François seul contre tous

Le titre de mon article reprend celui du livre du journaliste jurassien Arnaud Bédat. A l’époque, certains y voyaient une exagération. Avec le temps, aucune fiction mais une constatation.

J’en veux pour preuve les attaques médiatiques et les coups de langues à l’encontre des affirmations de François suite à sa toute dernière conférence de presse dans l’avion, une tradition depuis la JMJ de Rio de Janeiro de 2013. A peine élu, François était en état de grâce et séduisait les grands médias. Ce n’est plus le cas.

J’ai bien conscience que mon analyse médiatique remonte le courant et va à l’encontre des “fakenews” catholiques françaises, un peu seul contre tous d’une certaine façon.

Qu’a dit le Pape ? remonter à la source !

Il est bien difficile de chercher les propos authentiques du Saint-Père, cachés dans les commérages, les analyses et les commentaires négatifs de la majorité des médias catholiques.

En gros, le Pape aurait eu un trou d’air en plein ciel, se serait emmêlé les pinceaux, sans doute par l’effet de l’âge (85 ans ce 17 décembre), désormais un vieux gâteux, un peu comme le père fouettard du Saint Nicolas ou du vieux monsieur en rouge et blanc venu du Grand Nord, fatigué par son grand voyage. Petits et grands y reconnaitront le bon vieux Père Noël, aux propos confus et parlant dans sa barbe.

Mais la déformation des propos du vieux pontife ne fait pas de cadeaux, mais semblent semer la grogne, la cogne et le ressentiment. Même ceux qui étaient à bord, non pas du traineau mais de l’avion papal, n’ont pas pris le temps de comprendre l’italien puis de remettre les phrases dans leurs contextes.

C’était la première fois que le Pape volait avec la nouvelle compagnie italienne ITA, amputée de quelques lettres, la défunte Alitalia. C’est exactement ainsi que la majorité des vaticaniste francophones ont relayé les propos de François, par amputation et par omission.

Mais qu’a dit François ?

Communiquer consiste à comprendre l’autre.Pour le savoir, il faut, il suffit d’aller chercher la “voice” originale en italien et traduire. Le Pape pense comme un argentin, parle le “porteno”, la langue ou le dialecte de Buenos-Aires.

La “Voice du Pape” nous donne d’entendre que François l’argentin répond à deux questions distinctes: l’acceptation de la remise de la charge de l’archevêque de Paris et le rapport Sauvé, longue étude scientifique de la Ciase (commission indépendante des abus sexuels en Eglise).

La “démission” de l’archevêque de Paris est une conséquence de la remise de sa charge au Pape. Dès lors, je préfère commencer par la seconde question, le rapport Sauvé.

