Mariage et droits de l’homme

L’objet de la votation

L’actuel article 94 du code civil suisse stipule que « pour pouvoir contracter mariage, l’homme et la femme doivent être âgés de 18 ans révolus et capables de discernement. ». Sous réserve des empêchements mentionnés aux articles 95 et 96, le mariage civil est d’ores et déjà ouvert à tous si bien que l’intitulé de la votation populaire du 26 septembre prochain induit en erreur.

L’officier de l’état civil en effet s’assure de la bonne exécution de la procédure préparatoire et du respect des formes dans lesquelles la cérémonie du mariage doit être célébrée. A aucun moment, il n’a à connaître ou à juger de l’orientation sexuelle des fiancés ou de l’identité de genre qu’ils peuvent s’attribuer. Cela restera le cas quelle que soit l’issue de la votation, car dans l’institution du mariage, il n’y a pas de place pour les sentiments et les désirs, non pas qu’ils ne comptent pas, mais parce que l’État n’a pas à s’en mêler. De la même manière que le code civil ne pas discrimine envers ceux qui n’ont que 17 ans et demi, il impose simplement à tous, le respect des règles qui gouvernent l’institution.

Pour ces raisons, il est plus exact de décrire l’objet de la votation comme étant l’ouverture du mariage aux personnes de même sexe.

Mariage et droits de l’homme

En 1948 l’Assemblée Générale de l’ONU adopte la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. Comme son nom l’indique, la Déclaration ne crée pas de droits en tant que tels mais reconnaît et proclame les droits objectifs, inaliénables et universels de la personne humaine, et si elle proclame les droits de l’homme, elle n’en fait pas les droits des individus.

Le but de l’institution de mariage est de régler les rapports entre les sexes d’une part et entre les générations d’autre part. On peut observer comme un fait que l’institution du mariage, entendu comme la communauté conjugale d’un homme et d’une femme, revêt une dimension universelle dans le temps et dans l’espace, et que toutes les sociétés humaines la connaissent.

C’est pourquoi, en son article 16 la Déclaration reconnaît que l’homme et la femme ont le droit de se marier et de fonder une famille. Elle reconnaît la famille pour l’élément naturel et fondamental de la société et oblige l’État à lui accorder sa protection.

L’abolition de la loi

On vient de lire au paragraphe précédent, la Déclaration s’appuie sur la loi naturelle. Avec son érosion graduelle à partir des années 60 du siècle dernier, on a vu s’ouvrir la porte à des revendications en faveur de droits individuels innombrables et illimités ; au nom des droits de l’homme, tout désormais peut faire l’objet d’une auto-proclamation en vue de faire reconnaître dans le droit des préférences individuelles. Nous vivons désormais dans un monde certes de droits mais privé de loi, car la loi est réduite à n’être que l’instrument qui ratifie le droit, par exemple au moyen de cette votation ; non seulement le droit est maintenant compris comme extérieur à la loi mais la loi en est devenue l’esclave, un notaire qui consacre l’expression de désirs individuels auxquels le droit donne corps.

La démocratie sans loi

Cette transformation de la démocratie parlementaire politique fondée sur la loi naturelle en un système politique autoréférentiel, qui ne repose sur aucune valeur ferme et stable et qui permet à chacun de faire reconnaître dans le droit l’expression de ses désirs particuliers au gré de majorités de circonstances, marque en définitive la fin de la démocratie. Loin d’être la norme morale proposée au reste du monde en matière de politique au lendemain de la Deuxième Guerre Mondiale, ce système politique, tel qu’il prévaut désormais en Occident, ne nous vaut désormais que le mépris des Russes, des Chinois et du monde musulman.

La votation du 26 septembre, c’est aussi cela.

Dominique de la Barre

Dominique de la Barre est un Belge de l'étranger naturalisé suisse, amateur d'histoire et du patrimoine culturel européen, attaché aux questions liées à la transmission.

6 réponses à “Mariage et droits de l’homme

  1. J’ai voté par correspondance NON en pensant au droit de l’enfant d’avoir des parents des 2 sexes. Vous avez pris le pari dans ce papier que tout a été figé et tout doit découler forcément de ce qui a été écrit il y a plusieurs décennies, ce qui rend votre papier fortement attaquable, pourtant moi-même j’aime bien cette stabilité proclamée bien que impossible à maintenir. La société et les lois évoluent, personne ne peut arrêter leurs mutations.

