Secret mafieux ou secret de Dieu ?

La confession: secret mafieux ou secret de Dieu ?

Suite à la publication du rapport de la commission Sauvé ou Ciase, en pleine communication de crise ou de guerre qui touche de plein fouet les évêques de France, des propos inadéquats et maladroits ont été tenus:

“Le secret de la confession s’impose à nous et en cela, il est plus fort que les lois de la République, parce qu’il ouvre un espace de parole libre qui se fait devant Dieu”, avait affirmé mercredi 6 octobre Mgr Éric de Moulins-Beaufort sur Franceinfo.

Lien : Communiqué de la CEF (demande de pardon pour ces propos choquants, pour un nouveau départ)

Nous nous serions bien gardés d’ajouter encore une vague sur ce tsunami. Un scandale appelle parfois un autre. Les victimes reprochent exactement cela à l’institution catholique: de s’être tue, comme les mafieux qui gardent le secret. Le secret tue ! En clair: l’omertà.

Il y a secret et secret. Un nom peut recouvrir plusieurs réalités différentes.

Selon Wikipedia, l’omertà est un vocable sicilien propre au champ lexical de la mafia. On le traduit généralement par « loi du silence ». La loi du silence est la règle tacite imposée par les mafieux dans le cadre de leurs affaires criminelles; elle implique, entre autres, la non-dénonciation de crimes et le faux-témoignage. L’omertà s’impose non seulement aux mafieux, mais aussi à tous ceux qui seraient susceptibles de témoigner contre eux en justice. Le châtiment pour la violation de cette loi est la mort.

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Il suffit de substituer la réalité de la mafia par certaines institutions catholiques pour en découvrir toute sa perversité. Ce fonctionnement d’un tel secret semble durer depuis 70 ans.

En français, secret est un adjectif “Qui n’est connu que d’un très petit nombre de personnes et ne doit pas être divulgué aux autres : un dossier secret”. Les synonymes sont:

  • clandestin – confidentiel – occulte – sourd – sournois – souterrain – subreptice
  • cachottier (familier) – dissimulé – fuyant – impénétrable – insaisissable – mystérieux- renfermé – réservé

La nature de secret de la confession 

Le secret de la confession est d’une toute autre nature. Il est d’origine divine.

La seconde partie de la phrase de l’évêque est exacte: la confession “ouvre un espace de parole libre qui se fait devant Dieu”. 

L’abbé Ludovic Danto, professeur de droit canon, explicite la loi de l’Eglise:

Le canoniste “rappelle qu’il existe des circonstances où le secret peut être brisé. Ainsi, pour être en mesure de dénoncer un clerc abuseur, les évêques ne doivent normalement pas confesser les prêtres dont ils ont la responsabilité. « Comme ils sont délivrés de ce secret de confession, ils ont les mains libres pour mener une enquête, et si besoin dénoncer certains actes ».

La confession ne couvre pas les crimes sexuels. Il existe d’autres manières de “briser” le secret absolu de la confession, d’origine divine:

Une victime vient au confessionnal :

Si un enfant parle lors de la confession :
– comme prêtre, je lui rappelle qu’il est une victime, donc innocent, qui n’a jamais péché. Son agresseur, lui, est un criminel qui doit aller se confesser et se faire soigner.
– je clos la confession en demandant à la victime de me parler hors du confessionnal.
– je l’écoute et lui propose de la soutenir pour que son agresseur soit empêché de nuire et obtenir justice et protection.

Un criminel vient au confessionnal:

Reste la question du pédophile qui s’approche de la pénitence.

Lors de la confession, premier pas vers la parole libérée, le criminel reçoit l’exhortation d’aller se dénoncer à la justice.
Il revient au pénitent d’aller se dénoncer par lui-même.
Dès lors, le secret absolu de la confession est précisément le contraire de l’omerta. Au confessionnal s’accomplit le premier pas vers la parole. La confession est ainsi le premier lieu qui appelle d’autres pas successifs afin d’établir la justice.
Et le prêtre: il ne parlera pas. Il est lié par Dieu, auteur du secret de la confession.
Face à la justice de l’Etat, un pédophilie pourra d’ailleurs mentir, cacher, dissimuler, clamer son innocence… La justice civile se heurtera également à ses propres limites. Difficile de faire mieux.
Dans tous ces abus révulsants, odieux et affreux, le mensonge est au coeur du drame.
Le mensonge est d’ailleurs le premier péché venu en notre monde. La lecture de la parabole de la Genèse, le premier livre de la Bible, s’en fait l’écho.

Le serpent sournois – Gn 3, 1-24

Le serpent est le plus rusé de tous les animaux des champs que le Seigneur Dieu a faits. Il dit à la femme :“Alors, Dieu vous a vraiment dit : “Vous ne mangerez d’aucun arbre du jardin” ? 
Nous mangeons les fruits des arbres du jardin. Mais, pour le fruit de l’arbre qui est au milieu du jardin, Dieu a dit : “Vous n’en mangerez pas, sinon vous mourrez. »

Pas du tout ! Vous ne mourrez pas ! Mais Dieu sait que, le jour où vous en mangerez, vos yeux s’ouvriront et vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal. »
La femme s’aperçoit que le fruit de l’arbre paraît délicieux et agréable à regarder. Elle mange le fruit et en donne à son mari qui en mange aussi”. 

Le secret absolu de la confession permet aux prêtres de trouver des solutions afin de défendre à tout prix les victimes. Dieu n’est pas le parrain de la mafia, le défenseur ou le promoteur de l’omertà.

Dieu interdit la corruption et exhorte les prêtres à ne jamais manger de ce pain là. La confession participe, avec l’Etat, à la protection de l’innocence. L’Eglise et l’Etat doivent travailler, selon leurs moyens propres, à la protection des enfants.

Dominique Fabien Rimaz

D'origine fribourgeoise et italienne, né à Bôle (Neuchâtel), Dominique Fabien Rimaz se rêvait pilote militaire. Il passera d'abord par une formation en chimie puis en sciences politiques pour devenir un jour journaliste. Rattrapé par la vocation, il est aujourd’hui prêtre en Veveyse et aumônier des hôpitaux à Fribourg.

3 réponses à “Secret mafieux ou secret de Dieu ?

  1. Et pendant ce temps, les journalistes sont au-dessus des lois et refusent de livrer leurs “sources”. Joli mot pour dire pédophiles, terroristes, marchands d’esclaves, …

    On a la société qu’on mérite.

    Juste un truc. On dit que la situation s’améliorerait sans le célibat des prêtres, mais on oublie de dire que la famille est le premier – et de très loin – lieu des crimes contre les enfants. Il faut au contraire mieux détecter et identifier les comportements déviants.

    Je suis pour une évaluation sérieuse et obligatoire de tous les adultes dans leur 18e année (et des nouveaux arrivants de plus de 18 ans); à l’exemple (mais en mieux) de ce qui se fait lors du recrutement militaire.

  2. On dilue, on dilue.
    Lorsque un soit-disant « homme de Dieu » fait délibérément du mal à un enfant il est inadmissible que le secret de la confession soit maintenu, et les belles phrases de D.F. Rimaz me semblent totalement déplacées

  3. Merci pour votre commentaire.
    La Ciase révèle en effet que la famille est le premier lieux des abus, hélas suivi par le clergé. C’est un drame épouvantable.

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