Analyse des Fakenews sur la conférence de presse de Pape:
Non, François n’a pas parlé de la lecture prudente du rapport Sauvé !
Pour décoller un peu, replaçons les éléments dans leur contexte. Le Pape a répondu à une question, en deux parties !
« Concernant le rapport Sauvé sur les abus: l’Église avait une responsabilité institutionnelle et le phénomène avait une dimension systémique. Que pensez-vous de cette déclaration 2 et que signifie-t-elle pour l’Église universelle 1 ? » demande la journaliste du Monde Cécile Chambraud.
Démonstration et vérification (fact checking)
Ecoutons le live en italien. (Vatican News. https://youtu.be/D49jaU9O5W4 – vers 18 minutes )
Le Pape explique répondre d’abord à la question, sur l’Eglise universelle ! C’est là qu’il parle de l’herméneutique, de la remise dans le contexte de l’époque, sinon la lecture est anachronique.
Réponses du Pape:
2, réponse large: « Quand on fait ces études, il faut être prudent avec les interprétations qui sont données dans le temps… »
1, réponse ciblée, pour la France : « Je n’ai pas lu le rapport ». « Les évêques [de France] viendront me voir ce mois-ci et je leur demanderai de me l’expliquer », déclare-t-il à propos du rapport de la CIASE.
Or les médias titrent, à tord: Le Pape relativise le rapport français sur les abus. Certes un courant catholique présent au Vatican, notamment par la critique d’intellectuels catholiques, se montre critiques, mais le Pape n’a pas du tout cette attitude.
Simple question de logique: relativiser un rapport qui n’a pas encore été lu ? Incohérence. Rome est “caput mundi” et l’Eglise en France est petite. La patience est de mise, car le rapport est très important, capitale et mérite une énorme attention.
Conclusion: ce sont plutôt les médias français et catholiques qui doivent être lus avec grande prudence ! Et non le rapport Sauvé ! Cqfd.
L’archevêque Aupetit*
Quand à la question de l’acceptation de la renonciation de l’archevêque de Paris, le Pape confond “apparement” une secrétaire, celle qui a reçu un mail en 2012, avec une autre femme (massages et caresses prodigués par le prélat) prénommée par lui “la secrétaire”.
Il suffit déjà de savoir que François relit toujours le texte de ses interventions. Il éliminera par la suite, dans un second temps, ce mot “secrétaire”. Signe d’humilité. Savoir se corriger et demander pardon est le propre des grands. Le Pape avait été trompé par ses informateurs sur la situation du Chili. Il s’était fendu d’une lettre d’excuse, pour demander pardon. 
Un précédent: la psychiatrie. 
Arnaud Bédat est sans doute le meilleur connaisseur des racines argentines de Bergoglio. Précision importante, les argentins utilisent les mêmes mots pour des réalités différentes.
En cherchant à comprendre Bergoglio, “secrétaire” veut dire une “femme de l’entourage”. “Secretaria” est un usage “porteno”, plutôt large pas autant précis que notre français.
De fait, nous nous retrouvons dans la même polémique qu’avec le mot “psychiatre” que le pape avait utilisé naguère aussi dans une conférence de presse dans l’avion.
Pourquoi le pape a-t-il parlé de « psychiatrie » ? L’utilisation de ce mot a suscité une vive polémique sur les réseaux sociaux. Interrogée lundi 27 août par l’AFP, la salle de presse du Saint-Siège précise que « quand le pape se réfère à psychiatrie, il est clair qu’il cite cela comme un exemple, parmi “différentes démarches qu’ils (les parents) peuvent faire”. Avec ce mot, il ne voulait pas dire qu’il s’agit d’une “maladie psychiatrique”, mais que cela a peut-être quelque chose à voir avec la psychologie. »
De fait, on peut supposer que le pape, en répondant rapidement, a englobé dans ce mot « psychiatrie » l’ensemble des « psys ».
Dans la retranscription officielle, ce mot « a été enlevé » plutôt que remplacé « pour ne pas changer la pensée du Saint-Père », explique la salle de presse du Saint-Siège en rappelant que le pape demande toujours à relire les retranscriptions de ses discours prononcés spontanément, « pour être sûr de ne pas avoir dit choses imprécises ou incorrectes ».
Pour le reste, la France donne l’impression que François, le grand méchant, le gâteux ou le vieux a démissionné l’archevêque Aupetit. Qui a remis sa charge au Pape ? Aupetit lui-même.
Plutôt que de critiquer la communication du Pape, c’est bien vers les demis-vérités de l’archevêque, la faiblesse et même l’absence de stratégie de communication des évêques français qu’il faut pointer le curseur. Le Pape invite les journalistes à enquêter.
François, Claude François celui-là, chantait: le téléphone pleure. La ligne Paris-Rome ne fonctionne pas bien. Au fond, la France n’a jamais très bien compris ce Pape François, venu du bout du monde.
Notre Dame de Lourdes
Reste un fait: la France, fille ainée de l’Eglise, est petite par rapport à l’immensité du monde, une Eglise de périphérie en proie à une crise gigantesque, avec les départs des deux archevêques principaux de France, Lyon et Paris, et d’une litanie de fondateurs manipulateurs et pervers.
Une Eglise vivante et magnifique, qui compte, grâce à Dieu, des centaines voir des milliers de saints mais qui se chamaille durement, notamment sur la véracité et l’interprétation du tsunami du rapport Sauvé. Un marasme, une boue qui ressemblent étrangement à la grotte historique de Lourdes. 
Tout au fond, Sainte Bernadette a fait jaillir l’eau pure promise par l’Immaculée Conception. La vérité viendra avec le temps. Une question de patience et d’espérance.
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*« Jeudi, à notre arrivée, nous avons appris que vous aviez accepté la démission de l’archevêque de Paris, Mgr Michel Aupetit. Pourquoi une telle hâte? », demande la journaliste.

