L’extinction humaine est-elle proche? L’apocalypse selon Guy McPherson

Guy McPherson est un ancien professeur d’université d’écologie. Il a quitté le monde de la recherche universitaire, et la vie dans la société américaine pour exploiter, conformément à ses valeurs,  une ferme écologique, changement  qu’il a décrit dans un livre, ‘Walk away from the Empire‘ et dans son blog.  Le livre ‘Going dark’ expose ses inquiétudes pour la Planète. Aujourd’hui, il expérimente personnellement un mode de vie écologique. Il élève des chèvres et  cultive son jardin.

Ses recherches l’ont mené à prendre très au sérieux la vitesse à laquelle les espèces vivantes disparaissent aujourd’hui et le changement climatique. Dans une publication récente, qu’il présente dans cette vidéo, il déclare que l’espèce humaine risque l’extinction à court terme. Il cite plusieurs changements inquiétants qui surviennent actuellement sur la Terre, et qui constituent des graves risques pour l’Humanité. Je le trouve un peu réducteur à clamer constamment ‘la fin est proche’- Michael Mann, un climatologue, dont le travail récent suggère que les températures se stabiliseraient si nous diminuons les émissions,  a même dit récemment que Guy McPherson devait être payé par les industries fossiles pour saper l’action climatique, ce qui est certainement aussi exagéré. Guy McPherson fait allusion à des faits et des risques réels de son point de vue d’écologiste.

Selon lui, les conditions de vie nécessaires pour l’humain pourraient être détruites sur Terre, l’Humanité pourrait disparaître, comme l’immense majorité d’espèces s’est éteinte au cours de notre passé géologique. Il remarque que la plupart des vertébrés terrestres disparait à vue d’oeil, alors il pourrait en être de même pour l’Homme.  D’autres écologistes s’alarment aussi du rythme effréné de disparition d’espèces sur Terre, (Paul Ehrlich par exemple, lien), et estiment qu’elle signale un bouleversement majeur du système Terre et y voient un immense danger.

J’objecte que pour le moment, nous annexons tous les écosystèmes sauvages pour produire des aliments pour les humains. Mais il est vrai nous ne le faisons pas intelligemment ni de manière durable.

Méthane dans la mer Arctique et dans le permafrost

GuyMcPherson cite par exemple le méthane dans la mer Arctique ou dans le permafrost terrestre que le réchauffement pourrait libérer, et le gaz émis démultiplierait le réchauffement climatique, avec des très dangereux bouleversements météorologiques.  Cet événement hypothétique est généralement considéré comme possible pour le 22ième siècle, certains craignent une augmentation du réchauffement par le méthane vers 2050 déjà. D’autres, comme Peter Wadhams, pensent qu’elle pourrait se produire à tout moment. Le permafrost semble dégeler plus vite que prévu, les émissions de méthane ont augmenté (traduction d’un discours ONU) ces dernières années et c’est inquiétant.  Les quantités sont encore infimes, mais un processus redouté a commencé. Il pourrait mener à des événements d’une échelle réellement apocalyptique, mais ils devraient nous laisser encore au minimum quelques décennies.  Certains scientifiques pensent que la Nature, a par le passé, éliminé le méthane d’une manière ou d’une autre. Il faudrait cependant rechercher des solutions aux émissions de méthane (blog).

Le nouveau climat terrestre

Ensuite, il fait allusion au travail de Burke qui compare le réchauffement aux climats passés (lien), et calcule que  si nous restons à 2°C du réchauffement, le climat résultant des prochaines centaines d’années sera probablement celui du Pliocène, 2-3°C plus chaud qu’aujourd’hui, avec des hivers froids et des étés caniculaires sous nos latitudes.  Les conditions de culture agricole pourraient alors beaucoup changer.  Si par contre nous suivons la trajectoire de réchauffement rapide sans maîtrise des émissions humaines, jusqu’à 4°C de réchauffement, le climat de la Terre pourrait basculer vers celui de l’Eocène, 13°C plus chaud, au cours du 22ième siècle.  Une température de 4°C ferait probablement fondre les glaces et pourrait provoquer les émissions de méthane qui réchaufferaient la Terre de plusieurs degrés supplémentaires. Ces changements vers un nouvel équilibre climatique se produiraient à l’échelle d’un ou deux siècles.

Aérosols

Actuellement, la combustion du charbon libère des aérosols qui refroidissent l’atmosphère.  L’arrêt immédiat de toutes les industries diminuerait la quantité d’aérosols dans l’atmosphère et réchaufferait la Planète. Si tout s’arrêtait demain, il ferait un peu, peut-être 0,5°C plus chaud pendant quelques années. Une nouvelle étude au moins suggère que l’effet des aérosols est moins fort que prévu par les modèles climatiques (lien ), une autre estime même que les aérosols réchauffent la Planète (lien).   Et tant que le charbon est utilisé, l’effet de serre augmente. En 2020, la Chine a réduit l’activité de ses usines pendant le confinement. Il semble qu’il n’y a pas eu de réduction d’aérosols au niveau planétaire, car d’immenses feux de forêts en Australie et surtout en Amazonie en ont produit beaucoup.

