreur ou que vous achetez un Gore des Alpes, je pense que vous savez un peu où vous mettez les pieds.

Je ne dis pas que nous sommes sans reproche, je dis : voilà ce que nous faisons. Nous avons le droit de le faire, vous avez le droit de ne pas aimer, nous avons le droit de nous en foutre.

Mais c’est une très vaste question qui soulève énormément de débats en ce moment, que ce soit dans le monde de la littérature, du cinéma ou même de l’humour et je crains que nous ne puissions en faire le tour ici.

– En ce qui concerne le lectorat et le nombre de ventes avez-vous atteint vos objectifs ?

Nous sommes très satisfaits.  Nous croyions un peu, au début, de nous enfermer dans un marché de niche. Mais nous avons vite constaté, à travers nos dédicaces, lectures et rencontres, que notre lectorat est bien plus large que les seuls amateurs d’horreur. Je pense que c’est dû à notre attachement au local, tant par nos histoires que nos auteurs. Pour ne donner qu’un seul chiffre, tous livres confondus, nous arrivons bientôt à 10’000 exemplaires vendus. Ce qui, compte tenu de la situation générale et de ce que nous proposons en particulier, est un chiffre honorable.

Nous publions une moyenne de 6 livres par an, par tranche de 3 par semestre. Nous souhaitons dans la mesure du possible poursuivre cette moyenne mais cela dépendra bien entendu des manuscrits que nous recevrons. Nous privilégierons évidemment la qualité à la quantité. Nos livres sont disponibles en Suisse dans toutes les librairies et il est également possible de les commander par e-mail directement sur notre site : www.goredesalpes.ch. Nous n’avons pas encore de distributeur en France mais nous y travaillons car nous recevons de plus en plus de commandes d’autres pays francophones.

– A quel personnage littéraire vous identifieriez-vous ?

Il m’est absolument impossible de répondre à cette question, ils sont bien trop nombreux /euses.

Philippe Battaglia, directeur de collection du Gore des Alpes.

Philippe Battaglia : la biographie

De manière plus générale, Philippe Battaglia a été (dans le désordre) : enfant turbulent, adolescent bordélique, étudiant peu assidu, punk de salon, cuisinier dans un institut psychiatrique, vide-poubelle dans une banque, archiviste dans une abbaye, directeur d’une collection littéraire, employé de commerce équitable dans un hôpital, vidéaste amateur mais primé, Président du Kremlin, programmateur pour un festival de films d’horreur, donneur de leçons à l’Union Suisse des Professionnels de l’Immobilier, vendeur en multimédia, chroniqueur presse & radio, critique cinéma improvisé, caissier dans un centre commercial, courtier en immeuble, animateur radio, blogueur, écrivain, bédéiste dans un magazine informatique ayant fait faillite juste après sa première publication et essaye encore aujourd’hui avec beaucoup d’application de devenir un être humain à peu près convenable.

Jusqu’à présent Le Gore des Alpes compte ces auteur-e-s :

Philippe Battaglia, Gabriel Bender, Louise Anne Bouchard, Ludovic Chappex, Nicolas Feuz, Jean-François Fournier, Jordi Gabioud, Stéphanie Glassey, Joël Jenzer, François Maret, Nicolas Millé et Olive.

J’attends avec impatience de connaître les plumes qui suivront, surtout si elles sont féminines.

 

Lectures : d’un passé romancé à un futur dystopique avec Henri Gautschi et Sabine Dormond

Mondes en mouvements

Violent et chaotique, le monde actuel paraît brûler puis s’en aller à vau-l’eau. Peut-être. Ou peut-être pas. Peut-être en a-t-il toujours été ainsi. Le bon vieux temps était-il si bon que l’on veut bien le croire ? Certainement pas le 16ème siècle où nous emmène Henri Gautschi. Et cet avenir qui nous terrifie, sera-t-il aussi angoissant et cruel que le 16ème siècle, ou simplement d’une distanciation glaciale comme décrite par Sabine Dormond ? Nous ne pouvons rectifier le passé mais peut-être reste-t-il encore de belles choses à imaginer pour changer l’avenir peu engageant dans lequel on semble se précipiter. Pour qu’il ne devienne ni aussi intolérant et violent que le 16ème siècle, ni aussi insipide que le futur proche pressenti par l’écrivaine montreusienne, faisons connaissance avec les deux cas de figure.

La fuite des protestants de France

Après La nuit la plus longue – Au temps de l’Escalade, Henri Gautschi poursuit son exploration de l’histoire genevoise avec un deuxième roman Clothilde – Au temps de la Saint-Barthélémy, paru aux éditions Encre Fraîche. Un roman illustré par les dessins de l’auteur.

En 1572, suite à l’onde de choc causé par la Saint-Barthélémy en France, Clothilde et sa famille quittent Bourges et les persécutions qui s’abattent sur les protestants. Dix ans plus tard, à Genève, Clothilde est arrêtée, accusée d’avoir tué un homme. Durant son emprisonnement, redoutant le verdict, elle laisse son esprit parcourir la route de son existence mouvementée. Raconté comme un récit d’aventures dans une langue très actuelle, dûment documenté et référencé, mélange de faits réels et de fiction, ce roman nous rappelle que les mœurs de l’époque n’étaient pas douces. La Genève d’alors est encore loin de devenir la ville pacifique ou sera signée, plus tard, la première convention de la Croix-Rouge. En effet, au 16ème siècle, on y noie dans le Rhône les femmes qui « fautent », on exécute les hommes pour des peccadilles, en méchante touriste la peste réapparaît tous les ans au mois d’août, les femmes n’y ont aucune liberté et les Genevois attaquent souvent les Français des campagnes environnantes.

