Une App pour ne plus oublier de prendre vos médicaments?

 

Votre smartphone peut-il vous aider à ne plus oublier de prendre vos médicaments ? Si oui, quelle application utiliser ? En 2015, sur les 165’000 applications santé disponibles dans les différents stores, 6 % étaient destinés aux informations et rappels de médicaments. Laquelle de ces 10’000 applications installer sur votre smartphone ?

C’est la question à laquelle a répondu Carla Moyano, étudiante en Sciences Pharmaceutiques à l’Université de Genève, dans son travail de Master. Son objectif était de mettre à disposition du pharmacien d’officine une sélection d’applications répondant aux mieux aux besoins des patients chroniques de Suisse romande en 2017. Ce travail, réalisé à la Pharmacie de la Policlinique Médicale Universitaire de Lausanne sous la supervision de Marie Paule Schneider Voirol et de Claudine Backes, donne des résultats passionnants.

 

« Il y a une App pour ça… »

Même si les médecins sont convaincus que la grande majorité de leurs patients prennent bien consciencieusement les médicaments prescrits, la réalité est tout autre. L’OMS estime que l’adhésion thérapeutique à long terme n’est que de 50% et qu’il s’agit de la principale raison pour laquelle les patients ne retirent pas tous les bienfaits qu’ils pourraient attendre de leurs médicaments. La santé mobile est-elle une partie de la solution ? Existe-il des applications de qualité qui puissent être conseillées aux patients chroniques ?

 

1883 applications identifiées, 4 retenues… 

A l’aide de mots-clés en français et en anglais, Carla Moyano a identifié dans l’App Store d’Apple 1883 applications. Elle les a ensuite soumises à des critères d’inclusion et d’exclusion pour ne retenir que les meilleures. Les critères de sélection étaient par exemple que l’application devait être disponible en français, que sa dernière mise à jour devait dater de moins d’un an et qu’elle devait être gratuite.

On peut se demander s’il était juste d’introduire la gratuité comme critère. En effet, si une application est utile, il parait justifié d’investir quelques francs pour son acquisition. L’étudiante en pharmacie justifie son choix en disant qu’il est peu probable qu’un patient investisse dans l’achat d’une application sans avoir pu la tester au préalable.

Pour ce qui est des critères d’exclusion, les applications ont été écartées si elles ne proposaient pas de fonction de rappel mais aussi si elles étaient spécifiques à une certaine médication (contraception) ou à une maladie (diabète). Les applications proposant de la vente de médicaments en ligne ont aussi été éliminées.

 

Les vainqueurs sont…

Afin d’évaluer de manière scientifique les applications incluses, 27 critères ont été retenus et répartis dans les six catégories suivantes : sécurité, qualité du contenu de santé, qualité de l’information au sujet de l’app, fonctionnalité, esthétique et absence de publicité. L’étudiante en pharmacie donne le palmarès : « Medisafe est l’application avec le plus haut score (59%) suivie par MyTherapy (56%), Meds on time (44%) et Médi’rappel (33%) ».

Carla Moyano précise : « Il est intéressant de constater que toutes les applications ont perdu un nombre de points importants dans la catégorie «qualité de l’information au sujet de l’application». En effet, aucune app ne mentionne les sources ou les références bibliographiques d’où sont tirés les informations et le contenu éducationnel, ce qui limite la confiance accordée à l’application ».

Elle signale un autre problème : « Aucune application n’indique les sources de financement ou les déclarations d’intérêt. En faisant des recherches plus poussées, on découvre que Meds on time et Médi’rappel sont liées à deux laboratoires pharmaceutiques ». On est bien sûr en droit de se demander si les données récoltées sont utilisées par ces firmes.

 

Des applications à ne pas conseiller !

Au vu de ces résultats décevants, y compris pour les quatre applications retenues, Carla Moyano conclut en écrivant que « des applications de qualité sont encore difficiles à trouver et que les pharmaciens ne doivent les conseiller qu’avec prudence et seulement si le patient est demandeur d’applications permettant de soutenir la prise de son traitement ». 165’000 applications santé, 10’000 destinés aux informations et rappels de médicaments et pas une qui soit de qualité suffisante pour que votre pharmacien vous la recommande. Effrayant.

 

Le futur ?

Ce travail de Master montre aussi que la fonctionnalité de gamification « qui consiste à envoyer des messages de récompense si l’adhésion est bonne, n’est présente dans aucune des applications ». Pourtant, des études montrent que la gamification dans les applications de santé est un avantage car elle permet au patient de s’engager de manière plus importante avec l’application grâce à des badges, des trophées ou des passages à un niveau supérieur ». Il est peut-être temps que les développeurs d’applications santé se fassent conseiller par des spécialistes des sciences du comportement.

Même si je la partage, c’est la conclusion finale de ce travail qui m’effraye le plus : « Dans les années à venir, il nous parait essentiel que des pharmaciens ainsi que des patients professionnels soient présents dans les projets de conception des applications soutenant l’adhésion thérapeutique ».

Il faut donc en 2017 encore préciser que des patients et des professionnels de la santé doivent être intégrés dans le développement d’applications santé ?

 

Mes remerciements à Carla Moyano, au Dr Marie Paule Schneider Voirol, à Claudine Backes et au Prof. Olivier Bugnon pour m’avoir permis d’utiliser ce travail de Master pour la rédaction de cet article.