Santé numérique : et si la vraie révolution était celle des patients ?

Le numérique est-il utile en médecine et si oui, pour faire quoi ? Poser la question pourrait passer pour de l’idiotie tant le discours ambiant est que le numérique va tout révolutionner, y compris la santé. Pourtant, lorsque l’on se rend chez le médecin ou à l’hôpital, l’utilité du numérique ne saute pas aux yeux. Mon avis ? La révolution actuelle est plus celle du patient que celle de la technologie.

Le numérique santé ?

Le premier point à éclaircir est de savoir ce qui se cache derrière cette notion de « santé numérique ». La réalité est multiple puisque cela concerne tout ce qui touche à l’utilisation des technologies de la communication et de l’information dans le monde de la santé : le web, les Apps santé, le dossier médical informatisé, le dossier électronique du patient, la communication électronique, la télémédecine, les médias sociaux, les objets connectés, l’intelligence artificielle, le big data et mille autres innovations.

Le web

Même si elle n’est plus vraiment nouvelle, la plus grande innovation numérique reste à mes yeux le web. Ce réseau informatique a permis l’apparition de nouveaux services. On peut penser à la possibilité pour le patient de prendre rendez-vous chez son médecin par Internet, mais la grande révolution est surtout l’accès facilité, pour les patients, à l’information santé. Avant le web, seuls les professionnels de la santé avaient accès au savoir, désormais les citoyens peuvent aussi s’informer. Avec la disparition de cette asymétrie d’accès à l’information, la relation soignant – soigné peut évoluer vers une relation de partenariat, plus riche pour le patient mais aussi pour le professionnel de la santé.

 

A lire aussi sur ce blog : Comment trouver une information médicale de qualité sur Internet ?

 

Même si l’accès aux sites web santé est naturellement aussi utile aux professionnels de la santé, c’est l’utilisation faite par les patients qui représente un vrai changement, simplement car l’accès au savoir a permis aux patients d’être plus actifs dans la prise en charge de leur santé.

Les Apps santé

Quant aux applications santé pour smartphone, le résultat est le même, les applications qui se sont révélées les plus utiles sont celles qui renforcent le rôle du patient. Même si de très nombreuses applications dites de santé n’ont en réalité aucune validité, une minorité d’applications ont prouvé leur utilité. Elles portent sur la promotion des changements d’habitude de vie1, sur la gestion de la douleur2 et sur la réhabilitation cardiaque3.

Les Apps santé les plus utiles sont celles qui favorisent l’accès aux soins ou qui rapprochent patients et professionnels de la santé. Quelques exemples ? L’application « Urgence Lausanne » qui aide les Vaudois à trouver le centre d’urgences médicales le plus proche et le plus disponible dans tout Lausanne, InfoKids développé par les Hôpitaux universitaires de Genève et destinée aux parents dont les enfants nécessitent une consultation médicale urgente ou encore l’App Moovcare qui réduit la fréquence des récidives du cancer du poumon par une meilleure communication patient – médecin.

Les soins à distance

Ceux qui me font le plaisir de lire régulièrement ce blog savent l’importance que j’accorde aux soins à distance, par exemple à l’utilisation du courrier électronique entre le patient et son médecin ou à la téléconsultation, la prochaine grande innovation qui va bouleverser le monde de la santé.

On retrouve dans ces deux exemples les mêmes ingrédients, un meilleur accès aux soins et un renforcement de la relation patient professionnel de la santé.

Le patient augmenté

Il est bien sûr possible d’argumenter qu’il est logique que ces innovations concernent les patients, qui restent de toute évidence les principaux concernés. Il n’en demeure pas moins que les services et dispositifs numériquement utiles sont ceux qui renforcent le patient, en faisant de lui un « patient augmenté ».

Un des grands défis de ce 21ème siècle sera de réussir le mariage entre la médecine clinique et le numérique. Ce virage numérique ne sera couronné de succès que s’il est centré sur les réels besoins des patients.

Et si la révolution actuelle était surtout celle des patients?

