L’épidémie de coronavirus exige des mesures plus énergiques

Un million de malades dans trois ou quatre semaines?

Le coronavirus s’installe très vite en Suisse. Milan, un des foyers de l’épidémie, est très proche, et l’infection s’est rapidement répandue dans plusieurs villes de Suisse. Le nombre de malades  augmente rapidement, exponentiellement, comme en Italie (rts info,  Prof Mark Handley, UCL (lien).  Selon son graphique, le nombre d’infectés serait multiplié par dix tous les huit jours, et la Suisse suivrait le destin de l’Italie avec treize jours de retard.  Si cette transmission exponentielle se poursuit de la même façon, le virus touchera un million de personnes dans quatre semaines. Aujourd’hui, Franziska Meinherz mentionne même que le nombre de malades doublerait tous les deux jours, ce qui rendrait la progression de la maladie plus rapide encore.

Les mesures actuelles sont insuffisantes

La Suisse a pris deux décisions différemment des autres pays: d’une part, elle permet aux frontaliers italiens venant des zones en quarantaine de venir travailler tous les jours en Suisse, ce qui pourrait favoriser la transmission de la maladie de la zone touchée en Italie à la Suisse.

D’autre part, nous autorités ont considéré que seuls des malades présentant des symptômes visibles, de la toux et de la fièvre, sont contagieux, et doivent s’isoler. Or aujourd’hui, un article du Guardian rapporte des nouvelles études qui indiquent la majorité (les deux-tiers ou les trois-quarts) de malades ont été infectés par des personnes qui ne présentaient pas encore de symptômes et qui paraissaient en bonne santé.

Un autre article du Guardian explique que l’augmentation rapide, exponentielle des infections a seulement été arrêtée par le confinement de toute la ville de Wuhan. Les nouveaux cas ont diminué peu après, et la Chine célèbre aujourd’hui la victoire sur le virus.

Par contre, si la ville de Wuhan tout entière n’avait pas été mise  en quarantaine, le pays aurait été confronté à 67 fois plus de cas, près de sept millions de malades, à 67 fois plus de cas graves, et au moins autant de décès.

Des problèmes subséquents d’approvisionnement, de congestion d’hôpitaux pourraient provoquer plus de morts encore.

En Suisse également, les mesures actuelles ne suffisent pas à empêcher la propagation du virus, il se répandra probablement de plus en plus vite et pourrait toucher une grande partie de la population.

Je m’en sortirai probablement, j’espère que ce ne sera pas trop grave, mais cette politique sacrifie de nombreuses vies.  Des personnes âgées ou de santé fragile pourraient y laisser leur peau.

La moitié des professionnels de la santé au moins sera bientôt malade, et tous les autres problèmes de santé, parfois très graves, devront attendre.

Pourquoi?

Cette approche me rend perplexe.  Pourquoi sacrifier nos aînés? La Chine a annoncé publiquement comment se transmet cette épidémie, c’était dans la presse,  nous disposions de leur expérience et nous pouvions en profiter.

Notre gouvernement pense-t-il que les virus se transmettent différemment en Suisse qu’en Chine?

Ou la politique actuelle est-elle causée par l’envie de maintenir le fonctionnement de l’économie qui s’écroule de toute façon de toutes parts?

Je ne sais pas si c’est un bon calcul. Au niveau financier, le salaire moyen journalier est probablement inférieur au coût d’une journée d’hospitalisation, donc financièrement ça vaudrait la peine d’éviter ces coûts. Les assurances maladies pourraient, auraient pu y contribuer. Il aurait été encore plus rentable de contenir le virus dès le début, là chaque personne isolée éviterait plusieurs hospitalisations.

Je suis aussi surprise que l’école ne soit pas considérée comme un lieu de contagion. Il me semble qu’elle en est un foyer important, et que les enfants se passent énormément de maladies à l’école.

Des mesures plus efficaces

Pour arrêter l’épidémie, il faudrait isoler toutes les personnes ayant eu un contact avec un contaminé identifié pour une ou deux semaines. Si un enfant dans une école est positif, ou un employé dans une entreprise,  il faut renvoyer à la maison tous les enfants, tous les employés de l’étage, et leurs familles.

La Corée du Sud annonce la maîtrise de l’épidémie grâce à des très nombreux tests gratuits, y compris en drive-in. Je crois qu’ils ont justement consigné à domicile tous ceux qui ont eu un contact avec des personnes infectées.

Avant-hier il a été annoncé que la Suisse ne testera plus systématiquement et ne suivra pas la progression du virus dans la  population, pour laisser la place à l’hôpital aux cas graves. Cela me fait penser qu’il y a beaucoup de personnes infectées. Là, pour endiguer la maladie, il faudrait peut-être, comme à Wuhan, consigner des villes entières à domicile.

Pendant ce temps chez les voisins

Les pays voisins prennent pêle-mêle des décisions amusantes et somme toute plus responsables.

