Saint Yves de Tréguier

Saint Yves de Tréguier

Patron des Bretons, des avocats, magistrats, juristes et universitaires

Tous les Bretons bien sûr, mais aussi les avocats, connaissent la figure de Saint Yves. Aussi François Christian Semur, magistrat honoraire, publie-t-il aux Éditions Hugues de Chivré, à leur attention comme à destination d’un public plus large, une belle biographie illustrée d’Yves Hélory (vers 1250-1303) passé à la postérité sous le nom de Saint Yves de Tréguier.

Yves Hélory, connu parfois comme Yves de Kermartin du nom du manoir familial, mais surtout comme Saint Yves de Tréguier du nom de la petite ville de Bretagne où il avait exercé son ministère sacerdotal dans les dernières années de sa vie, naît au temps de Saint Louis. Ce XIIIe siècle est non seulement le temps du roi-saint mais aussi celui des croisades, des cathédrales gothiques qui se dressent partout en France et encore celui des ordres mendiants, franciscains et dominicains, qui témoignent d’une expression nouvelle du christianisme.

Yves Hélory naît au sein de ce que nous appellerions aujourd’hui la classe moyenne. Bon élève, il étudiera le droit aux universités de Paris et d’Orléans et deviendra ensuite official, c’est à dire juge ecclésiastique, à Rennes et enfin prêtre à Tréguier où il mourra. Dans son ouvrage, Semur adopte la méthode scholastique à laquelle Hélory s’était forgé à l’université et le divisera en deux parties, lectio et disputatio, consacrées respectivement à l’exposé des étapes de sa vie et à un examen critique des documents.

Dès son vivant, Yves Hélory acquièrt une réputation d’humilité et de sainteté mais surtout il est connu pour avoir mis son intelligence et son talent d’homme de loi au service des pauvres qu’il défend avec équité face au pouvoir des puissants de son temps, nobles, magistrats et clercs. Il est considéré à juste titre sinon comme l’inventeur du concept de l’assistance juridique gratis pro deo, du moins comme son ardent propagateur.

 

Canonisation

Hormis son testament, Hélory n’a laissé aucun écrit de son vivant, aussi sa vie nous est-elle principalement connue au travers de son procès en canonisation qui démarre en 1330 et s’achève avec son élévation aux autels en 1347. A l’époque cette procédure que le pape se réserve désormais est neuve et vise à tempérer les manifestations intempestives de la piété populaire. Semur examine de manière serrée le déroulement du procès comme les nombreux témoignages tant de son activité en qualité de magistrat que des miracles qui lui sont attribués, principalement après sa mort, résurrections et guérisons.

Cette reconnaissance officielle contribuera pour une bonne mesure au rayonnement du culte de Saint Yves qui laissera un héritage culturel considérable qui en France ne connaît qu’un seul rival, celui de Saint Martin de Tours ; en témoignent statues, tableaux (par Rubens et van der Weyden notamment) où le saint est souvent figuré entre le riche et le pauvre tapisseries, vitraux, bannières, médailles, églises et enfin processions connues en Bretagne sous le nom de pardons. Si ce rayonnement est centré sur la Bretagne, il n’y est pas circonscrit puisqu’on trouve à Rome même l’extraordinaire église saint Yves au sein du palais de l’Université de la Sapienza, due au génie du Borromini.

Semur situe la vie d’Yves Hélory dans son temps et nous en fournit une description très fouillée et même érudite dans tous les domaines, vie politique et économique, procédures judiciaires et même habillement et alimentation. L’auteur a trouvé chez Hugues de Chivré (https://www.huguesdechivre.fr) l’éditeur qui lui convient puisqu’il se se voue à la préservation et à la diffusion de l’histoire et du patrimoine. Ce beau livre s’adressera donc à tous les amis de la Bretagne, à tous ceux qui s’intéressent à l’histoire de France et à celle du Moyen-Âge en particulier, à ceux qui marquent une dévotion envers les saints, aux juristes et aux magistrats et à tous ceux enfin qui retrouvent en Yves Hélory la personne en qui se croisent toutes ces dimensions.

Richement illustré, documenté de manière fouillée, on peut tout aussi bien feuilleter l’ouvrage de Semur sur une table basse qu’en faire une lecture attentive. On peut regretter cependant que la répartition entre lectio et disputatio ait conduit à de nombreuses redites, en particulier au sujet de la relation des témoignages déposés au procès, et que l’éditeur n’ait pas jugé bon de biffer ces irritantes répétitions.

 

François Christian Semur, Saint Yves de Tréguier, Éditions Hugues de Chivré 2019, 368 pages.