 

  1. P Lunde BB Nilsson A Bergland KJ Kvaerner A. Bye The effectiveness of smartphone apps for lifestyle improvement in noncommunicable diseases : systematic review and meta-analyses. J Med Internet Res 2018 (20)
  2. SE Thurnheer I Gravestock G Pichierri J Steurer JM. Burgstaller Benefits of mobile apps in pain management : systematic review. JMIR mHealth uHealth 2018 (6)
  3. SJ Hamilton B Mills EM Birch SC. Thompson Smartphones in the secondary prevention of cardiovascular disease : a systematic review. BMC Cardiovasc Disord 2018(18)

 

A lire aussi sur ce blog à propos des patients acteurs de leur santé :

 

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Humour, santé mobile, objet connecté et humanité numérique

Quels articles ont été les plus lus sur ce blog en 2018 ?

Les lecteurs du Temps ont de l’humour, vous avez été plus de 9’000 à lire l’article « Pour savoir réagir face à un arrêt cardiaque, humour suisse ou humour anglais ? ». Les deux vidéos qui y sont présentées expliquent probablement ce succès.

Le deuxième article le plus lu est, avec plus de 5800 vues, « Le fossé qui sépare la connaissance scientifique et les croyances des patients est-il en train de s’élargir ? » qui parle de la mauvaise qualité des informations santé sur le web et de ce qui pourrait être fait pour l’améliorer. Un sujet difficile qui ne semble pas vous avoir effrayé.

Avec plus de 5’000 vues, les 3ème, 4ème et 5ème places sont occupées par des articles qui montrent que vous vous interrogez sur l’impact des nouvelles technologies sur la santé :

Merci à vous pour le temps consacré à la lecture de ces articles.

 

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Quelques conseils pour votre cure détox

Après les excès de fin d’année, que consommer pour purifier votre organisme ?

Le texte ci-dessous est largement inspiré d’une série de tweets publiés par Asclépios, le président du collectif Fakemed, une association dont le but est la promotion de la médecine, des soins, et des thérapeutiques, fondées sur les preuves scientifiques.

Merci à lui de m’avoir autorisé à publier ses recherches sur les aliments détox. Ci-dessous, en italique, une reprise de ses tweets:

 

J’ai découvert en cherchant sur Google que tous les aliments sont « détox » sans aucune exception.

Le Kaki qui est un peu méconnu, exotique mais assurément détox.  La banane est aussi détox. Si vous aimez les courges, rassurez-vous, elles sont aussi détox. Les patates ? Aussi.

La choucroute est également un aliment détox. Mais à priori, il faut enlever la viande (quoique certains sites disent qu’avec la viande ce serait détox quand même).

Si vous avez carrément renoncer à manger des trucs comestibles, il y a aussi de nombreuses recettes à base de cactus. Vous pouvez aussi sucer le jus d’un arbre quelconque : sapin, bouleau ou un arbre indien vaguement mystérieux.

Il n’y a pas que les plantes qui vous entourent qui soient toutes détox, il y a aussi des vêtements détox.

Ce qui est rigolo, c’est le laïus selon lequel il faudrait utiliser différents aliments en “smoothies” ou en “jus” étiquetés détox pour transformer notre corps en station d’épuration. Sous l’apparence d’un discours santé est discrètement suggérée l’idée que l’intoxication de votre corps vient du monde extérieur.

Je vous rappelle simplement que votre foie et vos reins n’ont pas besoin de vous pour éliminer les toxines. Que les régimes restrictifs et ultra sélectifs sont juste des moyens de capter des gens vulnérables et de vous faire faire des achats inutiles.

Et que systématiquement, ils servent de vitrines à des vendeurs de compléments alimentaires bio.  Ou de labos peu scrupuleux qui vous fournissent les produits pour nourrir votre volonté de devenir un centre de recyclage de déchets.

Un véritable “effet de mode” marketé par des pseudothérapeutes qui vous inventent une intoxication pour justifier leur laïus et les séances qu’ils vous proposent.

Un business grotesque et fleurissant sur la crédulité des gens que le Figaro a dénoncé récemment.

 

Le collectif Fakemed est un groupe de professionnels de santé aux spécialités et aux modes d’exercice très divers. Leur point commun est de penser que la médecine doit adapter ses pratiques aux faits, ils cherchent à diffuser ces faits en la vulgarisant via des vidéos Youtube, des blogs, ou encore par le biais des réseaux sociaux.

En 2018, ce collectif a publié dans le Figaro une tribune dont le titre était « Comment agir contre les Fake Médecines ? » (texte reproduit ici).Le débat entraîné par la publication de cette tribune a mené ce collectif à créer une association, ouverte à tous, qui a pour objet la promotion de la médecine, des soins, et des thérapeutiques, fondées sur les preuves scientifiques et la lutte active contre les pratiques de soins non scientifiques, déviantes, délétères, aliénantes ou sectaires.