Clothilde – Au temps de la Saint-Barthélémy : extrait

 

Henri Gautshi : biographie

Henri Gautschi est né en 1949, de père suisse allemand et de mère italienne. Pendant plus de trente ans, il a dirigé son entreprise d’installation de chauffage et enseigné à mi-temps le dessin et la théorie de son métier au Centre professionnel de Lancy. Féru d’histoire et en particulier d’histoire genevoise, depuis sa retraite, il écrit régulièrement des articles pour la rubrique historique du ChancyLien. En 2017, Henri Gautschi reçoit le mérite de la commune de Chancy pour ses recherches. Clothilde – Au temps de la Saint-Barthélémy est son deuxième roman.

 

 

Cara : un futur surnumérisé

Avec son roman Cara, paru chez M+ Éditions, Sabine Dormond a imaginé un proche avenir qui semble tristement réaliste et dangereusement près de nous.

Clémence, une ex-soixante-huitarde, vit coupée de sa famille et cloîtrée chez elle, dans un monde où tout est informatisé. La distanciation sociale est devenu une constante.  Tout s’effectue en ligne y compris les soins à domicile. Par exemple, les pilules sortent d’un ordinateur et les appartements sont autonettoyants. Même âgé et malade, on n’a plus besoin d’autres humains pour survivre, mais une telle vie est-ce vraiment vivre ? Le roman Cara dépeint un univers vautré dans le confort mais pas forcément dans le bien-être, à une époque où les contacts humains sont devenus superflus puisque tous les services sont proposés sous une forme numérisée.

A la veille de Noël, Clémence reçoit un appel de son petit-fils, dont elle n’a plus de nouvelles depuis des années, la vieille dame étant tenue pour responsable d’un drame familial qui a eu lieu autrefois, durant la tempête Lothar. Son petit-fils lui annonce qu’il ira passer Noël chez elle afin qu’elle connaisse sa femme et son arrière-petit-fils qu’elle n’a jamais vus. D’une manière assez inattendue dans le roman, mais qui va dans le sens des cycles qui arrivent, s’en vont et reviennent, l’arrière-grand-mère s’entendra très bien avec son arrière-petit-fils puisqu’ils sont très proches au niveau des idées. En revanche son amie Cara, qu’elle trouve trop envahissante et superficielle, l’agace.

Influenceuse, Cara est pourtant la star de toute une génération, dont Chigiru, une adolescente d’une quinzaine d’années surdouée en informatique. Contrairement à Clémence qui vient d’un autre temps, sa jeunesse l’a rend à l’aise avec la surnumérisation. En revanche, elle peine à trouver sa place parmi les humains. Afin d’éradiquer les discriminations dues au genre, les féministes sont parvenues à abolir la mixité en classe au nom du progrès et de l’épanouissement des filles. Malgré cela, tout n’est pas violet pour les jeunes femmes. D’autres discriminations se sont mises en place. Chigiru vient d’un milieu modeste or, pour être acceptée par ses pairs, il faut le prestige des accessoires et des habits qu’on arbore. N’ayant pas les moyens de suivre le rythme dépensier de ses camarades, elle est moquée et mise à ban.

Cara : extrait

Sabine Dormond : biographie

Écrivaine et traductrice, Sabine Dormond a présidé pendant 6 ans l’Association vaudoise des écrivains. En 2007, elle coécrit avec Hélène Küng, pasteure lausannoise, un premier recueil de contes intitulé 36 chandelles. Depuis, elle a publié sept ouvrages et a participé à quatre reprises au Livre sur les quais à Morges. Ses nouvelles ont fait l’objet de plusieurs lectures radiophoniques. Elle anime aussi des ateliers d’écriture et des tables rondes, et rédige des chroniques littéraires pour le journal en ligne Bon pour la tête.

Elle a également siégé au conseil communal de Montreux parmi les socialistes.

 

Sources :

  •  Éditions Encre Fraîche
  • M+ Éditions
  • Wikipédia
  • Radio Chablais
  • Radio Cité

Béatrice Corti-Dalphin : « Tabou » entre les lignes de l’abus

La poésie pour exprimer l’indicible

Avec pudeur, la femme de lettres a raconté les viols d’une petite fille par une femme. C’était à Genève, dans les années quarante. Des jeux d’adultes restés longtemps enfouis, occultés par l’esprit de l’enfant, la jeune fille, la femme… Chez ces gens-là, « On ne causait pas ». Puis un jour, elle s’est souvenue, par bribes, de son enfance. Alors « pour le dire » elle a écrit les fragments de ses souvenirs.

Dans sa deuxième partie de Tabou, la petite fille devenue adulte part à la recherche du Père absent. C’est dans la ville jardin de Singapour qu’elle le trouve sous la forme d’un arbre auquel elle rend visite régulièrement.

Paru en 2013 aux Éditions Samizdat, Tabou peut encore être acheté sur le site de l’éditeur.

 

 

 

Béatrice Corti-Dalphin : biographie

Béatrice Corti-Dalphin est née dans le quartier de Carouge, à Genève, en 1936. Son père était expert-comptable et sa mère institutrice.

Élève de « l’école supérieure des jeunes filles » de la rue Voltaire à Genève, Béatrice confiait à son journal intime – Le carnet en similicuir vert – sa solitude, le désastre du huis clos familial. Dévoreuse de livres et bonne élève, elle a commencé à écrire tôt.

Fascinée depuis toujours par l’Orient, ses séjours en Asie ont commencé en 1964.

Elle a exercé pendant plus de trente ans la profession de psychothérapeute indépendante.

