Les grands climatologues alertent sur les boucles de rétroaction

Les rapports du GIEC se penchent essentiellement sur les effets directs du réchauffement climatique. Celui-ci a aussi des conséquences sur la biosphère, fait fondre les glaces, provoque des sécheresses et des feux de forêts.  La fonte de glaces libère des surfaces sombres qui absorbent plus de rayons du soleil, le carbone des arbres brûlés s’ajoute à celui provenant de nos émissions, et ces changements accélèrent le réchauffement.

Plusieurs éminents climatologues, dont Lenton, Röckstrom, et Schellnhuber ont écrit un article dans lequel ils attirent l’attention sur ces boules de retroaction. Ils ont identifié 41 effets du climat, dont l’immense majorité pourrait avoir un effet accélérateur sur le réchauffement. Ces risques devraient bénéficier de plus d’attention. Ils demandent par exemple un rapport du GIEC consacré à ces problèmes.

Plus de vingt conséquences du changement climatique sur la végétation ont été répertoriés.  Il pourrait provoquer la mort des forêts, des incendies, d’autres stress des plantes, la disparition d’insectes pollinisateurs, l’émission de carbone du sol, des changements dans l’écosystème microbien, le verdissement de la région arctique, et plusieurs autres effets qui en conséquence modifieraient notre atmosphère.

Les chercheurs mentionnent notamment que le dépérissement des forêts, la perte de carbone du sol, la fonte du pergélisol, l’assèchement et la combustion lente des tourbières et l’évolution de la pompe biologique océanique sont difficilement prévisibles et leurs conséquences pourraient être importantes.

L’Amazonie et la jungle du Congo souffrent des nouvelles sécheresses, les forêts tempérées en portent les traces aussi et de nombreux arbres sont malades, d’immenses feux de forêt ont touché la Sibérie, l’Australie, maintenant le Chili.

Les sols perdent du carbone notamment en conséquences de sécheresses, s’érodent, et la poussière s’accumule dans l’atmosphère.  Le pergélisol fond et émet des gaz à effet de serre. Les tourbières sont des grands réservoirs de carbone et je crois que seule une gestion humaine pourrait les sauver.

Le plancton capte le carbone et nourrit les habitants des océans. Il semble moins abondant dans les eaux tropicales mais se développe dans les eaux arctiques (mesures satellite). Il était récemment admis qu’il absorbait près du tiers du carbone atmosphérique, et un tiers était assimilé par les forêts, mais le plancton pourrait mieux supporter le réchauffement, et jouer un rôle essentiel dans le Futur.

Les  chercheurs alertent sur le fait que des nouvelles petites augmentations du réchauffement à court terme constituent un risque important, compte tenu des souffrances que nous subissons déjà à cause des catastrophes climatiques telles que les incendies de forêt « sans précédent », les tempêtes intenses, les inondations côtières, le dégel du pergélisol et les événements extrêmes.

Ils demandent donc une étude accrue des boucles de rétroaction, notamment biologiques, et un développement de la  collecte et de l’analyse de données de ces changements.  Ils suggèrent un nouveau rapport du GIEC sur ces sujets.  Ils aimeraient aussi disposer d’un modèle integrant le changements climatique, les boucles de rétroaction, l’effet de mesures de mitigation et des activités humaines.

Selon eux, si les pires risques posés par les boucles de rétroaction et les points de basculement ont été sous-estimés, l’avenir d’une planète Terre hospitalière pourrait être en jeu.

J’alerte depuis plusieurs années sur ces sujets. Il est évident que la végétation, le sol et les écosystèmes souffrent des changements météorologiques, et qu’un changement climatique survenant en quelques décennies est trop rapide pour des forêts. Ces dernières années, nous voyons autour de nous des prairies jaunies, des arbres secs, des fleuves asséchés.  Ces boucles de rétroaction dont les effets sont discutés notamment par Extinction Rebellion doivent être considérées très sérieusement. Le GIEC n’a de loin pas tout prévu.  Les calculs de probabilité sur ce sujet semblent extrêmement difficiles, mais les événements observés   pourront  bientôt enrichir les modèles. L’humanité dispose aussi de nombreuses solutions mais pourra seulement les appliquer si elle voit la vérité en face.  En particulier une régénération de la végétation, des écosystèmes, des baleines, etc pourrait améliorer l’avenir de la Planète.