Guy McPherson s’inquiète de l’effet de réchauffement que l’arrêt des usines et de leurs aérosols aurait sur la Planète, mais si les usines étaient mises hors service ou changeaient de source d’énergie progressivement, sur une dizaine d’année, ça devrait aller.  Cela semble la meilleure solution, proche de celle préconisée par le programme des Nations Unies pour l’Environnement (lien).

Approvisionnement alimentaire

Ensuite, il estime que notre approvisionnement alimentaire pourrait être rapidement désorganisé, soit à cause d’une perte de fertilité planétaire causée par la disparition des vers de terre, soit à cause de ruptures de la chaîne d’approvisionnement dans un système impliquant des nombreux transports intercontinentaux.

Les vers de terre dégradent des restes de plantes dans le sol et contribuent à les transformer en humus. Ils aèrent le sol et le rendent perméables à l’eau (brochure FIBL EN) . Le travail cité par Guy McPherson estime que 83% des vers de terre ont aujourd’hui disparu.  L’usage de pesticides chimiques et de lourdes machines agricoles rend leur survie dans les champs difficile, et leur absence aggrave le tassement des sols et la perte d’humus, et pourrait contribuer à l’épuisement des sols.  L’absence des vers de terre est aussi indicative des changements des terres. Celles-ci contiennent, dans la nature, un écosystème riche de milliers de bactéries, de petits animaux et de champignons nécessaires au fonctionnement du sol vivant.  En 2018, puis de 75% des sols étaient dégradés par l’exploitation humaine. Il y a de plus en plus d’humains à nourrir, et nous détruisons les champs dont nous avions besoin. Nous sapons vraiment la Terre sous nos pieds.  Ces problèmes surviennent progressivement, s’aggravent depuis des décennies. Des solutions, telles que la reforestation, l’agroforesterie, l’agriculture biologique, les couverts végétaux, l’agriculture sans labour,  sont aussi développées, par exemple par le FIBL. L’association Terre et Humanisme travaille beaucoup avec les vers de terre et le lombricompostage.

La pandémie nous a donné l’exemple de la fragilité de notre système économique. Les engrais, les céréales qui nourrissent souvent des animaux et la viande sont produits sur des continents différents, et dépendent du commerce et du transport mondial.  Ce système est à bout de course, des perturbations sont prévues et se produisent. L’engrais chimique a provoqué une énorme explosion au Liban cette année, et cette semaine des moutons étaient bloqués dans le canal de Suez. Il faut le simplifier, le remplacer par des circuits locaux  et le rendre plus résiliant.

Fonte de la glace Arctique

Guy McPherson mentionne que la glace sur la mer Arctique fond plus vite que prévu. La surface blanche de la glace agit comme un couvercle et une surface réfléchissante.  L’absence de glace causera un réchauffement supplémentaire immédiat, et plusieurs scientifiques alertent sur les perturbations météorologiques qu’elle pourrait provoquer, des tempêtes, des vagues de froid et de chaleur. Une étude géologique suggère que l’absence de glace et l’arrivée d’eau plus chaude au contact de la surface a provoqué un réchauffement rapide de plusieurs degrés par le passé, mais ce danger n’est généralement pas pris en compte dans les modèles climatiques. L’océan pourrait aussi se réchauffer en profondeur et favoriser les émissions de méthane.  La fonte complète de la glace arctique en été ce produira certainement au cours de ce siècle, peut-être dans quelques années, nous en avons déjà perdu la moitié. Avant,  la mer Arctique était continuellement couverte de glace épaisse d’environ un mètre et âgée de quelques années, maintenant elle est plus fine, fragmentée et semble bien compromise.

Les avions

Ensuite, il cite un travail de Gunther Pauli qui propose que les tourbillons formés par le passage des avions changent la circulation de l’atmosphère. Je n’ai jamais entendu ça avant. Je ne dispose pas de calculs prouvant que c’est faux, je ne peux pas vraiment invalider ses dires, mais ça me paraît douteux. Si c’était vrai,  on pourrait peut-être faire voler des avions dans l’autre sens pour changer la circulation atmosphérique.

