Louve capitoline

Aux origines du Traité de Rome

Le monde entier sait qu’on célèbre aujourd’hui le 60e anniversaire du Traité de Rome. A cette occasion, La Ligne Claire s’est interrogé tant sur la date que sur le lieu de cette cérémonie historique.

Annonciation

Commençons par la date, le 25 mars 1957, car elle ne relève pas d’un accident ; en effet, le 25 mars est le jour de la fête de l’Annonciation, qui commémore l’apparition de l’ange Gabriel à Marie de Nazareth, selon la narration que Saint Luc nous en fait au premier chapitre de son évangile. De même que l’Annonciation, dont la date est fixée neuf mois avant Noël, se veut la promesse d’un monde nouveau qui surgira avec la venue du Sauveur, de même le Traité de Rome se veut l’annonce d’une Europe nouvelle qui renaît des cendres de la guerre et qui se fonde sur son patrimoine chrétien, religieux, culturel, historique et politique, perçu et reconnu comme l’élément fondamental de sa civilisation.

Le lieu ensuite. Les membres fondateurs de la Communauté Européenne signent le Traité dans les salons du Palais du Capitole, au cœur de l’Urbs et entendent par là même situer clairement la CEE et la future Union Européenne dans le rôle de successeur de l’idée impériale qui depuis l’Imperium Romanum, Charlemagne et le Saint-Empire traverse l’histoire de l’Europe. Et de même que Charlemagne se rend à Rome pour s’y faire couronner, de même il fallait que ce soit là que les Six signent le Traité fondateur.

De l’Etat à l’Empire

A la différence de l’Etat-nation, l’empire forme une communauté politique qui accueille en son sein des peuples différents tout en leur conférant une unité politique mais qui laisse à chacun d’entre eux le soin de choisir sa propre forme de gouvernement. Ainsi le Saint-Empire pouvait tout naturellement s’accommoder des républiques patriciennes que constituaient les villes libres. Mais surtout, l’empire se distingue fondamentalement de l’Etat-nation en ce sens qu’il renvoie à une idée plutôt qu’à un territoire. Le Saint-Empire renvoyait à la notion de monarchie universelle chrétienne et, de manière analogue, l’Union Européenne renvoie à des valeurs et des règles communes, la démocratie et la libre circulation par exemple. L’empire a par nature une vocation englobante, catholique même au sens d’universel que ce mot a en grec : il accueille en son sein des cultures différentes et de nombreuses nations et c’est là raison pour laquelle que, contrairement à l’Etat-nation, il peut s’étendre. Dans sa version contemporaine de l’Union Européenne, l’empire s’est effectivement étendu à partir des six pays fondateurs aux vingt-huit qui forment l’Union aujourd’hui, précisément parce que l’Union incarne une idée, à laquelle de nouveaux venus peuvent apporter leur adhésion.

La vocation de l’Empire est donc de concilier l’universel et le particulier, l’universel qui fait l’idée d’empire et le particulier de ses constituants qui lui donne corps. Alors que l’Empire rassemble des collectivités qui demeurent libres de conserver leur langue, leur culture, leur religion et leur droit, l’Etat-nation vise à créer des citoyens régis par des lois identiques. Là où l’empire entretien des rapports médiatisés avec ses habitants, c’est-à-dire qui passent par des corps intermédiaires, principautés territoriales sous le Saint-Empire, Etats membres dans l’Union Européenne, l’Etat-nation recherche au contraire l’immédiateté, c’est-à-dire à déterminer les rapports entre l’Etat et ceux qui sont désormais des citoyens. En ce sens, l’Etat-nation s’érige en anti-empire, ce qui c’est effectivement vérifié en Europe centrale en 1918 avec la dissolution de l’Autriche-Hongrie.

Destinée européenne

Pendant près de sept siècles, la Maison d’Autiche a incarné l’idée impériale sans jamais faire recours à la notion d’une nation autrichienne. L’empereur n’a pas de nationalité : c’est la raison et la condition du succès de l’idée d’empire, alors comme aujourd’hui. Le traité signé le 25 mars 1957 à Rome entend bien fonder la construction européenne sur son double héritage chrétien et impérial et de faire de cette construction la destinée manifeste de l’Europe.