Koh-i-Noor

Diamant de feu

Toute sa vie d’adulte elle avait vécu voilée. Ce jour-là, Rani Mahtab Devi souleva son voile aux yeux du public assemblé, soudain ébloui par sa grande beauté, lui jeta ses bracelets dont elle n’aurait désormais plus l’usage, puis gravit les échelons pour prendre place sur le bûcher, s’agenouiller aux côtés de son mari défunt, Ranjit Singh, le grand maharadjah sikh du Pendjab ; puis elle attendit que le prince héritier allumât la flamme.

Dix ans plus tard, en 1849, le dernier maharadjah du Pendjab, alors un enfant, à l’issue de deux guerres perdues contre les Britanniques, signait un traité avec la Compagnie des Indes, qui stipulait entre autres la cession du célèbre diamant Koh-i-Noor à la reine d’Angleterre. Aujourd’hui il orne la couronne de feue la reine-mère Elizabeth, et qu’on peut admirer à la Tour de Londres.

Si l’origine du diamant, dont le nom signifie Montagne de Lumière en langue persane reste incertaine, à partir du XVIIe siècle son histoire est associée de façon intime à celle des empires qui rivalisent pour dominer cette partie du monde, tour à tour les Moghols, les Perses, les Afghans et enfin les Sikhs du Pendjab. Tous les empereurs successifs ont certes fait usage du diamant dans le cadre du déploiement du faste de leur majesté, mais les Sikhs, et en particulier Rajit Singh, en ont fait le symbole même de l’Etat, une sorte de sceptre d’Ottokar de l’Orient.

William Dalrymple s’est désormais forgé une place de premier rang au sein des lettres anglaises en qualité de spécialiste de l’histoire des Indes, illustrée par des ouvrages couronnés de prix, The White Mughals, Return of a King et d’autres encore. Parfaitement au fait de son sujet, il raconte de façon claire l’histoire du joyau même si le lecteur européen pourra avoir quelque mal à le suivre dans un récit où les noms et les lieux prennent une connotation exotique et où les repères chronologiques familiers font défaut.

La lecture de The Koh-i-Noor, The History of The World’s Most Infamous Diamond, demeure sans doute agréable mais La Ligne Claire en garde l’impression que le diamant fourni le prétexte à Dalrymple de recycler dans une large mesure ce qu’il a déjà écrit ailleurs. Là où Koh-i-Noor informe, The White Mughals séduit. Là où le capitaine James Kirkpatrick, l’un des représentants de ces White Mughals au XVIIIe siècle, s’éprend de la belle Khair-un-Nissa puis l’épouse, les Anglais qui s’accaparent et le royaume du Pendjab et le diamant sont désormais des conquérants. On sent Dalrymple emprunté, aussi, dès que le Koh-i-Noor quitte l’Inde pour gagner l’Angleterre, il cède la plume à Anita Anand dans cet ouvrage rédigé à deux mains, comme pour s’en débarasser.

 

 

William Dalrymple et Anita Anand, The Koh-i-Noor, The History of The World’s Most Infamous Diamond, Bloomsbury, 2017.