Béatrice Corti-Dalphin a reçu de nombreux prix :

  • Société des poètes et artistes de France, Prix de poésie libérée, 1989
  • Prix de poésie libérée, 1992
  • Prix Anaïs Jacquet, 1993
  • Prix Laurent Desvignes pour « Samsara » 1995
  • Prix pour « Miettes de Bonheur », 2002
  • Grand prix de la nouvelle pour « Le thé chez Mariage », 2002

 

 

Sources :

Tabou, textes poétiques, Éditions Samizdat 2013.

– Site de la SGE (Société Genevoise des Écrivains).

 

Éditions Kadaline : la petite maison qui lutte contre la dépression

David Labrava s’exprime en français à Fribourg

David Labrava en couverture du livre Devenir un SON

Pris dans le grand tourbillon mondial qui nous induit un sentiment d’impuissance, nous autres quidams ne pouvons guère lutter contre les crises. En revanche, la lecture peut combattre la dépression. Une bataille contre la morosité, telle est la ligne suivie par les jeunes éditions Kadaline avec des livres parfois plein de romance et de positivité. Mais pas uniquement. Installées à Fribourg, en trois ans et dix-sept publications, elles sont parvenues à faire leur place dans les librairies romandes et françaises ainsi que dans le catalogue de France Loisirs. Elles s’enorgueillissent également d’avoir obtenu les droits pour la traduction en français de la biographie Devenir un SON de David Labrava. Souvenez-vous ! Dans la série américaine à succès Sons of Anarchy, de presque cent épisodes étendus sur sept saisons – la RTS l’avait diffusée dès 2009 – il jouait le rôle de Happy !

Généralistes, les éditions Kadaline ne prétendent pas découvrir le prochain Ramuz ou la prochaine Ella Maillart. En revanche, elles considèrent que chacun doit pouvoir trouver son bonheur dans la lecture. Y compris dans des genres dédaignés par quelques intellectuels comme la fantasy, la romance ou le feel-good. Elles défendent le droit de lire pour se distraire, pour s’échapper d’un monde d’un « sérieux » déprimant. Et que la littérature, tant qu’elle transmet des émotions, reste de la littérature, quel que soit son genre même si, pour d’évidents motifs de marketing, on l’a divisée en catégories afin d’aider les lecteurs à choisir ce qu’ils sont sûrs d’apprécier. Pour Kadaline un succès populaire n’est pas un tabou. Ses objectifs : publier de jolies histoires qui abordent, en toile de fond, des problématiques actuelles. Faire passer aux lecteurs des messages qui peuvent être durs, par des auteurs qui ont des choses à dire, tout en goûtant des moments agréables. Amener à la lecture des personnes dont les livres ne font pas forcément partie du quotidien. Les inciter à lire un classique après l’avoir découvert dans une trame plus actuelle. Dans cet esprit les éditions Kadaline appellent régulièrement à la réécriture d’un classique. C’est ainsi que  sous la plume de Jess Swann, une romancière belge Orgueil et Préjugés, de Jane Austen, est devenu Amour, Orgueil & Préjugés.

Kadaline en trois livres :

David Labrava : l’autobiographie

Devenir un SON, de David Labrava, nous emmène sur une route caillouteuse que l’auteur connaît bien, et dont il a surmonté les obstacles jusqu’à parvenir à la reconnaissance internationale. David Labrava ayant fait partie d’un gang, Devenir un SON est un récit parfois sombre et violent qui s’étend sur plus de quarante ans jusqu’à la rédemption de l’artiste. Ancien membre du club de motards des Hells Angels d’Oakland, David Labrava a obtenu la renommée en incarnant le rôle de Happy dans la série Sons of Anarchy dont il a également été le conseiller technique. Toutefois, en expérimentateur de la vie, il est aussi mécanicien de Harley Davidson certifié, souffleur de verre, tatoueur, producteur, réalisateur et scénariste. Devenu bouddhiste et végane l’ex bad boy, né en 1962, s’est entièrement engagé dans la défense de la cause animale.

Littérature jeunesse

Marie-Christine Horn : une plume acérée pour s’imprégner de l’allemand

Marie-Christine Horn est connue pour ses polars noirs. Après le succès de son roman Le Cri du Lièvre qui traite de la maltraitance faite aux femmes, elle vient de publier Dans l’étang de feu et de soufre, aux éditions BSN press, un brillant polar dont toute la critique salue le suspense et l’originalité. Aux éditions Kadaline, c’est un livre  jeunesse bilingue que l’on trouve d’elle : La malédiction de la chanson à l’envers. Bien que ce soit une lecture totalement adaptée pour les enfants dès 8-9 ans, c’est un récit plein d’émotions rock’n’roll, loin des mièvreries souvent écrites pour les plus jeunes. La traduction en allemand en vis-à-vis permet aux enfants, comme aux adultes, d’apprendre une langue tout en lisant une littérature divertissante et de qualité.

Quatrième de couverture :

Lundi matin, Martin n’est pas venu en classe. Il a disparu ! Le même jour que le célèbre Trash Clash, le batteur du groupe de rock School Underworld… Les amis de Martin soupçonnent un lien entre ces deux disparitions mais aucun adulte ne veut les croire… Alors Ludovic, Nathan, Julien et Line vont devoir mener l’enquête seuls contre les ondes maléfiques de School Underworld.

