Je me demande si nos politiciens à Berne ne seraient pas incompétents. Ou alors sous l’influence de lobbies ? Ou les deux ? Il est vrai, pour prendre leur défense, que la question des coûts de la santé est complexe, mais tout de même, leurs dernières propositions sont effrayantes.
Le droit des citoyens : payer
Je vais essayer de résumer :
- Chaque automne, nos primes de caisses-maladie augmentent et étranglent une part grandissante de la population. Depuis l’entrée en vigueur de la LAMal, la participation aux coûts de la santé par les ménages a augmenté de 111% alors que les salaires nominaux n’ont connu qu’une augmentation de 23.6%.
- Les primes sont tellement chères qu’un Suisse sur quatre doit recevoir de l’aide pour pouvoir les payer (un système où 25 % des cotisants n’ont pas les moyens de payer est par définition déjà un échec).
- L’augmentation des primes incite les habitants de ce pays à choisir des franchises élevées, augmentant de facto le pourcentage de personnes qui renoncent à consulter pour des raisons financières, entre 10 et 20 % selon les sources.
Les dernières propositions de nos parlementaires
Comme un lapin sorti du chapeau d’un magicien, la dernière idée génialissime de nos parlementaires était d’augmenter de 50 francs la franchise minimale de l’assurance maladie. Cette idée est tellement fantastique que l’on se demande pourquoi nous n’y avions pas pensé plus tôt.
Non sérieusement, c’était quoi cette idée ? Faire payer plus pour limiter la hausse des primes ? Mais payer les primes ou payer la franchise, c’est toujours payer. Non, en fait, je suis critique mais le but était que les patients consultent moins. On peut lire dans cet article du journal Le Temps les déclarations de deux politiciens :
« Le nouveau mécanisme renforcera la responsabilité individuelle des assurés et la prise de conscience des coûts, a mis en avant Joachim Eder (PLR/ZG) pour la commission. Grâce à ce système, les assurés ne devraient plus aller chez le médecin pour chaque petit bobo, a abondé Erich Ettlin (PDC/OW) ».
Merci à eux pour ces explications. Il y a donc entre la franchise actuelle de 300 francs et la franchise de 350 un seuil, à 300 francs les gens vont chez les médecins pour n’importe quoi mais à 350, prise de conscience immédiate, ils ne consultent plus.
Cette mesure était d’autant plus injuste qu’en comparaison internationale les Suisses consultent peu.
S’il devait y avoir chez certains patients un recours exagéré aux soins, ce serait évidemment ceux qui ont dépassé leur franchise et qui ne payent plus que le 10 % des coûts. Pour eux, l’augmentation de 300 à 350 francs n’aurait rien changé.
Cette proposition n’a pour finir pas été votée par le Parlement grâce à une inhabituelle alliance gauche – droite. L’UDC et le PDC, qui ont soutenu durant toute la session cette révision de loi, ont subitement changé d’avis. Ils se sont peut-être dit que d’être responsable de l’augmentation des franchises n’était pas une super idée en année électorale.
Les mauvais malades
La palme de l’inventivité revient cependant à Philippe Nantermod. Ce parlementaire libéral radical a déposé une motion « Maladies chroniques. Favoriser les patients qui se conforment au traitement prescrit » : « Le Conseil fédéral est chargé de proposer une modification de l’assurance obligatoire des soins qui prévoit la suppression de la participation aux coûts pour le traitement des maladies chroniques dès lors que la preuve est apportée que les personnes concernées se conforment au traitement qui leur est prescrit ».
Même si l’idée peut de prime abord paraître pertinente, elle est stupide pour trois raisons en tout cas. Premièrement, définir avec exactitude ce qu’est une maladie chronique sera impossible. Deuxièmement, apporter la preuve que les personnes se conforment au traitement prescrit » sera aussi impossible. Mais c’est la troisième raison qui montre que cette proposition est stupide : penser que les malades qui ne suivent pas leurs traitements ont toujours tort et qu’ils doivent être punis.
Inutiles et insultantes
Les propositions de nos parlementaires sont donc à la fois inutiles et insultantes. Inutiles car elles n’ont aucun impact sur les coûts de la santé, insultantes car le citoyen payeur n’est vu par ces politiciens que comme un individu qui abuse du système et qu’il faut surveiller.