La Folie Pastré : la comtesse, la musique et la guerre

Qui est Pastré et de quelle folie s’agit-il ? Olivier Bellamy, journaliste, animateur radio et surtout grand amoureux de musique classique a consacré ce petit ouvrage à la vie colorée de la comtesse Lily Pastré, marseillaise comme l’auteur. Née Marie-Louise Double de Saint-Lambert en 1891, héritière des apéritifs Noilly-Prat, elle épousera en 1918 Jean Pastré, comte pontifical, lui-même héritier de la maison de négoce Pastré Frères, et dont elle se séparera plus tard.

Car la véritable passion de Lily, cette comtesse aux allures de clocharde, c’est la musique, et Mozart en particulier. Entre les deux guerres, elle fréquente à Paris tant le monde tout court que le monde des arts et se lie avec les personnalités les plus en vue du moment. Mais c’est la guerre qui plus encore sera le révélateur de sa personnalité. Marseille est située en zone libre que tentent de gagner en particulier les Juifs restés en zone occupée. Lily Pastré accueillera notamment et cachera dans sa villa provençale la pianiste Clara Haskil et le compositeur Darius Milhaud. Lily estime que l’argent est là pour être dépensé ; aussi en 1942, fait-elle représenter dans sa villa le Songe d’une Nuit d’Été de Shakespeare, une œuvre d’art « total » qui comprend chants, musique et danse. Lily charge Manuel Rosenthal de la direction musicale, qui se tourne à son tour vers les membres de l’Orchestre National de France réfugiés à Marseille, juifs pour la plupart. Représentation unique à laquelle assistent une centaine de convives à peine, elle est le témoignage de la foi que Lily Pastré investit dans la puissance salvatrice de la musique. Plus tard en 1948, elle cofondera le festival d’art lyrique d’Aix-en-Provence, qui subsiste jusqu’à nos jours.

Certes, Bellamy réussit à séduire son lecteur et à lui rendre son personnage sympathique. Cependant, on le sent à la peine pour meubler son livre, aux prix de nombreuses excursions vers les ancêtres de Lily et les artistes qu’elle recueille. La fin, où Bellamy ajoute une saynète, c’est-à-dire une œuvre de fiction, à une biographie, irrite quelque peu le lecteur non pas quant au fond mais en raison du mélange de styles. En définitive, de l’avis de La Ligne Claire, Bellamy, homme de radio, se révèle meilleur conteur que rédacteur de la vie chamarrée de la folle Lily.

 

Olivier Bellamy : La Folie Pastré, Éditions Grasset 2021, 176 pages