Le pape répond: « En ce qui concerne le cas Aupetit, je me demande: mais qu’est-ce qu’il a fait de si grave pour devoir démissionner? Que quelqu’un me réponde, qu’a-t-il fait? »

La journaliste répond: « Un problème de gouvernance ou autre chose, nous ne le savons pas. »

Le pape répond: « Avant de répondre, je vous dirai: faites l’enquête. Parce que le risque existe de dire: il a été condamné. Qui l’a condamné?  L’opinion publique, les bavardages… on ne sait pas… Si vous savez pourquoi, dites-le, sinon je ne peux pas répondre.

« Et vous ne le saurez pas parce que c’était un écart de sa part, un écart envers le sixième commandement, mais pas total, des petites caresses et des massages qu’il faisait (à la secrétaire ndlr supprimé). Voilà l’accusation. C’est un péché mais ce n’est pas l’un des plus graves, parce que les péchés de la chair ne sont pas les plus graves. Les péchés les plus graves sont ceux qui ont le plus d’angélisme: l’orgueil, la haine.

« Donc Aupetit est pécheur, tout comme moi – je ne sais pas, vous concernant… peut-être – comme Pierre, l’évêque sur lequel Jésus-Christ a fondé l’Église. Comment se fait-il que la communauté de l’époque ait accepté un évêque pécheur, et ce, avec un péché aussi angélique que celui de renier le Christ! Parce que c’était une Église normale, habituée à se sentir toujours pécheresse. C’était une Église humble.

« On voit que notre Église n’a pas l’habitude d’avoir un évêque pécheur. On fait semblant de dire: mon évêque est un saint…. Non, cela est le petit chaperon rouge …  nous sommes tous pécheurs. Mais quand les commérages augmentent, augmentent, augmentent jusqu’à ruiner la renommée d’une personne, elle ne pourra pas gouverner. Non pas parce qu’elle a perdu sa renommée non pas à cause de son péché, qui est un péché – comme celui de Pierre, comme le mien, comme le vôtre, mais à cause des commérages des gens. C’est pourquoi j’ai accepté sa démission, non pas sur l’autel de la vérité mais sur celui de l’hypocrisie. »

© Traduction de Vatican News

Dominique Fabien Rimaz

D'origine fribourgeoise et italienne, né à Bôle (Neuchâtel), Dominique Fabien Rimaz se rêvait pilote militaire. Il passera d'abord par une formation en chimie puis en sciences politiques pour devenir un jour journaliste. Rattrapé par la vocation, il est aujourd’hui prêtre en Veveyse et aumônier des hôpitaux à Fribourg.

Une réponse à “François seul contre tous

  1. Et le pape a défendu la fille aînée de l’Eglise ?

    https://www.lefigaro.fr/faits-divers/sur-le-coran-je-vais-t-egorger-a-nanterre-des-catholiques-en-procession-victimes-de-menaces-20211211

    Ah non, il préfère encourage l’accueil de ceux qui veulent, dans des cas exceptionnels, nous égorger.

    Si seulement il pouvait mettre la même énergie pour dénoncer les persécutions contre les Chrétiens, en allant p. ex. en Arabie Saoudite, en Chine, …

    Dieu a désigné Benoît et ne l’a pas rappelé à lui; les évêques ont fait un coup contre Dieu et nommé François.

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