En Grande-Bretagne, la végétation pourrait profiter du changement climatique

Comment le changement climatique affectera-t-il la végétation?

Une équipe de scientifiques anglais a prédit les changements de végétation qui pourraient survenir au cours du réchauffement.  Ils prévoient des soudaines modifications de la biomasse végétale en Grande Bretagne, la mort de certains végétaux ou une soudaine croissance luxuriante favorisée par le climat. D’après leurs calculs, il y aura de nombreux changements brusques, des périodes où la végétation dépérira et d’autres où elle deviendra luxuriante, plus abondante qu’aujourd’hui. Leur modèle pourrait permettre de détecter ces changements l’année précédente ou celle d’avant. Il anticipe surtout la croissance accrue des végétaux.

Les plantes dominantes des écosystèmes britanniques garderaient ce rôle, mais pourraient soudainement croître beaucoup moins ou au contraire proliférer. Le réchauffement seul pourrait poser des problèmes à la végétation, mais l’augmentation de CO2 la favorisera.

https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/gcb.15144

Ce modèle calcule seulement l’effet direct du climat sur la végétation , la chaleur, la sécheresse et les pluies. Il ne prévoit pas les infestations de bostryches, l’émergence de nouvelles maladies ni les feux de forêt.  Il pourrait vraiment sous-estimer le stress imposé à la végétation.

Une montée de niveau de la mer importante pourrait diminuer la surface fertile de la Grande-Bretagne, la mer s’infiltrerait loin dans les terres. Les changements seraient alors beaucoup plus importants et plus catastrophiques que prévu.

En Grande-Bretagne, la végétation pourrait profiter du changement climatique. Cependant, selon Chris Boulton, il serait très utile d’effectuer ce type de simulations pour toute l’Europe. Les résultats pourraient être différents. Les climats méditerranéens pourraient subir une perte de la végétation.  Des nouvelles maladies  aggraveraient encore ce problème.

Finalement, je rappelle que la Grande-Bretagne, comme toute l’Europe, était naturellement couverte d’une immense forêt. La végétation y a été modifiée par l’activité humaine. Les terres ont été déboisées pour les cultures et pour l’élevage, et consomment lentement le carbone du sol produit par les anciennes forêts. La végétation pourrait naturellement être beaucoup plus importante, capter plus de carbone, former plus de sol, stabiliser le climat local et limiter la pollution.  Les forêts originelles devrait être recréés en Europe et conservées partout où c’est possible.

 

 

Article: https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/gcb.15144

La gênante idée de Monsieur Darwin : Un écosystème luxuriant planté par l’Homme – un espoir pour notre avenir?

Le réchauffement climatique menace de nombreuses espèces, dans tous les écosystèmes de la Planète. Les animaux et les végétaux migrent chaque année vers le nord ou en altitude.  Dans nos forêts, nous voyons maintenant des arbres jaunis, attaqués par les bostryches et des arbres arrachés par les tempêtes. Nous pourrions perdre certains écosystèmes actuels. Nos régions se désertifieront -elles?

Je partage ici la moitié du blog d’Adrien Rodriguez, géologue. Il décrit dans celui-ci un exemple réussi de création d’un écosystème par l’Homme, consultez son site pour les descriptions botaniques et pour les autres articles (blog).

 

La gênante idée de monsieur Darwin (Adrien Rodriguez)

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Tout le monde connaît Charles Darwin et sait qu’il fut le père de la théorie de l’évolution, qui révolutionna complètement la biologie. Beaucoup de personnes savent également que le développement de ces idées dut beaucoup à un voyage qu’il réalisa à travers l’Hémisphère Sud, qui le conduisit jusqu’aux Iles Galapagos. Ces îles sont un authentique laboratoire à ciel ouvert où l’évolution suit son cours sous l’attentif regard des scientifiques. Peu de personnes savent, par contre, qu’à son retour des Galapagos, Darwin fit escale sur la petite île d’Ascension, perdue au beau milieu de l’Atlantique à mi-chemin entre le Brésil et l’Afrique.
L’île attira surtout son attention par la presque totale absence de végétation qui avait déjà été remarquée par l’allemand P. Osbeck, qui donnait une terrible description de l’île en 1752: “I never saw a more disagreeable place in all the world than this island”. Sachant qu’à cette époque il n’y avait que 29 espèces de plantes natives recensées – aucune d’elle arborescente ou même ligneuse – on comprend mieux l’impression de désolation que ce lieu devait causer.

