Littératures au temps du virus

Le thème du récit de la catastrophe naturelle fait partie de l’histoire humaine ; dans la Bible, le Déluge et les Dix Plaies d’Égypte en constituent les archétypes.

Sur les réseaux sociaux, plusieurs ont relevé ces derniers jours un regain d’intérêt pour La Peste, un roman d’Albert Camus. Si Camus semble s’être inspiré pour une partie de faits réels, ce roman se veut d’abord une analogie de la propagation de la peste brune du nazisme à partir de 1933 mais surtout aux yeux de Camus à partir de 1940 et de la défaite de la France. La peste, politique ou pas, y affecte le comportement des gens.

En dehors de France, on retrouve la peste en toile de fond du roman Les Fiancés (I Promessi Sposi) d’Alessandro Manzoni. Tous les Italiens connaissent non seulement ce livre mais les personnages qui le peuplent. Ici la peste fait référence à l’épisode bien réel de survenance de la maladie à Milan en 1630 sous l’épiscopat du cardinal Federigo Borromeo, que Manzoni fait du reste apparaître dans son roman. La peste y joue un rôle qu’on pourrait appeler biblique en ce sens qu’elle appelle à la conversion, au repentir et au sacrifice de soi, une épreuve que certains personnages affrontent avec dignité et d’autres avec lâcheté.

Si Manzoni rédige au XIXe siècle une œuvre de fiction qui s’insère dans des événements survenus au XVIIe siècle, Boccace quant à lui rédige le Décaméron vers 1350 peu de temps après que la Grande Peste eût frappé l’ensemble de l’Europe. Les personnages du livre, sept filles et trois garçons, qui fuient Florence et se réfugient à la campagne où il se livrent chacun au récit de dix nouvelles, sont certes fictifs mais témoignent d’une réalité que l’auteur a lui-même vécue.

Plus près de nous, le choléra de L’Amour au Temps du Choléra de Gabriel Garcia Marquez peut tout aussi bien faire référence à la maladie qu’à la passion qui consume le cœur humain. Ferdinando Ariza et Fermina Daza ne meurent pas du choléra mais souffrent d’une lente maladie d’amour causée par l’empêchement, la distance et le passage du temps.

Thème universel, la peste (ou la maladie) renvoie le lecteur à sa finitude ; catastrophe naturelle ou vengeance du Ciel, peu importe « Tous n’en mouraient pas mais tous étaient frappés ».