Télémédecine : est-il possible, en Suisse, de se faire soigner à distance ?

Quelles sont les solutions existantes ? A qui sont-elles proposées ? Qui se cache derrière ces services ?

 

Entre un médecin et son patient

Lorsque l’on parle de télémédecine, la plupart d’entre nous ne pensent pas aux soins prodigués à distance par un médecin à son propre patient, que ce soit par téléphone ou par courrier électronique. C’est pourtant la meilleure forme de télémédecine, celle qui connecte un médecin et un patient qui se connaissent.

Une étude publiée en 2016 sur la fréquence d’utilisation du courriel, du téléphone et des SMS entre médecins généralistes et patients en Suisse romande nous apprend que 82 % des professionnels de la santé déclarent utiliser l’e-mail pour répondre aux questions de leurs patients. Ce chiffre élevé doit cependant être nuancé car seuls 12.9% des médecins annoncent plus de 10 échanges par mois. Ce faible chiffre correspond à ce que déclarent les patients suisses puisque seuls 7.1 % répondaient en 2016 avoir déjà envoyé un mail à leur médecin pour une question médicale.

Quelles sont les attentes des patients ? A défaut de chiffres suisses, une enquête réalisée aux USA nous apprend que 93% des Américains souhaitent pouvoir échanger par courrier électronique avec leur médecin.

S’ils veulent répondre aux attentes de leurs patients, les médecins devront rapidement intégrer dans leur pratique cette télémédecine basique que sont le téléphone et le courrier électronique.

 

La télémédecine des assureurs

Les poids lourds de la télémédecine sont en Suisse fortement liés aux assureurs. Les principaux prestataires sont Medgate et Medi24. Leurs services sont réservés aux assurés des caisses affiliées, certains patients ayant l’obligation de les contacter avant de prendre rendez-vous chez un médecin. Leurs services sont disponibles 365 jours par an, 24h/24, en allemand, anglais, français, italien. Les médecins de Medgate ont la possibilité de délivrer des ordonnances et d’établir des certificats d’incapacité de travail, ils peuvent être contactés par téléphone, par le web ou par vidéo. L’équipe médicale de Medi24 est essentiellement constituée d’infirmiers et d’infirmières.

L’assurance Sympany proposera elle à ses assurés dès le 1er janvier 2018  ce qu’elle appelle exagérément « un cabinet virtuel ». Concrètement, grâce à l’application de la start-up bernoise eedoctors, les clients accéderont à un conseil médical par vidéo.

Si ces systèmes permettent de résoudre un certain nombre de problèmes, ils assurent aussi une fonction de tri : en contactant ces services, vous saurez si vous pouvez vous soigner seul, si vous devez aller chez votre médecin ou, pour les situations plus graves, vous rendre directement aux urgences. Cette télémédecine peut donc être perçue par les patients comme une limitation d’accès aux soins.

La plupart des assureurs offrent aux affiliés qui choisissent de passer par ces services une réduction de primes de 10 à 15 %. On peut donc partir de l’hypothèse que cette télémédecine permet de faire des économies, espérons que cela ne se fasse pas au travers d’une limitation de l’accès aux soins.

 

Les autres solutions…

On ne peut que se réjouir de voir les centres universitaires proposer des services de télémédecine. L’Université de Zürich propose par exemple un service de conseil médical en ligne avec l’objectif de fournir des conseils individualisés dans toutes les disciplines médicales. Les professionnels de la santé répondent aux questions dans les 48 heures, par courriel.

L’hôpital de l’Ile à Berne propose lui un service de « dermatologie online ». Cette solution est intéressante car elle se focalise sur un domaine bien précis, celui des maladies de la peau, un domaine idéal pour la télémédecine. On peut lire sur ce site que « la précision du diagnostic et la fiabilité de la télédermatologie font l’objet d’études approfondies, si bien qu’elles sont au même niveau qu’une consultation « en direct », les médecins bernois citant même une étude publiée en 2011. Les demandes sont traitées dans les 24 heures, leur prix est de 75 francs.

Toujours en dermatologie mais cette fois pour ce qui est de la détection des cancers de la peau, la solution proposée par la société Dermosafe permet l’envoi d’images d’un ou plusieurs « grains de beauté » capturées dans des cabinets médicaux partenaires. Ces images sont ensuite analysées en moins de 72 heures par un spécialiste.

Safezone.ch est un service de consultation en ligne pour les personnes souffrant de dépendances. Il est possible par chat ou par mail d’obtenir des réponses de spécialistes sur les questions d’abus de substances et d’addictions. SafeZone.ch est une offre de l’Office fédéral de la santé publique en collaboration avec des cantons et des institutions spécialisées dans les addictions. Les consultations sont gratuites.

Bien que de nature différente, impossible de terminer ce tour d’horizon sans parler de l’application InfoKids des Hôpitaux universitaires de Genève. Cette application est destinée aux parents dont les enfants nécessitent une consultation médicale aux urgences pédiatriques des HUG. Grâce à InfoKids, les parents obtiennent des conseils sur l’attitude à adopter face aux symptômes présentés par leur enfant, des informations en temps réel sur l’affluence en salle d’attente, l’itinéraire pour rejoindre les urgences pédiatriques (l’équipe médico-soignante est prévenue de l’arrivée annoncée de l’enfant). A la fin de la consultation, les parents reçoivent une fiche descriptive des mesures thérapeutiques à suivre, basée sur la maladie ou le traumatisme diagnostiqué lors de la consultation aux urgences pédiatriques.

Cette application combine donc des conseils à distance, avant et après la consultation, à une rencontre physique avec un pédiatre. Une très belle idée qui démontre la grande expertise des HUG en santé numérique.

 

Se faire soigner à distance ?

En dehors des consultations à distance entre le médecin et son patient, les solutions actuelles peuvent donc être schématiquement classées en trois catégories :

  1. Les services proposés (ou imposés) aux membres des assurances affiliées, Medgate et Medi24.
  2. Les services qui répondent aux questions de toutes les spécialités médicales. C’est le cas du service de télémédecine de l’hôpital de Zürich. Mais il n’est pas destiné aux francophones et son délai de réponse est long (48 heures).
  3. Les services qui s’adressent à un domaine ou à un public cible précis (la dermatologie, la pédiatrie ou les addictions).

 

Le futur

En Suisse, si vous n’avez pas un problème de peau, que vous n’êtes pas dépendant et que vous n’êtes pas un enfant, l’offre est limitée. Ce fossé entre les attentes du public et les services à disposition va très certainement être comblé par l’arrivée de nouveaux acteurs. Le prochain sera probablement la plateforme digitale de premier recours « Soignez-moi » qui grâce à ses médecins FMH prendra en charge les cas hors urgence vitale et permettra d’aller chercher un médicament dans l’heure qui suit dans sa pharmacie, le tout pour 39 francs.

 

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