Ce mouvement ne s’est malheureusement pas étendu à la Suisse. En Helvétie, on n’entend que le silence des professionnels de la santé et des autorités. Aucun questionnement. Aucune information ni mise en garde des citoyens, ni pour les cure détox, ni pour les nombreuses thérapies douteuses qui essaiment sur le web.

Un smoothie cactus ?

 

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Rechercher sur Google le nom de vos médicaments augmentera-t-il vos effets secondaires ?

Les patients qui font des recherches sur Internet pour en savoir plus sur leurs médicaments ont-ils plus d’effets secondaires ? C’est la question à laquelle ont voulu répondre des chercheurs canadiens dont les travaux ont été publiés dans l’International Journal of Cardiology.

Les auteurs de cette étude « Does Googling lead to statin intolerance ? » se sont demandé si les effets secondaires augmentaient chez les patients qui prennent des médicaments contre le cholestérol et qui font des recherches sur le web.

La fréquence des effets indésirables de ces médicaments, les statines, a été établi dans 13 pays grâce à une enquête effectuée auprès des médecins généralistes et spécialistes de chacun de ces pays. En parallèle, en utilisant le moteur de recherche Google pour chaque pays, le nombre de sites web sur les effets secondaires des statines a été déterminé.

Les résultats de cette recherche montrent que les pays anglophones (Australie, Canada, Royaume-Uni, États-Unis) qui ont la plus forte prévalence d’intolérance aux statines sont aussi ceux qui ont le plus de sites sur les effets secondaires de ces médicaments.

Pour les auteurs de cette étude, la recherche d’information sur Internet sur un médicament pourrait donc renforcer les effets secondaires des internautes.

S’il existe un lien entre les effets négatifs ressentis par les patients et le nombre de sites web consacrés aux effets secondaires, une question reste à mon avis sans réponse : la consultation de ces sites web a-t-elle provoqué chez ces patients des effets secondaires qu’ils n’avaient pas ou au contraire leur a-t-elle permis d’attribuer au médicament un effet négatif déjà ressenti ?

Où trouver des informations de qualité sur les médicaments ?

Pouvoir trouver une information de qualité sur un médicament devrait pour chaque patient être un droit. Mais quel site utiliser ?

La réponse du Dr Jérôme Berger, pharmacien-chef adjoint à la Policlinique médicale universitaire de Lausanne.

« Je recommande d’utiliser le site Swissmedicinfo, un site géré par Swissmedic, l’autorité d’autorisation et de contrôle des produits thérapeutiques en Suisse. En introduisant le nom d’un médicament dans le moteur de recherche présent sur le site, on y trouve la monographie du médicament mais aussi un document intitulé « Informations destinées aux patients » (dont le texte correspond à la notice papier distribuée avec le médicament). Les patients devraient plutôt consulter cette notice, plus lisible ».

Jérôme Berger précise encore un point important :

« Il faut bien insister sur un élément : les monographies sont rédigées par les firmes, puis validées par les autorités, c’est ainsi dans tous les pays. La lecture critique d’une monographie (qui est à la fois un texte scientifique, mais aussi juridique car il précise le cadre dans lequel la firme accepte d’assumer le risque lié au bon usage de son médicament) me semble difficilement possible pour un patient. Un exemple typique concerne l’usage des médicaments durant la grossesse : alors qu’un grand nombre de médicaments peuvent être utilisés durant cette période, la plupart des monographies de médicaments en déconseillent leur usage. Les patients ne doivent donc pas hésiter à discuter des informations trouvées avec un professionnel de la santé, avec leur pharmacien par exemple ».

Ce dernier point me parait essentiel. Consulter la liste des effets secondaires d’un médicament, y compris dans la notice patient, est le meilleur moyen de se faire peur. Les médicaments peuvent bien sûr avoir des effets secondaires mais la liste sans fin d’effets négatifs que l’on trouve pour chaque médicament fait penser que ces notices sont plutôt rédigées par les pharmas pour se protéger d’éventuelles poursuites judiciaires que pour informer les patients.

Même si cela devrait être pour chaque patient un droit fondamental, s’informer sur un médicament reste donc difficile. Les trois conseils à retenir sont : utiliser le site Swissmedicinfo, ne pas prendre à la lettre tout ce que vous pourrez y lire et, en cas de doute, ne pas hésiter à en parler à votre médecin ou à votre pharmacien.

