Vous utilisez un objet connecté santé ? Lisez cet article.
Une équipe de chercheurs de l’Institut de psychologie de l’Université de Lausanne a publié une revue de la littérature sur les promesses, défis et craintes de la santé digitale, en mettant un accent particulier sur l’utilisation santé des objets connectés. Ce travail passionnant présente l’état actuel des connaissances sur l’utilité des objets connectés en santé.
Les auteurs rappellent que les utilisateurs d’objets connectés santé peuvent se répartir en quatre grandes catégories :
- Des patients qui doivent gérer une maladie chronique et mesurer au quotidien leurs symptômes et leurs fonctions vitales.
- Des sportifs qui collectent leurs données dans le but de mesurer leurs performances et de les améliorer, à travers l’adaptation des objectifs et le contrôle des progrès.
- Des individus tout-venant qui débutent un auto-suivi de leurs activités par curiosité ou pour atteindre des objectifs de santé ou de bien-être (par exemple arrêter de fumer, perdre du poids, dormir mieux).
- Des passionnés du suivi, intéressés à documenter leurs activités avec autant de détails possibles, et qui parfois en font une forme d’expression artistique à part entière.
Si différents aspects de la vie peuvent faire l’objet de mesures, le domaine le plus exploité est celui de l’activité physique, suivi de l’alimentation, du sommeil, de l’humeur et la qualité de vie.
Objets connectés et santé. Vous êtes soit pour, soit contre
La littérature scientifique révèle deux tendances opposées. D’un côté, les enthousiastes qui sont convaincus de l’utilité des objets connectés, de l’autre les critiques qui s’inquiètent de ces phénomènes d’auto-surveillance.
L’espoir suscité par les objets connectés et par ses promesses : l’idéal du corps quantifié et de la santé surveillée
Les auteurs de cette publication démontrent que la littérature scientifique abordant les objets connectés est marquée chez un nombre important d’auteurs par un grand espoir face à l’arrivée des technologies digitales pour améliorer la santé et le bien-être des individus.
L’utilisation la plus fréquente des objets connectés est celle du « soi quantifié », c’est-à-dire la mesure par les individus de leurs propres paramètres, que ce soit leur activité physique, leur alimentation ou leurs signes vitaux. L’idée sous-jacente est qu’une meilleure connaissance de son corps amène vers une meilleure santé.
Scepticisme et craintes face aux objets connectés : menace du corps contrôlé et de la santé instrumentalisée
Face à ces auteurs enthousiastes, les psychologues de l’Université de Lausanne montrent l’existence d’un second courant, moins important, qui a lui une attitude plus réticente face aux objets connectés.
« Le dénominateur commun reliant les travaux au sein de cette tendance se définit par la dénonciation d’une représentation de la santé digitale qui menace d’instrumentaliser le corps humain et la santé ».
Oui, l’être humain, le patient notamment, n’est pas constitué que de données, sa complexité va bien au-delà des mesures, aussi précises et nombreuses soient-elles.
Un enthousiasme dangereux
“Des auteurs, notamment en sociologie, soulignent le caractère biomédical, et de ce fait réducteur, des approches enthousiastes de la santé digitale. Les promesses issues du mouvement du Soi Quantifiée sont remises en question avec celles du « solutionnisme » technologique qui l’accompagnent”.
Le solutionnisme est l’affirmation qu’à tous les problèmes de l’humanité il existe une solution technologique, avec parfois de dangereux raccourcis : vous vous pesez chaque jour, idéalement avec une balance électronique, vous perdrez du poids….
On découvre aussi dans cette publication la position de certains chercheurs qui me parait essentielle : « l’enthousiasme dominant qui règne actuellement constitue un empêchement au questionnement critique sur les dimensions sociales, culturelle, éthiques, politiques et économiques des développements technologiques actuels ».
Alors ?
Dans leurs conclusions, les auteurs de cette publication écrivent que « la littérature analysée oscille rapidement entre prise de position « pour » ou « contre », entre « l’homme augmenté par la technique » et « l’homme diminué et soumis à la technique ».
« Au-delà d’un positionnement clairement antagoniste, cette opposition récurrente dissimule une conception du corps humain largement partagée, et qui s’apparente à une croyance qui semble partagée par les deux, soit pour la promouvoir, soit pour s’en inquiéter : le corps humain pourrait être mesuré, ajusté, programmé, contrôlé par les technologies, que cela soit espéré ou redouté ».
Les psychologues lausannois appellent à la poursuite de la recherche à travers des études de terrain, pour mieux connaître « les influences psychosociologiques qu’exercent les technologies digitales » en rappelant que l’étude des usages sociaux et des risques psychopathologiques de l’usage des objets connectés en santé demeure à l’état d’ébauche.
Je rejoins bien sûr les conclusions de cette étude, les recherches futures doivent nous permettre de dépasser le « pour » ou « contre » de l’usage des objets connectés en santé, cela implique d’inclure dans les projets futurs des spécialistes des sciences humaines.
Sans cette démarche, les professionnels de la santé ne pourront pas introduire les objets connectés dans leur pratique médicale. Pour ce qui est des utilisateurs d’objets connectés, patients ou non, ils doivent impérativement comprendre que leur complexité va au-delà de simples mesures.
Source : Santé digitale : promesses, défis et craintes. Une revue de la littérature. Centre de Recherche en Psychologie de la Santé, du Vieillissement et du Sport (PHASE), Université de Lausanne. Maria del Rio Carral, Pauline Roux, Christine Bruchez, Prof. Marie Santiago-Delefosse.
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et si on faisait la différence entre “objets connectés” et “dispositifs médicaux connectés”.
Certes le 2nd intitulé est un peu moins accrocheur et vendeur mais il y a désormais sur le marché des objets connectés certifiés pour le médical !