L’Italie interdit les baisers, ferme les écoles et les restaurants, et les italiens sont limités au déplacements nécessaires.  Elle soulage la crise économique en suspendant provisoirement les hypothèques, des loyers ainsi que d’autres factures.

L’Allemagne interdit et arrête immédiatement l’exportation de matériel médical, elle a retenu hier un bateau de matériel médical commandé par la Suisse, et crée des postes dans la santé pour éviter la surcharge des hôpitaux et la crise économique à la fois.   Le matériel médical, ainsi que le personnel, seront certainement très utiles bientôt.

Sérieusement,  cela ressemble furieusement au problème du climat. Nous sommes prévenus, nous savons ce qui va se produire, nous savons comment l’éviter et nous décidons trop tard des mesures, qui, prises à temps, auraient résolu le problème.

Addendum le 20 mars: Dans les jours suivant ce blog, la Suisse a pris de nombreuses mesures pour réduire les contacts humains et l’ampleur de l’épidémie: dès le 16 mars, les écoles et les restaurants sont fermés, une grande partie des Suisses travaillent à domicile. Le nombre des malades augmente rapidement, aujourd’hui plus de 5000 pour la Suisse dont plus de 1000 dans le canton de Vaud, mais les mesures de confinement devraient bientôt porter leurs fruits. L’épidémie touchera donc beaucoup moins de personnes que je ne l’ai craint initialement.

Addendum le 17 mars: Une nouvelle étude publiée dans Science sur la propagation de l’épidémie en Chine établit que 86% des personnes infectées n’avaient pas été identifiées (elles n’avaient probablement pas de symptômes graves), et qu’elles sont responsables de la plupart des contaminations et de la transmission de l’épidémie (article).

Une autre étude semble établir que le virus infecte surtout par voie nasale (article).

Dorota Retelska

Dorota Retelska, décrypte les nouvelles du climat. Docteure ès Sciences de l’UNIL, auteure d’Antarctique-Ouest dans le Vide, elle alerte sur les dangers du climat depuis plusieurs années. Elle est active dans plusieurs organisations de défense du climat, entre autres l’Association Climat Genève, Greenpeace, TACA, et le Collectif Climat 2020.

18 réponses à “L’épidémie de coronavirus exige des mesures plus énergiques

  1. Si vous le pouvez, regardez en différé la conférence de presse de Boris Johnson ce soir à Londres.
    A situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles, partout. Sans quoi..
    On peut d’ailleurs se demander pourquoi on ne met pas plus d’énergie pour combattre les changements climatiques anthropiques, puisque dans ce cas nous savons depuis longtemps ce qui devrait être fait.

  2. Suis sûr que vous êtes une chic fille, chère Dorota.

    Mais please, soyez quand même prudente, afin que l’on ne vous accusâte pas un jour, d’avoir rompu les liens de confiance avec votre employeur!!!!

    Everything clear, I hope so ))

    1. Chère Dorota,
      Votre analyse est juste et je ne comprends pas la réaction de ce Monsieur. La qualité de l’information du journal « Le temps » en fait mon journal préféré. Bravo, c’est toujours un plaisir de vous lire. Continuez comme ça

  3. Agir vite et profondément en nous mettant quelques temps à l’arrêt, cela me paraît le bon sens même. Un bon sens qui a un coût qui sera sûrement bien inférieure à celui qu’il faudra payer plus tard quand on arrêtera tout quand même quand il sera trop tard. J’ai lu un papier tout à fait sérieux où l’on démontrait que sans ralentissement économique il n’y avait pas de frein à une épidémie. Un peu comme pour le climat quoi…

  4. Taiwan s’est le mieux protégé, mais ce sera insuffisant.

    Dans votre raisonnement, vous avez oublié que la Suisse n’est ni la Chine ni l’Italie. Nous avons un système plus endurci et qui tire les leçons du désastre italien. Les hommes de la protection civile sont prêts à venir aider; les troupes sanitaires de l’armée vont ouvrir des hôpitaux de campagne et nous avons des personnes qui se sont formées toutes leurs vies pour une telle crise.

    Nous ne sacrifions pas nos aînés, nous avons confiance dans notre force collectif et en nos concitoyens pour les accompagner et les guérir. Tous ensembles, si nous ne cédons pas à la panique, nous pouvons faire que ce virus ne tuera pas plus que la grippe; mais il faut du courage, de la foi en nos autorités et un sens des responsabilités; au lieu de paniquer, aidons les professionnels en suivant les consignes.

    1. Absolument. Car les personnes âgées font partie de l’humanité totalement au même titre que les plus jeunes. Et 3-4 semaines de mesures draconiennes devraient venir à bout de cette épidémie, c’est la seule et dernière solution dans la situation actuelle, à appliquer avec fermeté et sans aucune hésitation.