 

A lire aussi sur ce blog: Une App pour ne plus oublier de prendre vos médicaments?

 

Les milles visages de la télémédecine

Faire voyager les informations plutôt que le malade ?  Il sera à l’avenir toujours plus facile de se faire soigner à distance, mais quelles réalités se cachent derrière ce terme de « télémédecine » ?

La télémédecine est actuellement plus développée aux Etats-Unis qu’en Europe, en 2016 déjà l’organisation américaine Kaiser Permanente, dont les 21’000 médecins soignent plus de 11 millions de patients, déclaraient que plus de la moitié de leurs consultations étaient effectuées à distance.

En Europe la situation varie fortement d’un pays à l’autre mais, probablement sous la pression des patients, les services de télémédecine sont toujours plus nombreux. La télémédecine est très développée en Suisse, la France voit les projets se multiplier depuis le 15 septembre, les actes de téléconsultation sont ouverts à l’ensemble de la population depuis cette date. La Belgique n’a elle pas encore pris de décision.

La télémédecine ?

La télémédecine correspond a « de la médecine à distance », quel que soit le moyen de communication utilisée. Ce terme englobe en réalité plusieurs pratiques. La plus fréquente, la téléconsultation, qui relie un professionnel de la santé et un patient, nous concerne tous, cet article y sera consacré.

Le téléconseil est une variante de la téléconsultation, il s’agit d’un service sans diagnostic ni prescription. La télésurveillance permet elle de suivre un patient à distance, par l’envoi automatique chez son médecin de valeurs mesurées au domicile du patient, sa tension artérielle ou sa fréquence cardiaque par exemple. La dernière variante est la téléexpertise, lorsqu’un professionnel de la santé sollicite à distance l’avis d’un autre professionnel de la santé, un spécialiste par exemple.

Il est à ce stade important de souligner que les deux premières variantes de la télémédecine, la téléconsultation et le téléconseil, permettent de soigner à distance mais assurent aussi une fonction de triage : votre situation ne nécessite pas un contact avec un professionnel de la santé, vous devez voir un médecin sans urgence ou au contraire consulter sans attendre. Face aux carences des systèmes de santé actuels pour cette étape essentielle de tri, la télémédecine a un rôle important à jouer.

Deux mondes différents

La téléconsultation englobe deux mondes complètement différents. Dans le premier cas, il s’agit d’un échange entre un professionnel de la santé et un patient qui se connaissent, cela peut être un simple téléphone entre un médecin et son patient. Dans l’autre cas, les soins sont donnés à un patient que le professionnel ne connait pas, un exercice plus difficile.

Téléphone, courrier électronique ou vidéoconférence ?

Pour la téléconsultation, les différents moyens de communication ne se valent pas. Une première distinction doit être faite entre les communications asynchrones et synchrones. Un exemple de communication asynchrone ? Le courrier électronique, vous écrivez à votre médecin, vous ne devez pas vous attendre à une réponse instantanée. Le téléphone et la vidéoconsultation sont eux synchrones, ils permettent un échange immédiat.

Le courrier électronique est un moyen de communication puissant, il peut être envoyé et lu à n’importe quel moment, il peut être envoyé à plusieurs destinataires, des pièces jointes peuvent venir facilement enrichir son contenu.

Les moyens de communication synchrones sont cependant les plus utiles pour soigner à distance : le téléphone, la messagerie instantanée ou la vidéoconférence. La vidéoconférence doit être considérée comme la solution la plus complète, tant la vision du patient est un élément important en médecine.

Pour quels problèmes ?

Certains services sont généralistes, vous pouvez vous y adresser pour n’importe quel problème de santé. D’autres, à l’image du service en ligne de dermatologie de l’hôpital de l’Ile, sont consacrés à une spécialité bien précise. D’autres enfin sont prévus pour des situations particulières, les urgences notamment (la Rega en est un exemple).

Par quel professionnel ?

Le soignant sera souvent un médecin mais cela ne sera pas toujours le cas. Cela peut être un autre professionnel de la santé, un infirmier par exemple. Chez Doudoucare, les téléconsultations sont faites pas des spécialistes de l’enfance, chez SafeZone.ch, un service destiné aux personnes souffrant de dépendance, par des professionnels des addictions.

Les défis actuels ?