El Nino

Ce phénomène se produit tous les 3 à 7 ans, des eaux chaudes affleurent à la surface du Pacifique et réchauffement l’atmosphère (lien). La dernière année El Nino, 2016, a battu les records de chaleur, et causé des graves sécheresses, particulièrement en Afrique, qui ont touché 60 millions de personnes (lien).  Les années El Nino extrêmes deviennent plus probables d’après le GIEC:. La Planète se réchauffe, et El Nino apportera probablement  une année de vagues de chaleur plus élevées.  Les habitants des pays chauds, par exemple d’Afrique de l’Est, pourraient en souffrir sérieusement, vivre des famines ou des vagues de chaleur mortelles.  La production alimentaire sur Terre serait réduite, et nous pourrions vivre en Suisse des vagues de chaleur de quelques degrés plus élevées que la précédente.

Si je reprends les dangers énumérés par Guy McPherson,   le prochain événement  sera probablement une année El Nino,  qui se produira  dans un an, dans deux ans ou au plus dans cinq ans. Ce sera une année plus chaude que toutes celles que l’Humanité a vécu, qui pourrait être accompagnée d’événements météo nouveaux ou plus intenses.

Pourrait-elle mettre en branle un processus de fonte de glace Arctique, de sécheresses, de réchauffement rapide, de  fonte du permafrost, et de réchauffement abrupt apocalyptique?  Ces changements dangereux pour la survie de l’Humanité ne sont généralement pas prévus pour le 21ème siècle, mais le climat pourrait nous surprendre.

L’Humanité compromet de plusieurs façons ses conditions de vie sur Terre et doit immédiatement modifier son mode de vie pour sa sécurité.

 

 

Blog: créons des réserves alimentaires planétaires

Dorota Retelska

Dorota Retelska, décrypte les nouvelles du climat. Docteure ès Sciences de l’UNIL, auteure d’Antarctique-Ouest dans le Vide, elle alerte sur les dangers du climat depuis plusieurs années. Elle est active dans plusieurs organisations de défense du climat, entre autres l’Association Climat Genève, Greenpeace, TACA, et le Collectif Climat 2020.

15 réponses à “L’extinction humaine est-elle proche? L’apocalypse selon Guy McPherson

  1. En cas de fonte des glaces (pôles et glaciers), quelles seraient les estimations “réalistes” de montée des eaux des océans et donc l’impact avec les inondations des villes portuaires et terres cultivables.
    J’ai lu des chiffres qui semblent parfois très fantaisistes, y-a-t-il des calculs sérieux?
    Merci
    Serge

    1. D’abord fond la banquise, une couche de glace d’env 1 m d’épaisseur à la surface de la mer Arctique. Elle ne fait pas monter le niveau des mers, par contre elle maintient le climat. Elle pourrait fondre assez vite. Sans cette couche, il fera plus chaud et la météo de l’hémisphère Nord pourrait être différente. Par contre le Groenland et l’Antarctique sont surtout des montagnes de glaces, recouvertes de 2000-3000 m de glace pour le Groenland. Ces glaciers fondent lentement, certains glaciers sont au-dessus de l’eau, et ils feront monter le niveau de la mer. C’est calculé pour durer cent ans jusqu’à des milliers d’années, mais à chaque rapport du GIEC ces prévisions augmentent. On dirait qu’aujourd’hui il y a une confirmation que ce sera au moins 3 mètres de niveau de la mer en plus vers 2100.

  2. Tout ceci me semble fort crédible et vous et lui ne parlez même pas de l’horreur atomique; alors la question philosophique sous jacente est : croyons nous d’abord à l’humain ou d’abord à la vie. Dans le second cas, la fin ou la réduction la plus rapide possible de l’humanité à sa portion congrue serait une bonne nouvelle. Dommage mais tel était notre destin.

    1. Je crois à la vie et j’en fais partie. Si en tant qu’humain, vous voulez être coupé de la vie, c’est votre problème!

    2. Guy McPherson parle depuis des années de l’explosion des centaines de centrales nucléaires et de l’ionisation totale de l’atmosphère qui s’ensuivrait, rendant toute vie impossible sur la terre. Plus d’une centaine de centrales désuètes et dangereuses seulement aux États-Unis, dont plusieurs sont très âgées et déjà dans une situation catastrophique. Et aucune planification et peu d’investissement dans leur mise en arrêt ou dans le “nettoyage” impossible des déchets.

  3. Très bonne synthèse des dangers qui guettent l’humanité. Pour en apprendre davantage, sur son blog, Vincent Rondreux a écrit l’article suivant “Petit état climatique 2021 de la planète”. https://dr-petrole-mr-carbone.com/petit-etat-climatique-2021-de-la-planete/. A lire absolument. Malgré que l’humanité sait qu’elle va tout droit dans le mur, très peu de choses vont changer, selon moi. Les concentrations de CO2 et de méthane vont continer à augmenter d’année en année. L’humanité a priorisé l’économie au détriment de l’écologie. C’est bien triste mais c’est un fait.