  5. La réaction de notre société aurait probablement été bien différente si la mortalité liée au virus avait été la même pour toutes les tranches d’âge. C’est un peu triste à dire, mais je crains fort que pour beaucoup de personnes le coronavirus n’est guère différent d’une bonne grippe. La grippe, cela dit en passant, tue plus de personnes chaque année que le coronavirus malgré qu’elle soit moins létale. On ne prend, bien sûr, pas les mêmes mesures d’hygiène et d’isolement dans le cas d’une simple grippe…

    1. Cher ami, j’ai beaucoup aimé votre dissertation sur les arbres et la perrénité.

      Mais avec la nouvelle arme de destruction massive, je crois las, que vous faites fausse route!
      L’Espagne est sous contrôle et sauve, à votre avis?

      1. Je crains fort qu’il n’y ait pas beaucoup de différences entre les différents pays européens. En proportion, le nombre de cas est similaire en Suisse et en Espagne. Il y aura bon nombre de victimes, c’est certain, mais de là à parler d’ “arme de destrucción masive”… Ce n’est pas une peste du Moyen-Age fort heureusement.

        1. je parlais d'”arme de destruction massive”, autant pour les vies, dont on a encore peu de recul pour les évaluer, mais ils semblent déjà largement supérieur à une grippe, sinon que les contaminés grimpent de manière exponentielle,
          mais ça va surtout générer un giga krash mondial, qui était déjà prévu, sans corona.

          Ca permettra tout de même à la planète de respirer un peu, mais les soucis de durabilité seront vite oubliés pour regagner le terrain perdu, postcrise, las.

  6. Le Temps est aux abois, il a baissé ses frocs à 19 balles par mois, bon, ça vaut au max 10, mais il faut aider ces pauvres vieux journaleux qui essaient d’atteindre leur graal de retraite (…) donc j’ai souscrit pour trois fois 19 balles
    🙂

  7. Pourquoi certains pays totalitaire s’en sortiront mieux que nos démocraties occidentales ? Parce que nos élus mollassons ont trop peur de déplaire en prenant des mesures fortes et rapides.

  8. Mme Retelska,
    J’ai lu votre commentaire sensé et de bon sens. La question serait aujourd’hui: mais où est passé M. Berset, responsable de la santé en Suisse ? Au lieu d’un consensus fédéral rapide et efficace qui aurait dû être mis en place dès la fin février, on laisse en Suisse chaque canton élaborer une stratégie en fonction d’une évolution exponentielle de l’infection. Perte de temps et surtout… perte de vies ! Je travaille dans mon canton à accélérer les décisions, elles vont arriver me dit-on !
    Meilleures salutations.

  9. Toujours un plaisir de vous lire, mais ne pas faites pas des projections alarmistes. Les extrapolations statistiques restent des hypothèses, des courbes, donc à vérifier.
    Les nombreuses personnes qui co-décident de nos mesures sanitaires en Suisse s’en inspire évidemment. Leurs décisions ne sont pas prisent au hasard, ni en fonction de la politique ou de l’économie. Cette dernière prend déjà elle même aussi des mesures sévères, car sa survie en dépend. Les effets sont toujours systémiques. Le processus démocratique est temporairement bousculé, mais il y a urgence sanitaire.
    La pandémie va inévitablement passer par des pics, dans chaque pays. Et là est peut être un talon d’Achille de notre système économique, politique et social, car les agents infectieux n’ont que faire des « frontières » humaines. Il en est de même de la problématique de notre environnement terrestre (climat, pollution, météo, volcanisme, etc. ).
    Il ne nous reste qu’à respecter les règles élémentaires de protection et de comportement annoncées et répétées dans tous les médias, partout. Homo sapiens va devoir prendre des mesures s’il veut perdurer. Pas impossible.

    1. Des nombreuses mesures ont déjà été prises ces deux jours, heureusement, et j’espère qu’elles vont infléchir les courbes d’évolution de l’épidémie, mais elles ne sont peut-être pas encore suffisantes pour endiguer un flot important de malades. L’OMS demande de tester et d’isoler chaque cas suspect , donc d’isoler tous ceux qui ont été en contact avec un malade.

  10. et si on parlait un peu de qui est responsable de la pandémie ? a savoir le transport aérien et tous ses vols de loisirs … ( 14% de vols seulement pour le travail) .
    je n’en entends pas du tout parler … trop de “pognon” en jeu ….
    il serait temps de montrer du doigt tous ces gens ( beaucoup de retraités qui ont du temps) qui ne pensent qu’a leur bon plaisir et bousillent la planète qu’ils vont laisser à leur enfants et petits-enfants dans un état déplorable.
    il faut appeller un chat, un chat !!!

    1. … appeler un chat, un chat, et un orchidoclaste, un orchidoclaste ….

      Voilà bien le commentaire le plus absurde que je lis, il n’y avait plus de papier hygiénique dans votre supérette habituelle ?

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