Ils sont nombreux. Deux me paraissent particulièrement importants. Le premier est celui de la qualité des soins : la qualité des téléconsultations devra être au minimum équivalente aux consultations traditionnelles. Pour le prouver, il ne suffira pas de l’affirmer, il faudra le mesurer. Le deuxième défi sera d’intégrer ces nouveaux services dans le système de santé actuel, car isolés, leur utilité sera moindre.

 

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Le fossé qui sépare la connaissance scientifique et les croyances des patients est-il en train de s’élargir ?

Le fossé qui sépare la connaissance scientifique et les croyances des patients est-il en train de s’élargir ? La réponse est clairement oui pour l’éditorialiste du journal médical « The Lancet Oncology » qui parle d’une réelle crise de confiance entre les professionnels de la santé et le grand public.

Des médecins et des patients toujours plus éloignés ?

Les raisons de cette évolution ? En vrac et sans être exhaustif : des patients qui ne croient plus aveuglément ce que les médecins leur disent, la disponibilité toujours plus grande d’informations santé de qualité très variable, des professionnels de la santé qui communiquent insuffisamment avec leurs patients et enfin, pour lier le tout, une bonne dose de crédulité humaine.

En oncologie, cet éloignement se manifeste de façon très concrète par des patients qui s’auto-diagnostiquent et qui recourent à des thérapies alternatives non éprouvées, quel que soit l’avis de leurs médecins,

Comme le rappelle cet article, des chercheurs ont étudié l’association entre l’utilisation de la médecine complémentaire et alternative, l’adhésion aux traitements conventionnels et la survie globale chez les patients atteints de cancer1, 2. Ces études ont révélé que les patients qui ont recours à la médecine complémentaire sont plus susceptibles de refuser la chirurgie, la radiothérapie ou la chimiothérapie, et que les patients qui ont recours à la médecine complémentaire ou alternative sont deux fois plus susceptibles de mourir que ceux qui sont traités par la médecine conventionnelle.

Je pensais jusqu’à récemment que l’homéopathie et les autres thérapies alternatives, à défaut d’être efficaces, ne faisaient pas de mal, je n’en suis plus convaincu.

Comment savoir quel est le meilleur traitement ?

Un article publié sur le site evidentlycochrane.org nous donne la réponse :

  1. Le patient et le professionnel de la santé doivent accéder à des informations de qualité.
  2. Le patient doit avoir confiance au médecin mais doit aussi être capable de le « challenger », il ne doit pas croire et faire tout ce que le médecin lui dit sans réfléchir.
  3. Le professionnel de la santé doit être capable de prendre en compte les préférences du patient.

Cela nécessite de former les professionnels de la santé. Ils doivent apprendre à utiliser les bases de données médicales électroniques où ils pourront trouver les réponses aux questions qu’ils se posent face à leurs patients. Cela signifie aussi qu’ils doivent être capables d’intégrer dans les traitements proposés les préférences et les valeurs du patient.

Pour ce qui est des patients, ils doivent eux aussi apprendre à utiliser l’Internet santé. C’est ce que l’on appelle la littératie santé, la capacité d’une personne à trouver, à comprendre, à évaluer et à utiliser une information sur la santé afin de prendre des décisions éclairées concernant sa propre santé ou celle d’un proche.

Les patients s’informent

Je me réjouis bien sûr de voir les patients prendre une plus grande place dans la relation soignant – soigné, de les voir s’informer sur leurs problèmes de santé. Mais pour que cela soit utile, ils doivent impérativement accéder à des informations de qualité.

Un des grands problèmes actuels est à mes yeux la qualité extrêmement variable des informations santé trouvées dans les médias. A une époque où les fausses informations se répandent sur Internet et sur les médias sociaux plus vite que les vraies, on est en droit de s’inquiéter.

Internet n’a pas l’exclusivité des fausses informations santé, les magazines dits féminins en sont la preuve. Si vous devez encore vous en convaincre, lisez cet article « Non, je ne veux pas  repulper ma poitrine en trois pschitt, merci » paru dans le Temps cet été.

Il y a aussi une foule d’inspirés qui sans aucune connaissance médicale se permettent de donner des conseils santé, les célébrités sont les plus dangereuses car leurs conseils sont suivis. Vous découvrirez un bel exemple dans cet article « Oeuf dans le vagin et jus détox : un dimanche en enfer avec Gwyneth Paltrow ».