Romance et feel-good

Amour, bikers et football

Sur la route, de Marilyn Stellini, est une romance feel-good qui se conjugue comme une série semi-feuilletonnante. Pour l’instant deux tranches sont parues : Si je tombe et Mon âme mise à nu. La suite est en cours d’écriture. Marilyn Stellini, qui est une fan de football – pour la même maison d’édition et toujours dans le style feel-good, elle a écrit Talons Aiguilles & Ballon Rond – connaît bien le milieu des bikers où se déroule ses petits livres dans lesquels on entre pour s’évader d’un quotidien triste et morne. Toutefois dans cette série, comme dans ses autres écrits, cette ancienne étudiante en psychologie qui a fini par effectuer des études éditoriales, aime s’adonner à la critique de société. Elle n’hésite pas à aborder des thèmes tels que le burn-out, le stress ou la dépression. Lorsqu’on lui demande pourquoi une femme, avec son niveau d’études, écrit des choses que d’aucuns soupçonnent d’être de la sous-littérature, sa réponse nous éclaire : pour maîtriser ses démons. Pour rétablir un équilibre avec son côté obscur en espérant que cela puisse également servir de catharsis à ses lectrices et lecteurs. Marilyn Stellini est l’auteure de plusieurs romans, historiques ou contemporains, ainsi que de diverses nouvelles parues dans des journaux ou collectifs. Femme engagée, elle est éditrice, fondatrice du Salon du Livre Romand qui se tient à Fribourg – à présent renommé TEXTURES – et présidente du Groupe des Auteurs Helvétiques de Littérature de genre (GAHeLiG).

Quatrièmes de couverture :

Si je tombe…

Emma et Eirik souffrent du même mal. Celui de la société, perfectionniste, axée sur la performance et la réussite… Et tous deux pourraient bien être broyés par le système.

Emma, l’étudiante trop assidue, et Eirik, le DJ-producteur superstar en train de laisser sa peau au capitalisme, prennent tous les deux la route 66, la célèbre route-mère des États-Unis, pour tenter de se retrouver.

Lorsque leurs chemins se croisent, ils prennent conscience que leur salut se trouve dans leur humanité étouffée : leurs failles, leurs faiblesses, leurs peurs et leurs passions. Se faisant le miroir l’un de l’autre, ils se révèlent à eux-mêmes et acceptent de nouveau cette vie qui, parfois douloureuse, peut aussi nous réserver le meilleur.

Mon âme mise à nu

« Elle n’en revint pas. Il avait traversé le désert pour la retrouver.

Elle le toisa, lui, si beau, lui, si arrogant, et eut deux certitudes : elle allait le mener en bateau, et elle allait aimer ça. »

Stéphanie voue une haine féroce aux bikers des Motorcycle Clubs, ces gangs de hors-la-loi en motos qui lui ont pris son frère. Alors, quand l’un deux se met martel en tête de la séduire, elle y voit l’occasion de prendre sa revanche.

Qui sera gagnant, qui sera perdant, dans ce jeu dangereux ?

 

Extraits de Sons of Anarchy avec David Labrava.

 

« Chems » de Johann Zarca : quand le slam s’avère dénué de poésie

Le Chemical Sex : des drogues, du sexe et du déni

Le chemsex est une contraction de Chemical Sex. Ce terme désigne l’utilisation de drogues de synthèse pendant l’acte sexuel afin de pousser l’extase à son paroxysme. Pratique longtemps réservée aux soirées gay, elle s’est répandue dans les milieux du sexe hétérosexuel, puis dans les sphères de la nuit et finalement dans toutes les couches de la population. Un phénomène qui touche les femmes, les hommes, les transgenres… peu importe l’orientation sexuelle. Le slam, comme on le nomme, à ne pas confondre avec une poésie déclamée sur un fond musical, est devenu un souci de santé publique. Chaque utilisateur cuisine son propre mélange, selon les effets recherchés, ce qui incite à une consommation extrême. Les produits de synthèse procurent des effets comparables aux drogues habituelles comme l’ecstasy, les amphétamines ou la cocaïne. La différence : ils parviennent souvent à contourner la législation sur les stupéfiants ce qui les rend accessibles sur internet. De plus, malgré l’inévitable addiction qu’ils imposent, que ce soit aux dopes ou au sexe – bien que certaines personnes ne puissent plus avoir de rapports sexuels sans ces béquilles, l’effet de l’orgasme naturel étant moindre, elles s’en désintéressent – ces stupéfiants ne donnent pas l’impression d’être accro. Les slameurs, généralement bien intégrés dans la société, n’ont pas d’eux-mêmes l’image négative qu’ils se font des toxicomanes. Ce déni augmente les risques qu’ils prennent et complique la prévention. Le problème sanitaire en devient ainsi amplifié.

Chems : les dessous du plaisir

C’est dans ce monde d’excès que nous emmène Johann Zarca, l’enfant terrible des lettres hexagonales. Chems, paru chez Grasset, est à la fois l’histoire d’un condamné à mourir pour jouir et une enquête sur un mal encore peu connu, parfois appelé sida n°2. Dans cet ouvrage, l’écrivain s’est épargné l’argot qui l’a rendu populaire. Craignant noyer, dans des effets langagiers, le sérieux du thème qu’il aborde, il se contente des terminologies, purement techniques, qui concernent les drogues et du jargon des initiés de ces milieux. Point de gaudrioles verbales. Que des phrases piquées à la seringue – un outil que les slameurs se jurent de ne jamais employer, du moins au début – dans une ambiance qui, si elle n’était pas sale et perverse, ressemblerait à une description médicale, presque chirurgicale. Reste une constante : comme souvent dans ses romans, Zarca se met en scène à travers un personnage qui lui ressemble. Impossible de discerner s’il s’agit de vécu ou d’une enquête dûment documentée. D’autant qu’il nie et l’une et l’autre, comme il le précise dans la vidéo ci-dessous.

