Et si lʹon injectait davantage dʹhumanité dans la numérisation de la santé?

Les outils et autres services numériques destinés aux patients sont-ils réellement développés pour eux ? Pour le savoir, des chercheurs de la Brown University aux Etats-Unis ont voulu comprendre pourquoi les applications santé et autres objets connectés étaient aussi peu utilisés par les patients.

Le numérique, pour des patients plus investis

Les auteurs de cette recherche nous rappellent que la participation des patients (« patient engagement ») est un terme utilisé pour désigner l’amélioration de la capacité des patients à participer pleinement à leur prise en charge médicale, en les aidant à être plus actifs pour leur propre santé. Plusieurs études montrent que ces patients ont de meilleurs résultats cliniques.

La santé numérique, comme les objets connectés et les applications pour téléphones mobiles, est présentée comme un moyen de faciliter l’engagement des patients. La santé numérique peut, par exemple, aider les patients à s’auto-contrôler, encourager les changements de comportement, améliorer la compréhension des diagnostics et des plans de soins, mais aussi permettre des échanges dynamiques entre les patients et les professionnels de santé.

Des outils peu utilisés

Malgré la rhétorique, les patients n’utilisent pas les outils autant qu’ils le pourraient. Plus de 70 % des applications médicales ou de fitness ne sont plus utilisés après 90 jours, 50 % de ces applications sont téléchargées moins de 500 fois.  La faible utilisation de ces outils de santé numériques n’est apparemment pas due à un manque d’intérêt de la part des patients, les enquêtes faites partout dans le monde montrent à chaque fois l’intérêt de la population pour l’utilisation du numérique pour améliorer sa santé.

Pourquoi ?

Si ce n’est pas par manque d’intérêt, qu’est-ce qui explique la faible utilisation de la santé numérique par les patients ? Les auteurs de cet article répondent qu’il existe pour eux plusieurs explications, le manque de preuves d’efficacité de ces solutions mais aussi des préoccupations concernant la protection de la vie privée et enfin la résistance des médecins. Pour de nombreux experts, la faible utilisation de ces outils numériques peut s’expliquer par une trop faible implication des patients lors de leur conception. Les applications santé et autres solutions numériques seraient donc peu utilisées car elles ne répondent tout simplement pas aux besoins des patients.

Philosophie et algorithmes

Le patient n’est pas qu’une maladie, il n’est pas constitué que de chiffres et de données. Si l’on veut que les outils et autres services numériques de santé développés soient utiles aux patients, qu’ils aient un impact sur leur santé, il est indispensable de tenir compte de l’individu qui se cache derrière chaque patient.

Pour obtenir ce résultat, il sera nécessaire de mieux comprendre les besoins des patients. Pour y parvenir, deux voies complémentaires doivent à mon avis être suivies. La première est de les intégrer dans le développement de ces solutions numériques, ou mieux encore, de les encourager à développer eux-mêmes ces outils.

La seconde voie est une meilleure intégration des connaissances issues des sciences sociales et des sciences humaines. Pour reprendre une citation d’une émission Six heures – Neuf heures de la RTS consacrée aux humanités numériques :

“Des voix sʹélèvent pour que les humains cessent de se focaliser sur les logiciels, sur la robotique, sur le monde digital, pour que nous fassions à nouveau confiance à ce qui fait notre spécificité : la pensée, lʹesprit. Ce pourrait même être une question de survie face aux machines… Mais attention : il ne sʹagit pas ici de jeter à la poubelle les incroyables progrès de ces dernières décennies. Il sʹagit plutôt de lier philosophie et algorithmes, histoire et biotechnologie, sociologie et deep learning, éthique et big data”.

La solution ? Technologie + patient + sciences sociales et humaines.

 

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Dr Jean Gabriel Jeannot

Médecin, spécialiste en médecine interne, avec un intérêt particulier pour l’utilisation des technologies de l’information et de la communication en médecine.