Pape François

Pie XII, le Pape François et l’Ukraine

De l’avis de La Ligne Claire, face à la guerre en Ukraine, le pape François se trouve imbriqué dans une situation qui rappelle par certains aspects celle dans laquelle se trouvait Pie XII pendant la guerre. Certes le Vatican, pays neutre, ne se retrouve pas aujourd’hui sous la menace d’une armée d’occupation et le pape demeure libre de ses mouvements, mais la guerre restreint dans les faits la capacité du pape à s’exprimer en public.

Lorsque la réalité de la Shoah devient claire, Pie XII sera pressé de toutes parts d’élever la voix en public contre ce qui apparaît de plus en plus nettement comme une extermination systématique des juifs d’Europe. En 1942, à l’occasion du message radiodiffusé de Noël, le pape prononcera la phrase suivante : « Ce vœu [de mettre fin à la guerre], l’humanité le doit à des centaines de milliers de personnes qui, sans aucune faute de leur part, par le seul fait de leur nationalité ou de leur race, sont vouées à la mort ou à une progressive disparition. »

Si Pie XII, seul chef d’Etat à jamais avoir pris la parole au sujet de la Shoah pendant la guerre, pense s’être exprimé avec toute la clarté et la fermeté qu’exigeaient les circonstances, on ne peut que mesurer aujourd’hui le décalage par rapport à la réalité : outre le nombre cité, des centaines de milliers plutôt que des millions, il n’y est surtout fait aucune mention ni des juifs ni des nazis.

Quatre-vingts ans plus tard, à l’occasion de l’audience générale du 24 février, jour de l’attaque russe en Ukraine, le pape évoque des « scénarios très alarmants » ; il prie « pour que toutes les parties impliquées s’abstiennent de toutes actions qui cause plus de souffrance aux populations ». Le lendemain, le secrétaire d’Etat, le cardinal Parolin, au cours d’une brève allocution, mentionnera les « développements en Ukraine », « les opérations militaires russes en territoire Ukrainien », et fera référence « aux légitimes aspirations de chacun ».

Ce qui frappe dans ces deux déclarations, c’est tout d’abord bien entendu l’absence de désignation de la Russie comme l’agresseur et ensuite l’absence de condamnation de cette agression ; mais surtout, à la différence de Pie XII, le pape François ne désigne même pas les victimes de cette agression, ici les Ukrainiens, qu’il regroupe au sein des « parties impliquées ».

L’un et l’autre pape sont donc confrontés à un dilemme. Pie XII devait-il ou non élever davantage la voix contre le nazisme au risque de mettre davantage encore en péril les juifs persécutés ? Pour le pape François, la question est de savoir s’il doit garder par devers lui son opinion ou au contraire condamner publiquement l’agression russe au risque de contribuer à la justification des motifs invoqués par le président Poutine. To be or not to be.