Chems : un journaliste trop impliqué

L’auteur nous entraîne d’une écriture rapide et en compagnie de Zède, un journaliste père de famille, dans les ténèbres d’une sexualité influencée par une chimie qui provoque des envolées nirvaniques. Hélas, ces drogues de synthèse ne sont guère des philtres d’amour dans un univers de contes de fées. A pleine vitesse, Chems nous plonge dans des abîmes glacés avec une intensité crue et hallucinatoire. Dans sa recherche de sensations toujours plus fortes, maintenu sous l’emprise de la drogue et du sexe, Zède risque de tout perdre : compagne, enfant, parents, amis, travail, santé … et jusqu’à sa propre essence.

Chems : quatrième de couverture

« Quand Zède, journaliste connu pour ses articles dans les milieux underground parisiens, se met à enquêter sur le chems et accepte de participer à une partie fine, il ne se doute pas que sa vie va voler en éclats. Dès sa première soirée, le compte à rebours est lancé, il bascule dans la spirale de l’addiction au sexe sous drogues. Plans à trois, quatre et plus. Dégoût, sevrage, rechute. Isolement, paranoïa, démence… »

Chems : extrait du livre

Une page qui peut être lue par tous les publics. Elle n’est pas représentative de ce roman susceptible d’heurter quelque âme sensible.

Johann Zarca : biographie

Chems, est le septième roman de Johann Zarca.

Né en 1984, ce fils de médecin a grandi dans le Val-de-Marne.

Repéré par les éditions Don Quichotte grâce à son blog « Le Mec de l’Underground », à présent fermé, Johann Zarca publie son premier roman Le Boss de Boulogne en 2013. Glauque et trash, il est construit dans un langage parlé qui ne manque pas de travail littéraire. Son écriture crue, brutale et rythmée, qu’il maîtrise avec brio, s’inspire de l’univers hip-hop et urbain.

En 2015, suit Phi Prob.

En février 2017 paraît P’tit Monstre aux éditions La Tengo.

Son quatrième roman Paname Underground paraît en octobre 2017 aux éditions Goutte d’Or. La même année il reçoit le prix de Flore, ex aequo avec L’Invention des corps de Pierre Ducrozet.

En 2019 paraissent Success Story, co-écrit avec Romain Ternaux, et Braquo sauce samouraï. Il  vient de publier Opération latex, son huitième roman, sous le pseudo « Le Mec de l’Underground ». Un ouvrage où il retrouve les excès argotiques et « scéniques » qui l’ont rendu célèbre.

Au sein des éditions Goutte d’Or, Johann Zarca dirige la collection fiction.

Johann Zarca au sujet de “Chems” et de sa manière d’aborder sa littérature.

 

Sources :

Chems, roman, Johann Zarca, éditions Grasset 2021.

Têtu, le magazine de l’actualité LGBTQI+

– Article sur le livre Success Story, blog “Des avenues et des fleurs”.

– Wikipédia

 

Récit autobiographique : “Un combat pour la vie” de Lionel Truan

Lionel Truan : bras de fer avec La Tétralogie de Fallot

Né avec une maladie cardiaque, opéré trois fois avant l’âge de 18 mois, dès ses premiers instants sur cette planète, Lionel Truan a dû livrer bataille contre la mort. Une lutte qu’il raconte dans son livre Un combat pour une vie  paru aux éditions Kadaline. Écrit d’une manière accessible à tout un chacun, ce récit est une note d’espoir pour celles et ceux qui sont confrontés à la maladie, que ce soit en tant que parents, que proches ou en tant que personne malade. La Tétralogie de Fallot, le nom de la maladie de Lionel Truan, est une malformation cardiaque congénitale, caractérisée par quatre anomalies. Pour corriger ces malformations, les médecins ont dû, dès sa naissance, arrêter le cœur du patient et l’alimenter à l’aide d’une pompe artificielle. Sans cette première intervention quelques heures après sa venue au monde, le nourrisson serait décédé. L’opérer ou non, la décision revenait aux parents. Dans une très touchante page que j’insère ci-dessous, l’on peut lire le dilemme du père et de la mère, pas immédiatement d’accord entre eux sur ce qu’il convenait de faire.  Par la suite, Lionel a subi tant d’interventions que le lecteur en perd le compte.

Lionel Truan : La maladie à tous les âges

Le récit nous conte la maladie à travers tous les âges de Lionel. Aujourd’hui, père de famille heureux de son existence, homme acceptant et combatif, Lionel a cependant parfois vécu des moments de désespoir, de doute et de révolte. En tant qu’enfant et adolescent ayant été forcé à mûrir trop tôt, il ne comprenait pas que ses camarades gaspillent leur vie, parfois jusqu’au suicide, alors qu’ils avaient reçu en cadeau cette santé qui lui manquait. Toutefois, la découverte d’une certaine spiritualité, la musique pour laquelle il s’est donné à fond avec le groupe rap Effet13pécial, dans laquelle il sublimait son mal-être et, à présent, son épouse et sa fille ont fini par donner un sens à sa maladie. Ayant trouvé la joie, il adresse dans sa postface quelques mots réconfortants à celles et ceux qui en ce moment vivent une épreuve pénible : « N’hésitez pas à vous confier à votre entourage, car ce geste simple peut vous apaiser et vous aider à accepter la réalité. Fort de mon vécu, je ne peux que vous conseiller de rester positifs en toute circonstance, c’est un point essentiel pour guérir. Ne perdez jamais espoir, gardez la tête haute et profitez de chaque instant qui passe. La vie est un cadeau et ces expériences qui nous touchent sont là pour nous faire grandir. Il est parfois très difficile d’accepter ce qui nous arrive ou arrive à nos proches. Gardez à l’esprit que la vie – ou Dieu, le destin ou tout ce qui correspond à vos croyances – ne nous impose jamais plus que ce nous sommes capables de supporter ».