Chose plus inquiétante encore, ce sont parfois les professionnels de la santé qui diffusent de dangereux messages, ce médecin proposant de traiter l’homosexualité par l’homéopathie en est la preuve.

Un des problèmes d’Internet est que l’on y trouve tout, y compris ce qui est complètement faux. Si vous vous demandez si le SIDA peut être guéri par une plante, vous trouverez facilement un site qui vous dira que oui (une plante qui en plus traite le diabète et le cancer…). Dans ce domaine de la fausse information, les médecines dites alternatives sont surreprésentées.

Suivre des traitements inefficaces, pour peu qu’ils ne soient pas dangereux, est sans conséquence pour des problèmes de santé qui guérissent tout seuls. Vous pouvez traiter votre rhume hivernal avec n’importe quel traitement, vous guérirez. Pour les problèmes plus sérieux, faites tout de même attention.

Mieux informé, mieux soigné

Je ne prétends pas avoir la réponse à cette problématique mais deux pistes doivent à mon avis être suivies :

  1. Aider le grand public à acquérir les connaissances pour une utilisation efficace mais aussi critique de l’Internet santé. Cela pourrait être une belle mission pour l’Office fédéral de la santé publique.
  2. Encourager les professionnels de la santé à plus communiquer, avec leurs patients bien sûr mais aussi en dehors de leur cabinet, en étant présents sur Internet et sur les médias sociaux. Il ne s’agit pas de se substituer au travail des journalistes scientifiques, juste de proposer une information complémentaire.

Il en va de la santé des patients.

 

  1. Complementary Medicine, Refusal of Conventional Cancer Therapy, and Survival Among Patients With Curable Cancers. JAMA Oncol. Published online July 19, 2018.
  2. Use of Alternative Medicine for Cancer and Its Impact on Survival. JNCI: Journal of the National Cancer Institute, Volume 110, Issue 1, 1 January 2018, Pages 121–124

 

« Consulter Google avant de voir un médecin serait tout de même une bonne idée »

Très intéressante conclusion que celle des auteurs d’une étude qui vient d’être publiée dans le Medical Journal of Australia : l’utilisation de Google avant un passage aux urgences aurait un impact positif sur la consultation.

Google, oui ou non ?

Dans un autre article de ce blog, j’ai expliqué comment trouver une information médicale de qualité sur Internet. Un des conseils donnés est d’utiliser des sites médicaux plutôt qu’un moteur de recherche, l’utilisation de Google aboutissant souvent à des résultats décevants. Même si sur le fond je ne change pas d’avis, cette publication montre que l’utilisation de Google peut malgré tout avoir un impact positif.

Le sondage, effectué auprès de 400 patients adultes dans deux centres d’urgences australiens, avait comme objectifs de connaître la fréquence d’utilisation d’Internet avant leur venue aux urgences et son impact sur la relation médecin – patient, et sur le suivi du traitement.

La crainte que l’on aurait pu avoir est que ces patients informés soient plus méfiants envers les médecins et que cela ait un impact négatif sur la consultation, les résultats montrent justement le contraire.

Un impact globalement positif sur la consultation

Sur ces 400 patients, 190 ont indiqué avoir fait des recherches en ligne avant de venir aux urgences. La majorité des recherches ont été effectués sur smartphones (76 %), le plus souvent en utilisant Google. Sur ces 190 cyberpatients, 150 ont indiqué que leurs recherches leur ont permis de mieux communiquer avec le médecin. Les patients ont déclaré être capables de poser des questions plus précises, de pouvoir mieux échanger avec le professionnel mais aussi de mieux comprendre ce qui leur était expliqué.

Le fait d’avoir effectué une recherche sur Internet n’a pas diminué la confiance du patient dans le diagnostic posé par le médecin et n’a pas diminué son choix de suivre le traitement proposé. Le seul impact négatif est l’anxiété plus élevée observée chez ces patients informés, un élément qui doit être connu des professionnels.

Dr Google ?

Non, Google ne mérite toujours pas le titre de « docteur » comme on le lit trop souvent, Internet doit si possible rester pour les patients une source d’information et non de diagnostic.

Je rejoins cependant les conclusions des auteurs de cette recherche : les médecins doivent désormais être prêts à parler avec leurs patients des recherches qu’ils ont effectuées avant de consulter, d’une façon non culpabilisante. Les patients leur en seront reconnaissants.

