Serment d’ivrogne?

Le monde a pu suivre hier la prestation de serment de Donald Trump, en l’occurrence sur la Bible en les termes suivants : « I, Donald John Trump, do solemnly swear that I will faithfully execute the office of president of the United States, and will to the best of my ability, preserve, protect and defend the constitution of the United States. So help me God »

Les mots même le disent, il s’agit d’un engagement de la part de celui qui les prononce et cet engagement revêt non seulement un caractère solennel mais engage la foi. Pour ce qui est du contenu, il s’agit d’une part de remplir la fonction présidentielle et d’autre part de défendre la constitution américaine. La constitution apparaît ici clairement comme la source du pouvoir présidentiel et c’est du reste elle qui en son article 2 exige du nouveau président qu’il prête serment.

Rien dans la constitution ne précise ou oblige que le président prête serment sur la Bible ; ce dernier aspect est davantage le reflet de la culture protestante qui a forgé les Etats-Unis mais surtout, en introduisant une dimension religieuse au serment et en faisant une référence à une puissance supérieure, « So help me God », il sert à affirmer le caractère solennel d’un serment qui oblige.

Seul Dieu bénéficie d’une exception à cet égard comme le note l’auteur de La Lettre aux Hébreux au chapitre VI, verset 13 : « Quand Dieu fit la promesse à Abraham, comme il ne pouvait prêter serment par quelqu’un de plus grand que lui, il prêta serment par lui-même ».

Hier donc, Donald Trump s’est engagé par une puissance plus grande que la sienne. Plutôt que d’être muni d’une autorisation de mener une politique à sa guise, voilà donc le Président Trump lié.

 

Trump: théorème de la limite

A quelques jours de la prestation de serment de Donald Trump, le monde continue de s’interroger tant sur les circonstances qui ont prévalu à son élection que sur la politique qu’il entend mener, qu’on est réduit actuellement de deviner sur base de ses tweets.

Il semble à La Ligne Claire que ses électeurs ont voulu marquer trois limites dans les domaines de la politique, de l’économie et des questions de société.

Politique

Dans le domaine politique, tout le monde se souvient du mur que le candidat Trump promet d’ériger à la frontière du Mexique. Une fanfaronnade sans doute mais une fanfaronnade qui a touché ses électeurs car les Etats-Unis forment une nation et le Mexique une autre. Vivre en bon voisinage ne signifie pas qu’il faille partager la même maison car le monde est ainsi fait qu’il est constitué de nations, dont l’identité peut certes évoluer au gré de l’histoire mais qui ne se fondent pas dans un Etat mondial. En Europe, cette question de la limite en deçà de laquelle peut et doit se développer une identité européenne est existentielle. C’est pourquoi La Ligne Claire est d’avis que la Turquie ne doit pas intégrer l’Union Européenne, non pas parce qu’elle est actuellement dirigée par M. Erdogan, mais parce qu’elle a une autre histoire et une autre culture. De même, La Ligne Claire tire les frontières de l’Europe à la frontière orientale de la Pologne et estime que ni la Biélorussie ni l’Ukraine, ni la Russie bien sûr, n’ont vocation à intégrer l’Union Européenne. Au-delà des choix personnels, il s’agit de définir pour l’Europe un espace fini, condition nécessaire à la constitution d’une identité. Il faut une limite à l’Etat ou à l’Union d’Etats.

Economie

Dans le domaine économique, on s’est longuement penché sur l’électorat ouvrier blanc et plus généralement sur les perdants de la mondialisation. L’homme fait depuis toujours du commerce et la théorie économique enseigne depuis longtemps que le commerce est favorable à toutes les parties. Cependant, lors de l’élection de 2016, trois éléments se sont conjugués, sans être entièrement neufs : i) tout d’abord toute industrie est susceptible d’être délocalisée, vers le Mexique, vers la Slovaquie et vers la Chine bien sûr où on peut tout fabriquer à moindre coût que partout ailleurs dans le monde ; ii) désormais une part importante des métiers de service est susceptible d’être robotisée tandis que iii) le capital circule librement de par le monde depuis trente ans sans connaître ni Dieu ni maître, au nom d’une plus grande efficacité économique dont beaucoup ne voient pas les fruits. Le T-shirt à un euro produit en Asie certes, mais au prix de la perte d’un emploi dans l’Aube ou le Nord et même d’une dignité. Car la réalité c’est qu’un homme ne se déplace pas avec sa famille de Tourcoing, Florange ou Troyes vers Guangdong mais les flux de capitaux oui. Il y a une limite au libéralisme économique.

Société

Enfin, si les questions de société n’ont pas tenu une place aussi importante pendant la campagne, il est clair que l’électorat de Trump ne se reconnaît pas dans l’offre du parti démocrate. Autrefois le parti de la classe ouvrière et des immigrants italiens, polonais ou irlandais, le parti démocrate s’est aujourd’hui constitué en une confédération au sein de laquelle chacun peut exprimer ses désirs, les transformer en revendications, les asseoir en droits autoproclamés et d’accuser ses opposants de phobie. A l’image de l’arc en ciel dont les couleurs se fondent, le parti démocrate propose une société sans limites qui n’est plus qu’une collection d’individus, chacun avec ses propres aspirations auxquelles tous sont tenus d’acquiescer sous peine d’intolérance. Le vote en faveur de M. Trump c’est aussi un voix qui rappelle que, oui, il existe des fruits défendus, que l’écologie de l’homme, selon le plaidoyer de Benoît XVI, est une nécessité et que, non, l’homme n’est pas Dieu. Il y a une limite à l’homme.