 

L’auteur et musicien Lionel Truan.

Biographie de Lionel Truan

Lionel Truan vit à Genève où il est né en 1988. Son parcours créatif est déjà riche. Dessinateur en horlogerie de métier, il s’illustre d’abord dans le milieu de la musique, puis dans l’écriture de dystopie et de romans fantasy – Le monde de demain (trois volumes), Faneïa… – et dans le dessin artistique.

Lionel chantant la maladie, un acte qui l’a sauvé.

 

 

L’Affaire Clitoris : une BD pour conter l’histoire d’un organe sensible

Une orchidée qui ne révèle que le rétinacle

Quel que soit votre genre, en prenant connaissance du travail effectué par la romancière Douna Loup et l’illustratrice Justine Saint-Lô, vous découvrirez probablement des choses que vous ignorez sur un organe qui demeure généralement caché : le clitoris. La bande dessinée imaginée par les deux jeunes femmes raconte, avec talent et délicatesse, l’enquête sociale menée par Pulchérie qui, à 35 ans, découvre que le clitoris est une belle orchidée dont on n’aperçoit que le rétinacle. En effet, cette perle du plaisir n’est pas qu’un petit bouton très innervé. C’est une grande fleur qui s’épanouit à l’intérieur du corps et qui mesure dix centimètres en moyenne. Interpellée par cette donnée anatomique qu’elle ne soupçonnait pas, Pulchérie se met en orbite autour de cette planète de chair et de ravissement en se posant plein de questions. Elle entame ainsi une révolution qui déteindra sur celles et ceux qui l’entourent. Par quel étrange tour de passe-passe cet organe central de la jouissance a disparu des atlas d’anatomie ? Comment se fait-il qu’il ait fallu autant de temps pour qu’il réapparaisse dans l’imaginaire collectif ?

Une enquête à travers l’histoire

L’Affaire Clitoris est une enquête menée avec beaucoup de curiosité à travers les pages de l’Histoire. L’on apprend, par exemple, qu’en l’an – 540 av. J.-C le poète grec Hipponax évoquait déjà le clitoris en l’appelant myrton, ce qui signifie baie du myrte. Où, qu’à partir de 1830 et jusqu’en 1960 environ – c’est-à-dire à peine hier pour les plus âgés d’entre nous, – dans les pays protestants (Allemagne, États-Unis, Royaume-Uni…) certains médecins, inspirés par une prohibition morale, pratiquaient l’excision. Cette mutilation était infligée pour soigner les glands du clitoris trop proéminents, pour mettre un terme aux pratiques masturbatoires, jugées déviantes, pour lutter contre la lascivité, la nymphomanie ou l’hystérie. Bref, en Occident aussi l’excision s’est pratiquée pour remettre les femmes sur le droit chemin du non-désir et de la chasteté.

Ce récit nous enseigne comment, suivant les époques, l’on a considéré la femme soit comme une créature exagérément lubrique – une impudique tentatrice incapable de retenir ses pulsions, une Eve croqueuse de « pommes » toujours prête à damner les hommes – ou alors, plus récémment, à partir du 19ème siècle, comme un être frigide, désintéressé par les affaires de sexe et de coït, le contraire étant considéré comme anormal. Cependant, il semble évident qu’en occultant de quelle manière le clitoris peut donner du plaisir, qu’en considérant ce plaisir, si par hasard il se manifestait, comme une anomalie ou une chose sale qui mérite punition, il est normal que les femmes se soient désintéressées de la sexualité.

Une BD pour les 12 à 112 ans

Les dessins légers et délicats, exempts de vulgarité, de l’illustratrice Justine Saint-Lô, et le texte sobre, clair et documenté de Douna Loup, mettent poétiquement ce récit à la portée de tous et de toutes. Aux enfants, ils peuvent apprendre l’anatomie de la femme cisgenre. Aux adultes qui ont un lien avec le clitoris, que ce soit parce qu’elles en possèdent un, ou parce ou qu’ils voudraient lui faire plaisir, ils peuvent enseigner comment l’appréhender pour le satisfaire. Une bande dessinée pleine de tact, de subtilité et d’érudition à déposer entre toutes les mains des 12 à 112 ans.

Douna Loup : l’interview

Comment l’idée de faire une bande dessinée sur l’histoire du clitoris vous est-elle venue ?

Un jour, au détour d’une conversation, j’ai découvert que le clitoris était un organe de 10 cm et non un simple petit bout de chair bien innervé. C’était en 2017, un manuel scolaire de SVT (ndlr : Sciences de la Vie et de la Terre) représentait pour la première fois ledit organe en entier. Ça a été un gros choc dans ma tête, un choc de toutes les représentations erronées que je m’étais faites. De nouvelles perspectives se sont mises à cheminer en moi, des questions. Pour moi ça été du même ordre que si j’avais toujours pensé que la terre était plate et que je venais d’apprendre qu’elle était ronde. C’était une sorte de révolution dans mon esprit.

Comme j’écris des livres, je me suis assez vite dit que c’était un sujet dont je voulais absolument parler, je découvrais cette zone d’ombres et de méconnaissances et je voulais participer à la mise en lumière ! Mais je ne me voyais pas écrire un roman sur le sujet (bien que finalement dans mes deux derniers romans je parle du clitoris, je n’ai pas pu m’en empêcher!) je me disais que ce qui manquait c’était des représentations, des images, alors une BD me semblait toute indiquée. J’aime beaucoup la BD et c’était une belle opportunité d’essayer ce nouveau territoire, ayant écrit du théâtre, cela me rassurait pour les parties dialoguées ! Mais c’était quand même toute une aventure nouvelle.