  2. Intéressant d’observer que le le coeur de l’argumentaire rétrograde repose sur la supposée “universalité” et le caractère “naturel” des rapports entre hommes et femmes, à l’inverse des relations entre personnes du même sexe. Vous gagneriez à questionner votre expertise sur les “questions liées à la transmission”, car il n’y a pas grand-chose fondé dans ce que vous écrivez. Nombre de sociétés ont normalisé les rapports entre personnes de même sexe au cours de l’histoire. Ce n’est d’ailleurs pas le propos : doit-on justifier les choix d’aujourd’hui par un ancrage historique (douteux et limité) ? Je comprends que la pilule semble difficile à avaler : nos sociétés ne sont plus faites exclusivement pour vous et ce que vous incarnez. Quel drame ! Ce qui est amusant, c’est qu’au final vous n’y perdez pas tant que ça, pour de pas dire rien du tout. Détendez-vous, les hommes blancs cis et hétérosexuels ne vont pas être amenés au bûcher.

  3. Rétrograde ? Allons donc ! Rétrograde un jour rétrograde toujours !
    Celui qui taxe l’autre de « rétrograde » l’est déjà lui-même. Car forcément ses idées seront un jour elles-mêmes rétrogrades
    Car comme il n’y a pas de normes, tous les comportements sont « normaux » (juste le temps d’une époque).
    L’immoralité n’est en fait qu’une vue de l’esprit et de fait l’humanité aussi ! L’humanité dans le sens noble comme René Guénon l’a défini.
    Ces choses qualifiés encore de perverses ne le sont en fait qu’en fonction d’une époque et seront considérées un jour comme allant de soi pour ne pas paraître « rétrograde » ?
    Il n’y a pas de raison que cela s’arrête !

  4. Bonjour,
    “On peut observer comme un fait que l’institution du mariage, entendu comme la communauté conjugale d’un homme et d’une femme, revêt une dimension universelle dans le temps et dans l’espace, et que toutes les sociétés humaines la connaissent”.
    Vraiment? Le mariage musulman autorise plusieurs femmes. Divers sociétés dites “primitives” n’ont aucune notion du “mariage”. Les relations sexuelles ont alors lieu entre membres de la tribu, sans qu’il y ait “mariage”. Et les enfants qui en naissent sont éduqués par l’ensemble de la tribu. Il n’y a donc ni dimension universelle dans le temps et l’espace, ni dans TOUTES les sociétés humaines.

    Maintenant, si nous étendons votre raisonnement à d’autres domaines, nous pourrions donc en conclure que la PMA (y compris de couples hétérosexuels) ne devrait pas avoir lieu car “non naturelle”. Se pose aussi la question de savoir si la médecine, ou le progrès technique, sont “naturels”, et donc justifiables.

    Je trouve aussi intéressant, dans votre argumentaire, que vous considériez la Déclaration de 1948 comme un document intangible et définitif, tout comme l’est la Torah, La Bible, ou le Coran. Et qu’il doit donc s’appliquer “jusqu’à la fin de temps sans aucune altération”. Sauf que, comme tout document il est le fruit d’une époque. Par exemple le “droit de propriété” n’est n’y naturel, ni universel, ni connu de toutes les sociétés humaines.

    D’ailleurs si la déclaration de 1948 était si universelle et naturelle que vous voulez bien l’affirmer, pourquoi aurait-il été besoin de la proclamer? Une “loi universelle et naturelle” est, par essence, connue de tous, et appliquée par tous (ou presque) sans qu’il n’est besoin de l’exprimer. Or, nous voyons bien que ce n’est pas le cas. Même nos propre pays, dits “civilisés” et “développés” sont très loin de la respecter. Il suffit, pour s’en convaincre de regarder la liste des pays condamnés par la CEDH.

  5. Analyse de qualité tout en nuance et intéressante sur les fondements sous jacents des partisans du MPT. Victorieux ce soir donc. La dite victoire s’inscrit dans la droite ligne des évolutions sociétales depuis 50 ans. On entend ici ou là des affirmations assez péremptoires: le MPT débarrasserait le mariage de son “bagage patriarcal”. Ah bon ?
    Plus probablement le MPT dénature et dévalorise le mariage civil.
    Au moins les Suisses auront eu le droit, de justesse, de s’exprimer par votation cela n’a pas eté le cas de la France.
    Pour le reste, nous verrons à l’usage.
    Restons optimistes, si la loi se doit d’être fondée au plus près du droit naturel, la nature reprendra toujours ses droits.
    En attendant vive le mari “déconstruit” (sic)

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