 

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Santé : je vous souhaite un bel été avec Internet (sans Internet)

Vous avez besoin de conseils santé pour préparer vos vacances d’été ? Vous le savez déjà, on trouve (presque) tout sur Internet.

Si vous partez à l’étranger, le site Safetravel.ch vous sera très utile. Vous y trouverez de précieux conseils santé, vous pourrez aussi en introduisant le nom de votre pays de destination y obtenir des informations sur les vaccins à effectuer et les mesures à prendre contre le paludisme.

Si l’on dépasse le strict cadre de la santé, sachez que le Département fédéral des affaires étrangères fournit des « conseils aux voyageurs » pays par pays.  Ce site donne aussi accès à un document PDF « check-list voyage » qui vous dira tout ce à quoi vous devez penser avant votre voyage (utile pour les destinations lointaines, pas forcément nécessaire pour votre prochaine excursion au Liechtenstein).

Que devez-vous savoir si vous restez en Suisse ? Faites attention à l’eau (12 000 personnes se blessent dans, sur ou au bord de l’eau en Suisse par année),  faites attention aux tiques et aux coups de soleil (tout le monde consulte bien sûr l’indice UV du jour avant de sortir le matin…).

Je vous souhaite un bel été !

PS : Pendant vos vacances, faites une pause Internet…

 

Louise, 70 ans, hypertendue et diabétique. Mais aussi connectée.

Le futur de la médecine ne peut pas simplement consister en la gestion de grandes quantités de données médicales (« big data ») traitées par de puissants ordinateurs, le rôle du médecin se limitant à attendre passivement les propositions crachées par l’imprimante du système.

La gestion des données médicales, y compris celles provenant des dossiers médicaux informatisés, va bien sûr permettre des avancées, mais elles n’auront de sens que si elles sont partagées.

Un échange entre professionnels de la santé mais aussi avec les patients est indispensable.

L’avenir de la médecine réside dans une médecine partagée.

 

Sharing as the Future of Medicine. JAMA Internal Medicine, September 2017

 

Louise, patiente (imaginaire) connectée

Lorsque j’étais plus jeune, et en bonne santé, j’étais suivie par un médecin qui travaillait seul dans son cabinet, c’était pour moi suffisant. Mon but était de le voir le moins souvent possible. Comme ma santé est désormais plus fragile, ce médecin isolé ne me suffit plus.

J’arrive parfois à me soigner seule, je trouve sur le site Internet du centre de santé où travaille mon nouveau médecin des informations sur les maladies les plus fréquentes, avec des conseils pour se soigner soi-même. Accéder ainsi à des informations médicales sélectionnées me permet de ne pas devoir passer par Google, augmentant mes chances de trouver les réponses aux questions médicales que je me pose.

Courriel, consultation ou téléconsultation ?

Si j’ai besoin de l’aide de mon médecin, j’ai plusieurs possibilités. Première option, lui envoyer un courriel, soit simplement pour demander le renouvellement d’une ordonnance, soit pour une question médicale simple pour laquelle une consultation ne se justifie pas.

J’ai aussi parfois besoin de voir le médecin. Pour cela, je peux prendre rendez-vous par le site Internet de la clinique. Ce système est très utile, pas besoin de passer la matinée à essayer de joindre par téléphone l’assistante. Je reçois chaque fois un rappel de mes rendez-vous, par SMS ou courriel, un service bien pratique.

Comme les patients ont parfois la mauvaise idée de tomber malade le soir et le week-end, le centre de santé a mis au point un système de télémédecine. Je peux en cas de problème recevoir par téléphone ou par vidéo des conseils d’un médecin de la clinique qui a accès à mon dossier médical. Fini le temps où je me retrouvais seule avec mes problèmes lorsque mon médecin était en vacances. Ces différents systèmes qui se complètent sont pour moi très rassurants.

Mieux informée, mieux soignée

La consultation est un moment où je me rends compte de l’importance de l’humain dans la médecine. On peut facilement automatiser les caisses au supermarché, la robotisation sera plus compliquée chez le médecin. Je veux être traitée comme une personne unique, pas comme un numéro.

Lorsque mon diabète a été découvert, mon médecin m’a donné l’adresse d’un site Internet consacré à cette maladie. Il m’avait bien donné des explications en consultation mais je n’avais pas retenu grand-chose. J’ai ainsi pu mieux comprendre ce diagnostic, mes traitements et ce que je pouvais moi-même faire pour aller mieux. Le patient a le droit d’être informé. J’ai même trouvé un groupe Facebook qui regroupe des diabétiques, très utile pour bénéficier de l’expérience des autres, c’est une précieuse source d’informations qui vient complémenter ce que les professionnels de la santé peuvent nous apprendre.