De savoir comment laisser de la place au dessin, ne pas tout dire par les mots, être à la fois informative et documentée et laisser de la place à l’onirique, l’imaginaire, faire rire et réfléchir, j’espérais développer un projet qui parvienne à dire beaucoup en gardant de la légèreté !

Et puis je ne connaissais pas d’illustratrice de BD, mais au détour d’une librairie ou Justine Saint-Lô venait dédicacer sa BD sur les vins naturels, nous avons eu l’occasion de nous rencontrer et je lui ai parlé du projet pour lequel je cherchais une illustratrice. Elle a vite été aussi emballée que moi par le sujet que je souhaitais défendre et explorer. Justine était en train de travailler sur la BD Accouche !  le sujet du clitoris l’intéressait et nous nous sommes très vite bien entendue sur ce projet.

À ce moment-là j’avais déjà écrit une bonne partie du texte de la BD. Elle m’a fait des retours, a commencé à dessiner les premières planches et les personnages pour que nous puissions présenter le projet à ses éditrices. Le projet a été validé chez Marabulles et j’ai donc fini l’écriture du synopsis que Justine a ensuite découpé sous forme de story-board. Nous avons eu des échanges à toutes les étapes mais globalement le gros du travail d’écriture s’est fait en premier, puis le découpage et le dessin dans un deuxième temps. Notre échange a été très fluide et nous avons vite senti que nous nous étions bien trouvées et que le projet se ferait avec joie !

Avez-vous eu des difficultés pour accéder à ces informations restées longtemps cachées ou ignorées ?

J’ai eu la chance de rencontrer la chercheuse Odile Fillod qui avait rassemblé et synthétisé beaucoup de données et d’informations sur le clitoris afin de développer un modèle de clitoris reproductible avec une imprimante 3D. Sa rencontre et les ressources disponibles sur son site ont été d’une grande aide.

Avez-vous appris des choses sur vous-même en écrivant ce texte ?

J’ai découvert beaucoup de systèmes de pensées intériorisés sur la façon de me penser en tant que femme, sur la façon de penser mon corps et la sexualité, le rapport à l’autre, la honte… en échangeant avec beaucoup d’amies je me suis aperçue avec elles de beaucoup de zones d’ombres, des difficultés pour beaucoup de valider et valoriser leur propres ressentis, leurs besoins. En travaillant sur ce sujet toute la trame des dominations patriarcales bien intériorisées a fait jour, je pensais me pencher sur le corps sensible et cet organe oiseau trop méconnu, j’ai rencontré le corps politique dominé et invisibilisé, le corps psychologique honteux et/ou coupé de ses ressentis, le corps amoureux limité dans sa représentation de ce qu’est l’amour et de la norme des gestes et des pratiques qui lui sont associés, le corps sexuel, le corps animal, le corps habitude, le corps imaginaire… des tas de corps et de sujets sont venus s’inviter au fil de cette exploration. C’est difficile de résumer toutes les prises de consciences qui en découlent, mais il y a eu de façon progressive un dévoilement des rapports baignés d’hétéronormativité dans lesquels j’ai grandi et qui sont encore si prévalents dans notre société. Je me suis donc rendu compte qu’il y a encore beaucoup à faire et défaire pour que nos corps se sentent le droit à la joie et à la validation de nos ressentis, et que nos cœurs inventent d’autres histoires d’amour ou la princesse puisse par exemple embrasser la sorcière, vivre seule ou s’envoler sur le dos d’un dragon pour explorer le monde…

Comment cette BD a-t-elle été accueillie ? Vous a-t-on censurées ou avez-vous eues des remarques outrées, goguenardes ou désobligeantes ?

Pour l’instant c’est le début du partage autour de cette BD et nous n’avons pas encore beaucoup d’expériences de retours…

La question que je pose à toutes les personnes qui écrivent : à quel personnage de la littérature ou de la bande dessinée vous identifiez-vous ?

Je crois que je m’identifie plutôt à l’écrivain.e qu’à ses personnages…

 

Biographies :

Douna Loup

Née à Genève le 23 mai 1982 de parents marionnettistes, Douna Loup a grandi en France, dans la Drôme. À l’âge de 18 ans, elle voyage en Afrique où elle passe plusieurs mois à Madagascar à faire du bénévolat dans un orphelinat. Douna Loup aime écrire pour sonder son monde intérieur et se lancer dans le vaste extérieur. Elle a publié son premier roman, L’embrasure, et quelques autres au Mercure de France. Puis sont parus aux éditions Zoé, Déployer et Les printemps sauvages, une ode impétueuse et solaire à la liberté. Toujours en quêtes de mouvements et de renouveau, elle écrit pour le théâtre, la danse, les marionnettes. A présent, elle est ravie de se mettre à la BD grâce au clitoris.

Justine St-Lô

Justine Saint-Lô, née le 7 juillet 1990 à Créances dans la Manche, est une illustratrice française de bande dessinée. Lorsqu’un sujet l’intéresse, elle va à la rencontre des gens et dessine ses découvertes d’un trait audacieux et vivant. Son crédo : connaître pour être plus libre, apprendre pour le plaisir. Après les documents graphiques Pur jus, Pur jus vinivication et Accouche ! avec Douna Loup elle lève le voile sur les pouvoirs et mystères du clitoris. Elle vit entre Angers et Poitiers dans un collectif peuplé d’artistes et d’artisans voyageurs avec qui elle a choisi de mener une vie alternative.

