Jackie: la mise en scène de l’histoire

La critique salue ces jours-ci la sortie en salle de Jackie, le biopic consacré à Jackie Kennedy dont le rôle est tenu à l’écran par Nathalie Portman. La nature même du genre, celui du biopic, fait en sorte que tout le monde connaît l’histoire, que ce soit celle de Jack Kennedy ou celle de la Princesse Diana, on sait comment elle finit et c’est la raison pour laquelle il ne s’agit pas de la raconter,

Car il s’agit plutôt de savoir comment elle sera retenue et c’est à cette tâche que va s’attaquer Jackie. Jackie Bouvier Kennedy est non seulement une jeune femme riche et élégante, elle parle plusieurs langues, a étudié la littérature et dispose de connaissances approfondies en histoire. Au cours du bref mandat de son mari, elle s’attachera a transformer la Maison Blanche, demeure bourgeoise que lui avait laissée le ménage Eisenhower, en un lieu du souvenir qui incarne l’histoire américaine dans laquelle elle entend bien que son mari s’inscrive. Si ces travaux de décoration ne sont pas à l’abri des critiques tant la dépense est grande, ils rencontrent néanmoins un grand succès auprès du public américain à l’occasion d’une émission télévisée, qui sera suivi par 80 millions de téléspectateurs, un chiffre énorme pour l’époque. Avec une grâce royale, Jackie Kennedy montre aux Américains une Maison Blanche érigée en une Maison du Peuple, élégante et noble, lieu de l’incarnation de leur histoire.

L’assassinat du président viendra couper court à ces projets mais pas à aux intentions de Jackie. Puisque les portes de la Maison Blanche bientôt se fermeront, il s’agit de sortir dans la rue. Avant Kennedy, trois présidents avaient déjà été assassinés, Lincoln, Garfield et Mc Kinley – Jackie connaît leurs noms -mais l’histoire n’a retenu que celui de Lincoln. On reproduira donc le cortège funéraire de Lincoln : une grandiose procession à pied, vêtements de deuil, formations militaires, présence de dignitaires religieux et civils en provenance du monde entier. Enfin, trouvaille de génie, elle exige que le président soit inhumé non pas dans le caveau familial mais au cimetière national d’Arlington, entouré de 290 000 soldats américains où effectivement cinquante plus tard les touristes affluent toujours pour se recueillir devant sa tombe. Seul le décès d’un pape fait de nos jours l’objet d’une telle mise en scène. On peut revoir ces scènes et écouter les commentaires qui évoquent le décès de « our chosen leader », personnage élu par le peuple certes mais aussi référence claire à une figure messianique, le président élu de Dieu.

Une semaine à peine après l’assassinat, Jackie Kennedy accordait une interview au magazine Life au cours de laquelle elle associe les années passées à la Maison Blanche à Camelot, siège de la cour du roi Arthur. La légende avait rejoint l’histoire.