Le carbone dans le sol

Le sol

Pouvons-nous encore capter le carbone dans la terre? Dans mon blog précédent, je suggérais de capter le carbone en recréant du sol fertile. Est-ce encore possible? Celui-ci constitue le plus grand réservoir de carbone de la Planète, le premier mètre en renferme  plus que l’atmosphère et la végétation réunies (env. 1500 Pg C).

Le sol contient du sable, des fragments de roche, des débris de plantes, et de nombreux organismes vivants. Il fourmille de bactéries, champignons, insectes, et de racines des plantes. Des nouvelles études suggèrent que le carbone du sol  est en grande partie inclus dans des organismes vivants, les bactéries et les champignons. Ce serait une sorte de yoghourt noir vivant. Le carbone peut rester dans le sol des décennies ou des milliers d’années, pour finalement être rejeté dans l’atmosphère par la respiration d’organismes du sol, ou érodé et élué dans les rivières et les océans.

Le réchauffement attaque les sols

Lors des sécheresses, les organismes du sol meurent, et leur carbone est perdu. Les plantes croissent moins, et souvent consomment les réserves des racines, qui se réduisent lors des sécheresses.

Les records de chaleur de 2016 ont provoqué une sécheresse en Amazonie et les sols qui ont séché ont perdu passablement de carbone.  Cela pourrait s’aggraver, plus il fera chaud, plus de CO2 sera émis.

Les inondations et la désertification ainsi que des pluies très fortes provoquent l’érosion, le sol s’effrite est emporté par le vent et les eaux et perdu. L’érosion pourrait encore augmenter beaucoup. Le sol, le plus grand stock de carbone de la Planète, pourrait devenir le principal émetteur, et accroître l’effet de serre de plusieurs degrés. Nous devons nous en préoccuper, le sol aussi est fragile.

Des arbres !

L’agriculture et la déforestation causent la perte de carbone du sol. Les sols des régions boréales contiennent plus de carbone, ceux des tropiques sont souvent une couche très mince, couverte d’une végétation luxuriante. Aux températures tropicales, le carbone du sol est très vite consommé,  les pluies intenses provoquent l’érosion.

La forêt est un système merveilleux de fabrication de sol, les racines des arbres retiennent le sol, solubilisent les roches,  les feuilles mortes gardent l’humidité, et créent des conditions parfaites pour des nombreux organismes du sol. Le sol des forêts contient les 70% du carbone du sol de la Planète.

En règle générale, un couvert végétal, des plantes qui poussent, protège le sol de l’érosion, les racines l’agglomèrent, les feuilles l’abritent du vent. Le maintien d’un couvert végétal accroît le carbone du sol.

 

Des pratiques agricoles restaurant le sol

L’agriculture doit absolument prendre en compte le sol, inclure la restauration du carbone dans ses objectifs.

La FAO estime que le sol peut capter 20 PgC en 20 ans, une autre étude (Abdullahi et al, Carbon sequestration in Soils) estime que minéraliser les 10% des sols capterait 30% d’émissions.

Il existe des nombreuses façons de restaurer le carbone des sols.

A l’association Terre et Humanisme en Ardèche, j’ai découvert une technique de fertilisation basée sur le lombricompostage de déchets végétaux. Ils sauvegardent chaque gramme de sol en arrachant les mauvaises herbes et en les posant sur le sol, autour des plants de légumes,  où ils compostent lentement. Le sol est ensuite couvert d’environ 10 cm de paille, qui conserve l’humidité, empêche bien sûr l’érosion, et s’intègre lentement au sol.

Une autre technique décrite dans Advances in Agronomy 2013 consiste à couvrir le sol par du plastique sur les bosses, froides et exposées au vent, et par de la paille dans les creux, humides et protégés.

La FAO conseille plusieurs techniques de restauration du sol, par l’agriculture sans labour, l’utilisation de fumier, de couvert végétal, parfois du bétail, ou une rotation bétail-cultures, la rotation de cultures, des légumineuses, ou des cultures pérennes.

Cette organisation estime aussi que la biodiversité du sol est importante pour maintenir les stocks de carbone du sol.  Le carbone du sol est contribue à maintenir l’humidité, à la fertilité et donc à la production d’aliments.

En simplifiant à l’extrême, je dirais que chaque coin de sol devrait être couvert d’une végétation touffue, variée, sans pollution, et les feuilles mortes et autres déchets végétaux devraient rester sur place, pour protéger et enrichir le sol.

Toute atteinte au sol qui provoque une perte de carbone met nos vies en danger et devrait être jugée de façon similaire à une attaque à main armée.

En récréant des sols fertiles, nous pouvons résoudre le problème du réchauffement. Si, au contraire, nous malmenons les sols, leurs émissions de carbone pourraient devenir dangereuses.

Dorota Retelska

Dorota Retelska, décrypte les nouvelles du climat. Docteure ès Sciences de l’UNIL, auteure d’Antarctique-Ouest dans le Vide, elle alerte sur les dangers du climat depuis plusieurs années. Elle est active dans plusieurs organisations de défense du climat, entre autres l’Association Climat Genève, Greenpeace, TACA, et le Collectif Climat 2020.

Une réponse à “Le carbone dans le sol

  1. Après des décennies de presque mainmise idéologique des producteurs de fertilisants et autres pesticides sur nos écoles d’agronomie dans presque tous les pays (selon mes infos). En parallèle il y avait paraît il un quasi abandon de l’enseignement de la biologie des sols. Les cycles de l’eau et du carbone et de la biologie qui en dépend n’est pourtant pas anodine. Il y a eu des négligences du côté politique.
    Il est heureux de lire enfin vos arguments en faveur des multiples avantages pourtant connus d’un couvert végétal approprié sur notre planète terre. Plusieurs auteurs respectables le souligne depuis des décennies (Hallé, Orsena, Pelt, Diamond, Mancuso, Wohlleben, et bien d’autres ici et ailleurs).
    Mais l’equation est complexe: démographie et sociétés, surface habitable, alimentation (fertilité et irrigation des sols), eau, climat au sens large. Une lecture attentive des écrits d’Edgar Morin sur la complexité devrait aider les décideurs.

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