Entre deux consultations, mon médecin m’envoie souvent mes résultats par courriel. Cela peut être un simple résultat de prise de sang ou le rapport d’un spécialiste chez qui je suis allée. Je comprends mieux mes problèmes de santé et mes traitements depuis que je peux lire, et si nécessaire relire, ces documents. Transmettre des informations médicales oralement c’est bien, par écrit, c’est mieux ! Mais ce système reste tout de même moyenâgeux, je devrais moi-même pouvoir me connecter sur mon dossier médical.

Connecté

Connecté ne signifie pas toujours numérique. La connexion peut aussi se faire dans le monde réel. Lorsque je dois voir un autre professionnel de la santé, comme une infirmière spécialisée pour mon diabète, je trouve très agréable qu’elle soit aussi présente au sein du même centre de santé que mon médecin, visiblement les deux collaborent régulièrement et c’est pour moi le gage d’une prise en charge médicale intelligente, coordonnée.

“L’avenir de la médecine réside dans une médecine partagée. Un échange entre professionnels de la santé mais aussi avec les patients est indispensable”.

 

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Vous cherchez des informations santé sur Internet mais vous ne le dites pas à votre médecin !

Mieux informé, mieux soigné

Les patients utilisent internet pour trouver des informations sur leurs problèmes de santé, pour évaluer la gravité de leurs symptômes mais aussi pour savoir s’ils doivent ou non consulter leur médecin. Après un contact avec un professionnel de la santé, ils ont recours à Internet pour trouver des informations sur le diagnostic posé et sur les examens ou traitements proposés.

Plusieurs études montrent que les patients qui reçoivent et comprennent une information pertinente concernant leur santé sont plus à même de participer aux décisions médicales, de prendre leur santé en main et donc de l’améliorer, ils sont aussi plus satisfaits de leur prise en charge.

Les plus de 80 ans aussi…

La recherche d’informations santé ne concerne pas que les plus jeunes. Un rapport de l’Observatoire suisse de la santé nous apprend que 43 % des personnes de plus de 65 ans interrogées déclarent avoir consulté internet pour des informations sur des sujets de santé aux cours des deux années précédentes : 52.6 % pour les 65 à 69 ans, 40.7 % pour 75 à 79 ans et encore 21.3 % pour les plus de 80 ans !

Comme le soulignent les auteurs de cette publication, « la fonction première d’internet en lien avec la santé semble bien être celle de source d’information, cela peut avoir un impact sur le profil des patients qui peuvent se trouver très bien informés mais qui peuvent aussi être induits en erreur par les informations trouvées sur internet ».

La réaction des médecins ?

Une étude sur la répercussion de l’utilisation d’Internet par les patients sur la relation soignant – soigné nous apprend que la réaction des professionnels de la santé est souvent très polarisée. Les médecins qui eux-mêmes ne connaissent pas l’Internet santé estiment que les patients qui se renseignent sur Internet sont généralement mal informés, exagérément inquiets et trop exigeants. A l’opposé, d’autres cliniciens sont plus ouverts, pour eux la consultation de sites Internet de qualité peut être bénéfique pour le patient et l’aider à prévenir et mieux vivre les problématiques de santé auxquelles il est confronté.

Si les patients apprécient de pouvoir discuter l’information recueillie en ligne avec les professionnels de la santé, ils ne se sentent pas toujours à l’aise de le faire pendant la consultation. Cette retenue est due à la crainte du patient d’une réaction négative du médecin, alors que les patients souhaitent simplement mieux comprendre leur maladie et leurs traitements.

La formation

Seule la formation permettra de dépasser cette situation, une formation nécessaire pour les patients comme pour les professionnels de la santé. Pour les patients, pour leur dire qu’ils osent utiliser Internet et leur conseiller des sites de qualité. Un meilleur niveau de connaissance permettra aux patients d’être mieux informés, tout en les sensibilisant aux informations santé mensongères, aussi très présentes sur Internet.

La formation des soignants est aussi nécessaire, pour qu’ils sachent qu’il existe des sites Internet santé de qualité pour le grand public, des sites qu’ils devraient idéalement recommander à leurs patients.

 

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