  4. Si nous avions cru à tous les prophètes de l’apocalypse , nous n’existerions plus depuis longtemps !
    Les pandémies auront raison de l’humanité avant que celle-ci se détruise elle-même par la surexploitation des ressources . Celle d’aujourd’hui n’est qu’un avant goût , mais même en admettant qu’une plus féroce nous assaille, il restera toujours assez d’humains pour reconstruire une future civilisation pour succéder à toutes celles qui nous ont précédées entrecoupées de périodes sombres .
    Le climat terrestre n’est pas stable, il oscille entre des températures extrêmes sur des dizaines de millions d’années et non en quelques siècles , notre chance réside dans l’énergie contenue dans les océans , des centaines de fois ce que l’atmosphère contient .
    Un gramme de glace a besoin de 333 joules pour fondre, c’est ainsi qu’il a fallu des milliers d’années pour faire fondre celles du Groenland 120’000 ans plus tôt et faire élever le niveau des mers de 5-7 mètres plus haut que celui d’aujourd’hui . Après quoi, le cycle de Milankovitch a fait redescendre la température et relancer la glaciation . Au cours de l’Eémien, le permafrost n’a pas libéré le méthane, sinon les carottes de glaces prélevées aux pôles l’auraient révélé !
    Rien n’indique un prochain El-Nino, d’autant que nous vivons dans un cycle La-Nina qui n’est pas terminé et qui pourrait se prolonger jusqu’à l’hiver prochain :
    https://www.cpc.ncep.noaa.gov/products/analysis_monitoring/lanina/enso_evolution-status-fcsts-web.pdf
    Toute cette agitation sur l’urgence climatique et autre annonces toutes plus catastrophistes les unes des autres témoignent juste de l’ignorance des faits historiques !

    1. Les faits historiques n’ont que faire du réchauffement anthropique et rien ne dit que Milankovitch va faire baisser le thermostat. Votre intervention est d’un romantisme délectant et agréable, souhaitons qu’elle puisse avoir la teneur du futur à défaut d’avoir une teneur scientifique !

    2. Votre tirade climato-négationniste comporte quelques biais, erreurs et absurdités : par exemple, la fonte de l’Arctique, Antarctique et glaciers dans les 2 hémisphères est largement documentée et explicite sur la rapidité du réchauffement d’origine humaine. Tout comme le réchauffement des océans à diverses profondeurs, tout aussi rapide et bien documenté. Vous vous gardez bien de donner la moindre explication de tout cela, les cycles de Milankovitch (oui, il y a plusieurs cycles) n’en étant pas une : même le cycle le plus rapide serait des centaines de fois trop lent pour expliquer le réchauffement mondial actuel, sans parler de son intensité.
      Mais peu importe. Plus de 200 organismes mondiaux de climatologie et diverses études de consensus s’appuyant sur des dizaines de milliers d’études climatiques ont validé (et même avec un consensus de 100%) l’origine humaine du dérèglement climatique actuel.
      Si un consensus scientifique mondial ne vous suffit pas…

  5. Merci pour cet article. La grande crainte est de ne pas trouver d’énergie de substitution aux énergies carbonées et que tout s’emballe… À moins qu’un génie ne pirate le système ??

  6. Tous ces problemes sont maintenant identifiés depuis plusieurs années, mais il n`est toujours pas question d`une quelconque coordination internationale formelle des actions concretes a mettre en place ainsi que du financement de ces actions. En ce moment, la voiture électrique semble donner suffisamment bonne conscience aux décideurs politiques pour que les lanceurs d`alarme (ainsi la petite Greta) commencent a nouveau a ne plus etre pris au sérieux alors meme que la plus grande partie de l`électricité nécessaire proviendra surtout pour on ne sait combien d`années du gaz qui est une source d`énergie fossile. La présidence Trump aura aussi beaucoup contribué a la pérennisation de la politique de l`autruche et maintenant tous les espoirs sont dans le nouveau gouvernement américain.

  7. le réchauffement climatique entraînera un dérèglement par manque de dioxyde de carbone qui va faire aboutir ce scénario en chaine. En effet de plus en plus de vapeur d’eau va se former, ce qui se traduira par une absorption régulière du dioxyde de carbone, nécessaire à la photosynthèse des plantes. La résultante sera une non production de produire de l’oxygène.
    Ce manque d’oxygène entrainera la mort de nombreuses plantes et animaux, seul les bactéries anaérobies survivront. Est-ce que l’humanité serait en déclin, pour survivre il devra intégrer des plates formes de survie assez complexe et coûteuses qui veut installer sur les planètes tel que mars….
    mais cela coûtera plus cher en espace temps et financiers vvant actuellement en 2021….

    1. Je ne crois pas. La vapeur d’eau vient des océans et des lacs qui sont déjà de l’eau, c’est l’évaporation qui augmente.

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