Le méthane atmosphérique augmente. Les Borgs nous protégeront-ils?

Le méthane s’accumule dans l’atmosphère

Sa concentration s’accroît de plus en plus vite (WMO). Ce dangereux gaz à effet de serre est émis de nombreuses sources. Des sources humaines ont été identifiées par la NASA et peuvent sûrement être maîtrisées. Il s’agit de champs pétrolifères, et de décharges à ciel ouvert (article Temps). Ces fuites pourraient être maîtrisées, le gaz pourrait être récupéré ou éliminé par un procédé d’épuration. Une nouvelle méthode chimique vient d’être mise au point (platine-palladium). Ces technologies peuvent être fortement développées. Les émissions de sources naturelles, de grandes étendues de terres et de fonds marins, seront plus difficiles à maîtriser.

Les rizières et les marais semblent émettre plus de méthane parce qu’il fait plus chaud.

Le plus grave danger vient du permafrost Arctique et des fonds marins Arctiques. Le dégel de ces zones peut entraîner l’émission d’immenses quantités de gaz et provoquerait un effet de serre beaucoup plus fort.

Les bactéries mangeuses de méthane

Le méthane est produit par des bactéries dans les marais et dans le sol. D’autres bactéries digèrent ce gaz. Elles participent à son  cycle naturel  et en épurent l’atmosphère.

Ces bactéries du genre Methanopredens sont assez peu connues.

Une d’elles, M.nitroreducens, a été trouvée dans les sédiments des eaux douces, dans les rizières, les rivières et les lacs et bien décrite (publication). Elle contient certains gènes uniques, et croît très lentement.

D’autres vivent profondément enfouies dans les sols et dégradent le méthane sous-terrain. Il s’est avéré récemment que celles-ci contiennent des éléments d’ADN particuliers, des longs éléments extrachromosomiques, qui ont été appelés Borgs. Il n’est pas clair s’il s’agit de reliquats de virus, ou du génome dégradé d’une bactérie cousine. Ils incluent des gènes de plusieurs origines, dont certains codent pour des enzymes acteurs du métabolisme de la bactérie et de la dégradation du méthane (communiqué).

Il s’agit peut-être d’un éléments très anciens, vestiges de temps anciens où l’ADN passait plus facilement d’un microbe à l’autre. D’autres surprises pourraient nous attendre enfouies dans les profondeurs. La vie a survécu des milliards d’années aux pires cataclysmes, aux météorites qui ont fait fondre la surface de la Terre, cachée à des centaines de mètres sous le sol.

Cette découverte pourrait permettre d’utiliser la biotechnologie et d’augmenter des milliers de fois l’efficacité de dégradation de méthane des bactéries. Les bactéries Methanopredens stabilisent la proportion de gaz qui parvient dans l’atmosphère et les humains pourraient peut-être les utiliser à cet effet.

Ces bactéries se multiplieront-elles seules quand il y aura plus de méthane dans l’eau? Alternativement, l’Homme pourrait répandre des bactéries génétiquement modifiées sur les terres Sibériennes et sur le fond marin.  Elles consommeraient le gaz dissous dans l’eau. Cela exige au moins des études d’impacts approfondies et comporte des risques biologiques sérieux.   Les bactéries ou leurs enzymes utiles pourraient peut-être être utilisées d’une troisième façon, l’eau du fond des océans passerait dans des filtres qui élimineraient le gaz.

 Les cercles blancs indiquent les endroits où une bulle de gaz a atteint la surface de glace. Actuellement, le permafrost dégèle, de nombreux nouveaux lacs se forment et bouillonnent de méthane (blog). 

Emissions massives du permafrost

Les émissions de méthane du permafrost sont un grand risque pour la vie sur Terre. Si elles s’amplifient, la température montera rapidement et provoquera un dégagement de méthane additionnel, une boucle de rétroaction de réchauffement positive se mettra en place. Les conséquences dépasseraient celles qui sont discutées par le GIEC, et rendraient la vie hasardeuse en Europe.

Le gaz s’échapperait des sols de Sibérie et d’Alaska, et des fonds de la mer Arctique. Les scientifiques se demandent s’il atteindrait l’atmosphère ou serait dégradé avant. Une étude récente de Kessler établit qu’actuellement, le méthane émis des fonds marins de l’Atlantique et du Pacifique n’atteint pas la surface des océans. Il est dégradé dans l’eau (lien). Personnellement, je ne suis pas convaincue qu’il en sera toujours ainsi.

Une étude géologique récente a établi que les fonds marins ont émis du méthane il y a 125’000 ans, suite à l’arrêt de la circulation thermohaline et à l’arrivée d’un courant chaud (blog). Les chercheurs ont détecté les traces d’un gradient de méthane. Il était plus abondant au fond et moins vers la surface de l’océan, ce qui suggère qu’il a été partiellement dégradé dans l’eau, mais il a aussi atteint l’atmosphère et contribué au réchauffement de cette période.

Dans la mer de Sibérie, le fond qui dégage de méthane se trouve à faible profondeur. N. Shakova y a observé que le méthane atteint l’atmosphère si la mer est libre de glace (blog). L’intensité du dégagement joue aussi un rôle important. Une petite quantité de gaz est immédiatement en solution dans l’eau ou se dissout rapidement, et là les bactéries méthanotrophes accélèreraient sa dégradation. Si par contre le méthane est émis sous forme de grands geysers, des puissants jets de grosses bulles pourraient atteindre la surface. Les cratères de plusieurs dizaines mètres de diamètre témoignent d’émissions explosives de gaz. Des émissions massives atteindraient probablement l’atmosphère et causeraient un effet de serre intense et un réchauffement abrupt, que les bactéries seraient impuissantes à éliminer. D’autres solutions devraient être préparées, telles que la combustion ou la récupération préventive du gaz.

Grand cratère témoin d’émission explosive de méthane du permafrost sibérien