Sources :

  • L’affaire clitoris, Douna Loup & Justine Saint-Lô, Marabulles
  • Douna Loup, autrice

Marie Neuser : « Délicieuse » une jalousie dévorante à éprouver à la plage

Délicieuse : dans l’enfer d’une femme trahie

De toujours, les sempiternelles histoires de cocuages s’emparent des arts, aussi bien de la littérature que du théâtre, du cinéma, de la peinture et j’en passe… Un thème assaisonné à toutes les sauces : de la comédie à la tragédie, de l’innocence à la perversion. Un sujet repris par l’auteure de romans noirs Marie Neuser dans « Délicieuse ». Un récit qui, à sa parution, connut un joli succès. Je l’ai lu à ce moment-là. J’avais songé à en parler dans cet espace mais je m’étais abstenue. Pourquoi ? Parce que ce livre m’avait beaucoup agacée. Parce qu’il dépeint ce que je déteste et combat : la jalousie, la possessivité, la vengeance. Parce que même si son héros est une héroïne, si on le lisait au masculin, il représenterait l’une des choses qui m’horripile le plus dans le patriarcat : considérer que l’autre nous appartient. Certes, quand le père de son fils lui annonce, après vingt ans de vie de couple, qu’il est amoureux d’une autre femme, plus jeune, plus fraîche, plus rigolote, en un mot plus délicieuse qu’elle, le trouble de Martha est typiquement féminin. Après avoir donné vingt ans de sa vie et un enfant à cet homme, il lui reproche d’être fade et fatiguée. Un coup de massue qui l’oblige à ne plus voir d’elle et de sa vie que l’image vieillissante, que le corps avachi et la monotone routine du couple dont Raph est aussi largement responsable. Une responsabilité qu’il n’assume pas, évidemment. Suite au choc causé par cette nouvelle, Martha tente de régater avec la belle jeunesse de l’amante ; met tout en œuvre pour récupérer « son homme ». Peine perdue.

Obsédée par cet abandon, rongée par le dépit, elle s’enferme dans son courroux et utilise tous les moyens à sa disposition pour échafauder sa vengeance : faux profil sur Internet, filature, se lier d’amitié avec sa rivale. Tout cela en ressassant ses sentiments sur presque 500 longues pages qui parfois donnent envie de lâcher le livre. Mais on continue de le lire. Ne serait-ce que parce que le plus sage d’entre nous a, un jour, éprouvé les ravages de la jalousie. De plus, dans mon cas, parce que dès les premières lignes j’en ai deviné la fin. Or, j’avais envie de savoir comment Martha en arriverait à cet extrême. D’autant qu’elle est psychologue dans des prisons ou elle rend visite à de grands criminels, et qu’il m’est difficile d’admettre qu’une personne supposée avoir travaillé un minimum sur elle-même et dont le métier consiste à connaître un tantinet les mécanismes de l’être humain, se laisse emporter par des sentiments aussi primaires et banals.

Cependant, je ne déconseillerai pas la lecture de Délicieuse. C’est un pavé idéal à emmener à la plage. Un livre qui décortique par le menu toutes les pensées, les angoisses, les tristesses et les rages engendrées par la jalousie. En particulier, celles qui peuvent mener une femme à commettre le pire.

Délicieuse de Marie Neuser : extrait

Marie Neuser : biographie

Née en 1970 à Marseille, Marie Neuser est enseignante dans les lycées les plus problématiques de cette ville. Pour écrire, elle préfère les terrasses des cafés plutôt que son chez elle. Son premier roman, Je tue les enfants français dans les jardins (L’Écailler, 2011), s’inspire de son expérience de professeure de collège et a été nominé pour plusieurs prix (Grand Prix de la Littérature Policière, 2012 ; prix SNCF du Polar, 2012). Un petit jouet mécanique (L’Écailler, 2012) a été récompensé par le Prix littéraire des lycéens et apprentis de la région PACA, et par celui de Corse en 2014. Elle a collaboré au recueil de nouvelles Marseille Noir (Asphalte, 2014). Prendre Lily (2015), Prendre Gloria (2016) et Délicieuse (2018) tous les trois parus chez Fleuve Éditions, ont reçu un bel accueil à la fois public et critique. Tous ses ouvrages sont repris chez Pocket dont Délicieuse.

 

Sources :

  • Délicieuse, Marie Neuser, Fleuve Noir Éditions, ou en poche chez Pocket.
  • Lisez, le site d’actualité des maisons d’édition du Groupe Editis

Jean-Luc Fornelli : la poésie d’un désespoir rigolard

Jean-Luc Fornelli : rire pour ne pas pleurer

L’an passé, entre deux confinements, Jean-Luc Fornelli a publié Les Aigrettes, journal d’un poète givré même l’été, aux Éditions du Roc. En relisant ses haïkus et poèmes, de prime abord humoristiques, ils m’ont soudainement parus d’un humour chagrin. Ne dit-on pas que les clowns sont tristes et les humoristes de grands dépressifs ? A moins qu’il ne s’agisse de mon état d’esprit du moment, embrumé par de trop longues semaines de grisaille et de froid, qui m’incite à une relecture plus sombre. C’est sans doute un signe de talent quand un poète parvient à faire en sorte que chaque lecteur se reconnaisse dans ce qu’il écrit.

Ci-dessous, un poème sentimental et passionné, d’un amour comme nous sommes nombreux à en avoir connu quel que soit notre genre.

 

Pour en savoir plus sur Jean-Luc Fornelli et sur le recueil Les Aigrettes, qui est toujours en vente, cliquez ici.

Source :

  • Les Aigrettes, journal d’un poète givré même l’été, Jean-Luc Fornelli, Éditions du Roc.