L’Affaire Arnolfini

Il compte parmi les tableaux les plus connus au monde. Exposé à la National Gallery à Londres depuis 1843, les „Epoux Arnolfini“ sont dus au pinceau de Jan Van Eyck, à qui on attribue l’invention de la peinture à l’huile.

Que représente le tableau ? Un homme et une femme qui se tiennent par la main, sans doute sont-ils en train de se marier puisque le titre du tableau nous rappelle qu’ils sont époux ; sans doute des Italiens car leur nom rime avec spaghettini ; ah oui, et puis encore cette histoire du miroir convexe qui renvoie au spectateur la vérité de la scène. Affaire entendue.

Une affaire justement. « L’affaire Arnolfini », comme on évoque l’Affaire Dreyfus ou l’Affaire Harry Quebert dont il s’agit de découvrir la vérité, voilà le titre conféré par Jean-Philippe Postel à son petit livre dédie aux « secrets du tableau de Van Eyck ». Nous y voilà donc, le tableau contiendrait des secrets. Mais comment faire pour les dévoiler car, somme toute, on sait peu de chose de Jean Van Eyck. Né, pense-t-on à Maaseik, alors en principauté de Liège, il est mort à Bruges en 1441. Passé au service de Philippe le Bon, duc de Bourgogne, qui le tient en haute estime, il aurait conduit des missions secrètes pour ce dernier. Une vingtaine de tableaux sont parvenus jusqu’à nous. Voilà pour l’essentiel.

Pour en savoir plus, Jean-Philippe Postel, médecin généraliste à la retraite, s’arme d’une loupe au propre comme au figuré et fait subir au tableau un examen clinique. Vous aviez certes remarqué le petit chien à l’avant plan et le magnifique chandelier mais la représentation de sainte Marguerite, qu’on invoque en vue d’une heureuse délivrance ou encore les médaillons représentant la Passion du Christ et leur disposition ? Sans doute pas. Et à propos de chandelier, combien de chandelles compte-t-il, allumées, consumées ou éteintes ?

Vous l’avez deviné, tout est là mais vous et moi n’avons rien vu de ce tableau. Postel nous le révèle à la façon d’un détective, un Rouletabille qui détecte les indices que seul l’enquêteur reconnaît bien qu’ils soient là à la vue de tous. Ce petit livre, qui se veut à la croisée de l’analyse de l’oeuvre d’art et du roman policier, se lit en fait comme un polar : une fois entamé on ne le lâchera plus. L’éditeur nous le présente comme un roman d‘investigation ; pour l’investigation nous sommes au fait : Postel a lu tous les livres au sujet des Epoux Arnolfini et de Van Eyck, il a examiné ce tableau comme personne avant lui et en a rendu compte dans ce livre. Mais le roman ? Lorsqu’on a tout identifié, lorsque tous les symboles ont été mis à jour, reste alors le secret dont seul Van Eyck est le détenteur mais dont il aura livré au spectateur tous les indices. C’est dans ce dernier pas à franchir, celui qui va de l’investigation à la vérité que se situe le roman. Lisez-le.

Jean-Philippe Postel, L’Affaire Arnolfini, Actes Sud

Dominique de la Barre

Dominique de la Barre est un Belge de l'étranger naturalisé suisse, amateur d'histoire et du patrimoine culturel européen, attaché aux questions liées à la transmission.

Une réponse à “L’Affaire Arnolfini

  1. Absolument fascinant…je l’ai lu une première fois, et je le relis avec un “stylo” !!!
    Bien sûr, je connaissais le tableau, mais cette plongée dans le 15ème siècle et le vocabulaire précis que j’ai oublié (ou que j’ ignore !) sont un délice.
    J’aimerais bien le voir “en vrai” ! à la National Gallery…
    Geneviève R.

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