La santé (autrement)

En médecine, la révolution numérique n’existe pas

Si vous voulez être lu, vous devez écrire sur la révolution numérique, sur le big data, sur la blockchain ou sur l’internet des objets. C’est le succès assuré, vous serez liké et retweeté. Ces innovations ont pourtant actuellement un impact pour le moins limité sur le quotidien des patients et des professionnels de la santé. Lire à longueur de tweets les louanges du big data, alors que je reçois les rapports d’hospitalisation de mes patients par fax six semaines après leur sortie, me fait dire que nous avons actuellement un problème de priorité.

Plutôt que de se passionner pour les innovations qui bouleverseront (peut-être) le futur de la médecine, ne devrions-nous pas d’abord nous intéresser aux besoins actuels des patients?

 

Que souhaitent les patients ?

Le big data et l’intelligence artificielle sont à l’évidence des thèmes importants pour le futur, y compris en médecine. Je vous assure pourtant que ces sujets sont bien éloignés des préoccupations actuelles des patients. Leurs demandes sont beaucoup plus pragmatiques.

Si son problème de santé est mineur, le patient 2017 souhaitera trouver sur Internet une information de qualité qui lui permettra de se soigner seul. Si son problème est plus important, il voudra un contact avec un professionnel de la santé qui puisse l’aider. Nous avons à mes yeux dans ces deux phrases les premiers objectifs de la santé numérique, l’accès à une information de qualité (pour les patients comme pour les professionnels de la santé) et l’accès aux soignants :

Le plus bel exemple de cette évolution est à ma connaissance le système britannique eConsult qui propose l’ensemble de ses services au travers d’une unique interface. Le patient peut soit obtenir des informations pour se soigner lui-même, soit découvrir les propositions d’un pharmacien, soit bénéficier d’un conseil téléphonique ou enfin être mis en contact avec son généraliste.

 

Une révolution ?

Les développements de ces nouveaux services ne constituent cependant pas une révolution. Le patient qui s’exprime dans l’article Are Patients Seeing A Digital Health Revolution? à propos de la possibilité de prendre rendez-vous chez son médecin par Internet résume la situation en une phrase :

Ne vous méprenez pas, la possibilité de prendre rendez-vous en ligne est beaucoup plus pratique que de téléphoner à son médecin pendant les heures d’ouverture du cabinet ou de laisser un message sur le répondeur. Mais je n’appellerais pas cela une « révolution de l’expérience patient », une phrase souvent entendue lors de conférences consacrées à la santé ».

 

La coordination des soins

Face à la complexité toujours plus grande du système de santé, l’accès à l’information et l’accès aux soins ne seront cependant pas suffisants. Il faudra aussi, pour obtenir des soins de qualité, assurer la coordination du système. Le numérique doit nous aider à y faire face, en facilitant la documentation médicale et la transmission d’informations entre les différents acteurs en charge du patient. Il faudra pour cela pouvoir s’appuyer sur des dossiers médicaux et des dossiers patients électroniques de qualité, cette partie-là n’est pas encore gagnée. Il s’agit pourtant d’une condition sine qua non si l’on veut d’une part que les professionnels de la santé puissent travailler efficacement, d’autre part que les patients soient traités dans de bonnes conditions de sécurité.

 

Une médecine connectée

Même s’il s’agit plus d’une évolution que d’une révolution, le changement que l’on doit souhaiter est celui d’une médecine connectée. Des patients qui trouvent des informations santé de qualité sur Internet, qui échangent avec d’autres malades dans des communautés patients, qui peuvent bénéficier de téléconsultation tout en accédant à leurs propres données médicales. Pour les professionnels de la santé, cela pourrait se traduire par l’utilisation d’un dossier médical intelligent et par un accès à toutes les données concernant un patient, avec des informations qui circulent efficacement entre les différents partenaires de soins. L’idée est simple, être mieux soignés pour les patients, travailler plus efficacement pour les professionnels de la santé. Cela n’a rien de révolutionnaire.

 

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