Philip d'Edimbourg

Prince Philip, duc d’Edimbourg

C’était un homme élégant, distingué, assez grand, plus grand encore lorsqu’il portait son bonnet à poil de colonel des Guards. Philippe d’Édimbourg avait quitté la Grèce à l’âge de deux ans hissé à bord d‘un bâtiment de guerre dans un cageot à oranges, alors que ses parents fuyaient la révolution dans ce pays-là. Jeune homme sans fortune, peu ou prou abandonné par ses parents, il avait mené une vie itinérante jusqu’à ce qu’un juif allemand, chassé par Hitler, fît de lui un Anglais. En ces temps-là qu’on n’appelait pas encore l’entre-deux-guerres, le Royaume-Uni demeurait la première puissance navale, c’est elle qui assurait la pax britannica et puis cela permettait de courir les mers et de voir le monde. Il s’engagea donc dans la Royal Navy.

En 1947, il était devenu le lieutenant Philip Mountbatten, du nom de la forme anglicisée du nom de famille de sa mère, Battenberg. Toute sa vie il éprouvera du regret à ne pouvoir ni porter ni transmettre son nom patronymique en ligne paternelle mais Schleswig-Holstein-Sonderburg-Glücksburg, c’était trop long et, murmurait-on sotto voce, trop allemand, même si sa famille était en réalité danoise. En novembre de la même année il épousa la Princesse Elizabeth, princesse héritière du Royaume-Uni qui deviendrait reine en 1952. Ce mariage allait durer 73 ans, toute une vie. La reine appelait Philip « mon roc » tandis que lui avait fait vœu de ne jamais, au grand jamais, laisser tomber la reine. Un exemple admirable de vie conjugale, royale ou pas.

Ces jours derniers, il peinait sous le poids des ans à se hisser de son fauteuil pour prendre le soleil de printemps sur la terrasse du château de Windsor, d’où la vue s’étendait en direction de la Long Walk et au-delà de Smiths Lawn, là où il avait joué au polo du temps de sa vigueur. A près de cent ans, les quelques pas du salon à la terrasse paraissaient ardus et il avait dû se résoudre à se munir d’une canne. Mais c’est lui qui portait la canne.

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La disparition du duc d’Édimbourg, sans être une surprise au regard de son âge, marque sans doute un tournant dans l’histoire de la famille royale : il était là depuis toujours et voilà qu’il n’est plus là. Ces derniers temps, le Prince Charles n’a pas caché son intention le moment venu de réduire la famille royale à un noyau plus restreint mais voilà qu’avec la défection de Meghan et Harry, il va manquer de bras.

Aussi La Ligne Claire se hasarde-t-elle à formuler deux pronostics. Le premier, c’est que le titre de duc d’Édimbourg reviendra au Prince Edward, aujourd’hui âgé de 57 ans et qui sera dès lors appelé à appuyer son frère aîné pendant une vingtaine d’années jusqu’à ce que les enfants du Prince William aient atteint l’âge adulte. Le deuxième, plus téméraire, est que la reine, âgée de 95 ans, établira une régence en droit ou de fait en faveur du Prince Charles. La reine est une souveraine consacrée, elle a reçu l’onction sainte, celle-là même que le roi David avait reçue du prophète Samuel. A la différence de son oncle Edward VIII qui certes avait régné quelque mois mais n’avait jamais été couronné, La Ligne Claire juge que non seulement il n’entre pas dans l’intention de la reine d’abdiquer mais qu’elle l’estime impossible : la royauté lui a conféré un sacerdoce indélébile dont elle est la dépositaire mais pas la propriétaire. Quant à la régence, elle bénéficie au contraire d’un heureux précédent en la personne du futur Georges IV. Une nouvelle régence permettrait non seulement à la reine de se retirer en douceur car il y aura bien un moment où ses forces viendront lui faire défaut mais au Prince Charles d’assumer les fonctions royale et à sa seconde épouse, Camilla, de tenter de faire une entrée aussi en douceur que le retrait supposé de la reine.

Dominique de la Barre

Dominique de la Barre est un Belge de l'étranger naturalisé suisse, amateur d'histoire et du patrimoine culturel européen, attaché aux questions liées à la transmission.

5 réponses à “Prince Philip, duc d’Edimbourg

  1. Sa Majesté la reine Elisabeth II est une personnalité remarquable, dont la vie fut en tout point exemplaire et qui restera certainement en fonction jusqu’à la fin. Elle sait que le plus à même de reprendre sa succession est le Prince William, dont la petite famille est très populaire, ce qui n’est pas du tout le cas de Charles et de sa seconde épouse. L’enjeu est très important, car la monarchie représente ce qui fait essentiellement l’unité du peuple britannique, à laquelle la reine a consacré son existence. Puisse le Royaume-Uni, une nation amie et alliée, traverser sereinement les épreuves du deuil et du renouvellement !

    1. Je ne partage pas votre point de vue car il implique que la reine modifie l’ordre de succession, ce dont elle n’a pas le pouvoir. De plus, cela revient dans les faits à faire de la couronne une monarchie élective, une menace mortelle. Voyez la couronne de Pologne au XVIIIe siècle.

  2. vous écrivez : ” marque sans doute un tournant dans l’histoire de la famille royale.”
    à mon avis ça marque aussi et surtout un tournant dans notre civilisation et dans nos sociétés : la voie est ouverte maintenant à la vulgarité, ignorance et superficialité rampantes. Autrefois la référence pour les classes sociales plus modestes étaient les aristocrates, j’ai connu dans mon enfance en Italie des gens du peuple, très polis, avec un train de vie modeste mais avec une certaine élégance quand même : Maintenant la référence ce sont les stars de show business et des réality shows… c’est lamentable ! Le Prince Philippe a incarné la classe dont faisait partie aussi l’ironie, ce qu’on appelle bêtement ” ses gaffes “, ironie qui nous manque cruellement depuis que l’intelligence s’est perdue dans le politiquement correct. Mes respects au Prince Philippe.

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