A son retour, Darwin suggéra à son ami Joseph Hooker, qui fut plus tard le directeur des fameux Jardins Botaniques Royaux de Kew, de planter sur cette île des arbres et des plantes capables de “capturer” l’eau apportée par les nuages afin d’améliorer les conditions de vie sur l’île.

L’idée ne fut pas oubliée et quelques années plus tard la marine anglaise entreprit avec l’aide des jardins de Kew un ambitieux programme de plantation d’espèces originaires de différents endroits du monde, qui furent plantées dans les zones les plus hautes de l’île, a priori plus humides et plus favorables à leur établissement. Le succès fut tel qu’aujourd’hui une foisonnante jungle tropicale couvre une bonne partie de la Green Mountain, dont le nom reflète bien le changement intervenu.

Le succès de cette idée, cependant, incommode aujourd’hui beaucoup les biologistes conservationnistes, qui se refusent à accepter l’idée que d’authentiques écosystèmes fonctionnels aient pu se développer dans un temps si court et de perdurer jusqu’à aujourd’hui. Certains affirment même que cette végétation n’a aucune chance de survivre et qu’elle serait même en train de disparaître. Ce n’est pas, toutefois, ce que montrent les observations de terrain, qui semblent plutôt démontrer le contraire, le nombre d’espèces présentes sur l’île et l’aire occupée par celles-ci ayant sensiblement augmenté. Il semble donc que l’on soit encore bien loin d’avoir atteint un état d’équilibre. Il est vraiment curieux de constater que plus d’un siècle et demi plus tard, Darwin continue de déranger…

Les espèces introduites se sont naturellement distribuées, grosso modo, en 3 étages de végétation qui reflètent l’augmentation des précipitations avec l’altitude. Le nombre des espèces présentes augmente avec l’altitude et atteint un maximum de 139 espèces dans la région sommitale de la Green Mountain.

En plus des plantes, l’île compte également plusieurs espèces de vertébrés introduites volontairement ou accidentellement et dont la présence est importante pour certaines espèces de plantes. L’animal “terrestre” natif de l’île le plus important est, en réalité, un crabe qui s’alimente exclusivement de végétaux et qui raffole des goyaves (qui n’existaient pas sur l’île auparavant). Il existe cependant quelques populations férales d’ânes, de moutons, de souris et de rats. Les chats, par contre, ont été complètement éradiqués afin d’éviter la menace qu’ils faisaient planer sur le futur de nombreuses espèces d’oiseaux marins. Quelques espèces d’oiseaux ont également été introduites et jouent un rôle important en dispersant les graines des fruits qu’ils consomment.

Pourquoi la végétation de cette île éveille-t-elle tant l’intérêt des scientifiques ? C’est surtout parce qu’elle démontre que des espèces originaires de lieux différents et qui n’ont pas coévolué au contact les unes des autres sont tout-à-fait capables de coexister et de constituer un écosystème “nouvel” (libre traduction du terme anglais novel ecosystem) au sein duquel chaque espèce occupe sa propre niche écologique et assume un certain nombre de fonctions qui permettent à l’écosystème de fonctionner normalement. Un tel exemple ouvre bien sûr des perspectives intéressantes dans l’optique de la récupération des terres dégradées ou voir même de la colonisation d’autres planètes. Accepter une telle idée change bien sûr complètement le point de vue que nous avions vis-à-vis des espèces exotiques et de la manière de gérer les espèces invasives, ce qui est très mal accepté par les biologistes conservationnistes.

blog d’Adrien Rodriguez, Retour au Pliocène, Août 2019

Dans les autres articles de son blog, Adrien Rodriguez  décrit les espèces paléo-autochtones de la péninsule ibérique, qui y proliféraient quand le climat était plus chaud.  S’épanouiront-elles à nouveau? C’est un sujet très intéressant. Nos écosystèmes sont très menacés. Devons-nous prendre le risque de nous retrouver face à un paysage aride, ou devons-nous prendre les devants et planter des forêts résistantes au réchauffement? Pouvons-nous suffisamment prédire le climat qui régnera dans quarante ou cinquante ans? La Nature formera-t-elle des nouveaux écosystèmes elle-même?