Deux trains renversés dans la région de Bienne lors de la tempête Mathis

Vendredi, un fort vent soufflait toute la journée, les arbres s’agitaient dans la tempête. A certains moments, le grésil recouvrait le sol de billes blanches en une minute, puis cessait aussi vite. A la récréation, les enfants jouaient devant l’école, sous les grands arbres gémissants. Ils devraient probablement rester à l’intérieur dans un telle situation.  Dans l’après-midi, des vents de 120 km/h ont été mesurés à Neuchâtel (MétéoSuisse).  J’y étais à ce moment-là. La vitre de l’abri-bus tremblait. Une lourde pluie tombait de biais. Les passants marchaient encore facilement dans la rue, nous ne nous rendions absolument pas compte qu’il y avait un danger. Seule une dame âgée totalement décoiffée s’est plainte qu’elle a failli tomber.

Un train a alors déraillé à Locras, près de Bienne, canton de Berne. Un wagon s’est renversé. L’accident a causé trois blessés, les trois occupants de cette voiture.  Vingt minutes plus tard, un autre train à voie étroite subissait le même sort à quarante kilomètres de là, à Büren-zum-Hof. Trois wagons ont déraillé.  A ce moment précis, la station de mesure météorologique voisine enregistrait une rafale de 136 km/h, ce qui s’approchait d’un ouragan (rts). La tempête Mathis, centrée sur le sud de l’Angleterre a généré des vents violents sur une partie de l’Europe dont la Suisse. Il a beaucoup plu et des milliers d’éclairs ont été observés.

Les deux accidents simultanés montrent clairement qu’ils sont dus aux conditions particulières qui régnaient à ce moment-là.   D’autres déraillements se sont déjà produits par vent fort près de Wasserauen en 2007, en 1996 dans l’Oberland bernois,  et en 2018 dans le Simmental bernois, sur la ligne entre Montreux et l’Oberland bernois.

Vendredi passé la ligne ferroviaire de Wasserauen était suspendue en raison des vents violents.  Comme c’est souvent le cas, les mesures de prévention sont prises là où un accident s’est déjà produit, alors que des modèles scientifiques pourraient suggérer les risques à de nombreux autres endroits.

Les deux accidents de vendredi se sont produits sur des lignes à voie étroite. L’écart normal entre les rails est de un mètre quarante. Sur les tronçons où les deux trains ont déraillé vendredi, il mesure un mètre seulement. Le service suisse d’enquête de sécurité estime que cette différence peut influencer la stabilité du train. L’angle d’attaque du vent semble aussi important, et la forme des wagons pourrait peut-être être plus aérodynamique.

Les tempêtes s’aggravent et le nombre d’arbres cassés par le vent augmente. Nous savons que le changement climatique s’amplifiera au cours de la prochaine décennie, et des intempéries sans précédent, inconnues à l’heure actuelle,  nous attendent. Nous avons besoin de règles de prévention, qui arrêtent les trains en cas de danger. Cela risque bien sûr de se produire fréquemment, entre les tempêtes et les glissements de terrain nous avons déjà vu plusieurs perturbations du traffic dans les dernières semaines.  Les transports deviendront plus hasardeux.

Nous aurons bientôt besoin de confiner la population à la maison le temps d’une journée ou de diffuser des appels radios et sms pour ouvrir instantanément nos portes aux passants en danger. Ces mesures de sécurité doivent être développées au plus vite.  Le mieux sera alors de rester à la maison. Nous devons rapidement développer un modèle du fonctionnement de la société avec une semaine par mois de confinement pour raisons météorologiques, ainsi que des moyens d’évacuation de la population en cas d’inondation ou de vague de chaleur (véhicules, abris).

Deux déraillements quasi-simultanés incriminent très clairement la tempête. D’autres accidents semblables se sont récemment produits dans le monde.  Ils devraient être réexaminés pour détecter ceux qui étaient dus à des vents forts et une modification des conditions climatiques.

 

Développons intelligemment les lignes de chemin de fer

Le train est un moyen de transport rapide, confortable et écologique. Cependant, les inondations et les glissements de terrain s’aggravent à mesure que le réchauffement progresse. Elles menacent aussi les infrastructures ferroviaires.  La Chine est particulièrement frappée par des nombreux événements climatiques extrêmes (blog1, blog2), qui touchent aussi les voies de chemin de fer.  Au cours des trente-cinq récentes années, entre 1981 et 2016,  près de mille catastrophes ont interrompu le traffic ferroviaire.  Elles étaient causées par les pluies intenses, et en particulier par des débris emportés par la pluie.  D’autres perturbations ont été provoquées par les inondations de voies, et les glissements de terrain.

Une étude chinoise prévoit que ces interruptions se multiplieront à mesure que le réchauffement climatique aggravera les pluies extrêmes.   La proportion de l’infrastructure ferroviaire très exposée aux catastrophes passerait de 1,1% actuellement à 12% autour de 4°C de réchauffement planétaire.  C’est un réel problème dans les montagnes et en bord de rivière.  Mais ces prévisions suggèrent aussi que l’essentiel des lignes supporterait même ces conditions extrêmes. Des températures aussi élevées causeraient de nombreuses et impressionnantes catastrophes et les nombreuses initiatives climatiques en cours partout dans le monde nous éviteront probablement une telle évolution.

Image par Hans Braxmeier de Pixabay

Le réchauffement climatique accroît cependant déjà les interruptions et les dommages causés à certaines lignes  ferroviaires exposées.  Il faut en être conscients. Certains tracés devront probablement être transformés ou abandonnés. Cependant, en général, les lignes les plus importantes ne suivent pas de chemins tortueux en montagne, et elles ne devraient pas être affectées.

Le train reste le moyen de transport écologique de choix. Il nous permettra d’éviter les immenses catastrophes qui détruiraient nos villes et nos récoltes. Il est très pratique et confortable, le trajet Genève – Paris est plus simple en train qu’en avion. Je suis ravie de voir les retour des trains de nuit, il est essentiel de préserver et de subventionner les moyens de transport durables.

Le chien de fer innove aussi. Les prototypes actuels à suspension magnétique se déplacent à 600 ou 800 km/h. Il faudrait bien sûr vérifier l’innocuité du magnétisme fort pour les passagers et le personnel, mais il est possible qu’à l’avenir, les trajets deviennent extrêmement rapides, et nous permettent de rejoindre toutes les villes d’Europe en une heure ou deux.  Un train souterrain fulgurant pourrait bientôt traverser le Pacifique.

Image par Armin Forster de Pixabay

Face à l’avenir climatique, je suggère d’abandonner quelques petites lignes de chemin de fer les plus exposées et de les remplacer par des bus. Les dommages seront probablement répétitifs. Les lignes importantes devraient par contre être développées, et  sécurisées en cas de besoin. Elles pourraient être suspendues par sécurité les jours de plus fortes pluies.

Heureusement, la prévision des glissements de terrain progresse aussi, le modèle SSAFE permet d’alerter sur les risques des mois ou des années  à l’avance.  Il serait judicieux de calculer la stabilité du terrain en cas de pluies et de neiges beaucoup plus importantes que les mesures actuelles. Des nouveaux records tombent tous les jours et une aggravation est prévue. Il vaut mieux y être préparés.

Article sur les risques encourus par les chemins de fer chinois.

Image de couverture par WikiImages de Pixabay